« Nous devons, tels des marins, caboter le long des côtes par mauvais temps »

Située à proximité d’Avignon et spécialisée dans la gestion des back offices externalisés des organismes et intermédiaires d’assurance, la société PACK Solutions a instauré un pilotage fin et solide pour assurer la continuité de son activité. Son président, Christophe Emprin, revient pour l’Assurance en Mouvement sur les mesures prises en matière de travail à distance et celles destinées à soutenir les 215 salariés de l’entreprise, en soulignant que tous les collaborateurs sont équipés par son groupe en matériels sécurisés et fonctionnels. Il évoque également l’activité des assureurs et son approche pour « l’après »
Comment avez-vous abordé cette période spéciale de confinement sanitaire ?
Nous avons dès le 11 mars installé une cellule de crise réunissant la direction ainsi que plusieurs responsables clés de lignes de production. A cette date, nous avons pris les premières décisions pour limiter les déplacements et les visites dans nos bureaux mais aussi pour remodeler les capacités de regroupement dans nos salles de réunions. Il a été décidé d’un plan de continuité de l’activité pour permettre d’être opérationnel. Aussi, dans les deux ou trois jours qui ont suivi le confinement, environ 75 % de nos salariés travaillaient à domicile, 15 % étaient encore sur site et les 10 % restant ont été obligés de prendre un arrêt de travail « COVID 19 » pour garder leurs d’enfants. Progressivement, nous avons diminué le nombre de salariés sur site. Aujourd’hui, ils ne sont plus que trois ou quatre présents pour des raisons d’intendance et régler les quelques questions administratives. Nous pouvons donc considérer que l’ensemble de l’entreprise fonctionne en télétravail, même si je ne trouve pas ce terme adéquat dans la situation actuelle. J’ajoute que le format de cellule de crise perdure depuis le 11 mars. Quotidiennement, à 17 heures, nous l’activons pour s’assurer que tout fonctionne sur le plan technique et vérifier où en sont les curseurs d’activité. La cellule de crise permet également de faire un point sur les difficultés éventuelles d’avancement des travaux sur nos différents métiers. Chaque salarié a un contact téléphonique par jour avec son responsable direct et reste en communication avec l’entreprise via une boîte mails génériques, permettant de valider les transactions avec les différents services. Elle permet aussi à la direction de communiquer quotidiennement avec les salariés, de soutenir le moral et de procéder à une enquête hebdomadaire pour recueillir leur « humeur » et détecter parfois d’éventuelles détresses, ce qui est toujours plus difficile à réaliser à distance. Nous nous attachons à bien étudier le stress ressenti face à l’isolement, à la qualité perçue du travail et à celle de la communication. Pour le moment il n’y a pas d’alerte majeure, mais nous sommes vigilants sur quelques personnes.
La mise en place de ce mode de fonctionnement général a été validé par le comité social et économique de l’entreprise.
Sur le plan du matériel à disposition des salariés, comment avez-vous géré la situation ?
Bien avant la crise, près des trois quarts des salariés étaient équipés dans l’entreprise d’un micro-ordinateur portable. Nous avons complété cet équipement en investissant dans de nouveaux équipements et en achetant des écrans complémentaires pour qu’ils aient à leur domicile un meilleur confort de travail. Tout le monde est parti avec son matériel sous le bras. Mais pour répondre précisément à votre question, il s’agit bien d’outils mis à disposition par l’entreprise et non ceux de la famille. Travailler avec son ordinateur personnel est pour ce qui nous concerne inenvisageable dans la mesure où ils ne sont majoritairement pas dotés de mémoires suffisantes ni non plus de la sécurité nécessaire. Les ordinateurs de l’entreprise disposent en revanche de toutes les configurations nécessaires à la continuité de l’activité avec la mise en place des liens techniques sécurisés de transmissions de données VPN ou TSE et ce, y compris pour le call center qui est également en télétravail et équipé aussi de son outillage habituel.
Vous avez souligné que le télétravail n’était pas, pour vous, la terminologie la plus appropriée. Pour quelle raison ?
Notre entreprise est aujourd’hui en rythme de croisière. Pour autant, nous ne sommes pas, à mon avis, dans une situation de télétravail normale qui aurait été organisée et planifiée. Nous sommes dans une configuration spéciale de continuité qui a été décidée dans l’urgence et qui demande un pilotage managérial spécial. Bon nombre de salariés n’ont pas choisi ce mode de travail à domicile pour différentes raisons personnelles, souvent liées aux enfants par exemple. C’est pour cette raison que nous avons étendu les plages horaires de travail, entre 7 h et 22 h pour que les salariés s’organisent comme ils le souhaitent et puissent planifier leur mission et leur journée de travail. Voilà pourquoi, j’insiste sur le fait que nous ne nous situons pas aujourd’hui dans un cadre de télétravail normal mais que nous devons faire face à nos obligations dans un contexte de travail à distance contraint par les événements.
Et quel est votre sentiment sur le télétravail demain ?
Il est vrai que jusqu’à présent, nous n’étions pas totalement convaincus par le télétravail pour certaines fonctions de l’entreprise. Mais cette crise nous a amené à réviser notre jugement puisqu’elle nous a montré que c’était possible. Par conséquent, demain, nous aurons une vraie démarche d’ensemble sur la part de télétravail. Cet accélérateur est valable aussi pour les salariés qui, pour certains, n’étaient pas auparavant des adeptes du télétravail mais qui aujourd’hui commencent à y prendre goût. Nous constatons cette évolution dans les sondages que nous réalisons régulièrement. Il apparaît aussi un besoin de télétravail partiel car les salariés ont besoin d’une appartenance à un environnement et de se retrouver dans un lieu physique, pour partager des moments de convivialité. Je pense que nous nous dirigeons vers un télétravail maîtrisé, pas tous en même temps ni tout le temps, mais ouvert à tous les services.
Comment se portent l’activité avec vos clients assureurs ? Ont-ils des demandes spécifiques en matière de gestion de leurs contrats ?
Le niveau d’activité est normal de la part de nos clients assureurs. Une grosse partie des demandes est liée à l’attention sur le service rendu aux assurés et notamment sa bonne continuité. Après une baisse de ces flux au cours des deux premières semaines, nous constatons un retour à la normale des services, peut-être un peu en dessous de la moyenne. L’activité se porte sur les actes de gestion classiques, encaissement des primes et règlements de sinistres. Il y a eu aussi plus de demandes de rachats avec la dégringolade boursière mais cela s’est calmé.
Pour le reste, nous sommes sollicités sur quelques demandes techniques, notamment sur la mise en place de systèmes permettant de suspendre immédiatement les prélèvements en prévoyance tout en maintenant les garanties. Pour notre part, nous ne constatons pas d’arrêt brutal des projets mais seulement quelques ralentissements. Mais il est vrai que nous intervenons sur des activités récurrentes et non sur des missions ponctuelles.
Comment envisagez-vous l’avenir proche, en cas de maintien du confinement ou de déconfinement progressif ?
Nous restons vigilants au moral des salariés et notamment à la fatigue nerveuse que le prolongement du confinement peut entrainer. Nous essayons de faire passer le message que nous n’attendons pas de retour à la normale à court terme, c’est en tout cas notre conviction. Dès cette semaine, nous offrons la possibilité à nos équipes de passer une à deux journées au bureau si elles le souhaitent, dans une limite de 20 % des effectifs totaux de l’entreprise. Un point cependant est préoccupant, celui de l’extrême dépendance de notre secteur aux télécommunications. Les fournisseurs doivent avoir la capacité de maintenir leur niveau de qualité et d’activité. Si internet devait craquer, des difficultés supplémentaires apparaitraient. Fort heureusement, pour le moment, les études semblent montrer que nous sommes assez éloignés de la rupture de charge.
D’une manière générale, l’assurance dépend d’une vaste chaîne d’approvisionnement qui va des hébergeurs aux fournisseurs télécoms, en passant par le courrier et les imprimeurs pour ne citer qu’eux. Il est nécessaire que toute cette chaîne tienne dans la durée.
Pour conclure, croire que le monde d’avant est totalement révolu, tout comme penser que le monde d’après sera « neuf » préparent à des désillusions : nous devons être attentifs à tous les signaux faibles, voir ce qui va effectivement changer et, à la manière d’un marin, caboter le long des côtes par mauvais temps. J’ai confiance dans l’entreprise pour réinventer ce qui devra l’être dans les mois qui viennent. En revanche, c’est sur nos valeurs cardinales que ces changements s’opèreront. Ce sera le point fixe de nos réflexions.
Interview réalisé par Jean-Charles Naimi

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