Risques climatiques : quels autres modèles assurantiels ?

Face à l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes, la question de la couverture assurantielle des risques naturels devient cruciale. Une étude comparative internationale récemment menée par trois experts, portant sur l’adaptation du système assurantiel français face à l’évolution des risques climatiques, offre un aperçu inédit des différentes approches adoptées à travers le monde pour répondre à ce défi.

Aidés des services économiques de huit pays les éléments de l’étude détaillent les mécanismes et les modèles d’assurances existants.

Assurance publique : un bouclier contre les éléments naturels

Dans un monde où les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus fréquents et violents, la nécessité de protéger les individus et leurs biens contre les caprices de la nature est devenue impérative. Face à cette urgence climatique, divers pays ont adopté des stratégies innovantes pour offrir une couverture assurantielle à leurs citoyens. 

Parmi ces solutions, l’assurance publique se distingue comme un pilier central, agissant tel un bouclier protecteur contre les éléments déchaînés. Ce mécanisme crucial, mis en place par des entités gouvernementales, vise à garantir une sécurité financière en cas de catastrophes naturelles, allégeant ainsi les lourdes charges qui pèsent sur les épaules des individus et des communautés affectées.

Espagne : le Consorcio de Compensacion de Seguros

En Espagne, une entreprise publique, le CCS agit en tant qu’assureur de dernier recours, complétant la garantie privée de base. Ainsi, elle intervient lorsque les risques climatiques exceptionnels dépassent la couverture de l’assurance privée. 

Cette entreprise publique illustre l’approche complémentaire adoptée par certains gouvernements pour garantir une protection étendue à leurs citoyens.

Suisse : le modèle cantonal

La Suisse se distingue par son système d’assurance cantonal public (ECA), qui couvre certains risques naturels tels que les inondations. 

Ce modèle unique, basé sur un monopole accordé à un établissement d’assurance public par canton, souligne l’importance de solutions locales adaptées aux spécificités régionales.

Belgique : une réforme en réponse aux défis climatiques

La Belgique présente un modèle assurantiel où la garantie contre les catastrophes naturelles est intégrée à la couverture incendie traditionnelle, garantissant ainsi une large diffusion. Toutefois, les événements extrêmes, comme les inondations dévastatrices de 2021, ont mis en évidence les limites de ce système. 

En réponse, une réforme est en cours pour rehausser le plafond d’indemnisation et explorer des alternatives assurantielles plus résilientes. Ce processus de réévaluation et d’adaptation témoigne de la volonté de la Belgique de renforcer sa capacité à répondre aux défis posés par le changement climatique, en envisageant des solutions innovantes qui peuvent compléter ou réviser le rôle traditionnel des assureurs privés dans la gestion des risques naturels.

Nouvelle-Zélande : la commission Earthquake

La Nouvelle-Zélande, fréquemment touchée par des catastrophes naturelles, a établi l’EQC, un assureur public qui travaille de concert avec le secteur privé pour offrir une couverture de base contre les premières pertes. 

L’accès à cette couverture publique est conditionné à la souscription préalable d’une assurance privée, illustrant une synergie entre les deux secteurs.

États-Unis : une mosaïque de réponses aux défis climatiques

Aux États-Unis, l’approche à l’assurance des risques climatiques est marquée par sa diversité, reflétant la variabilité géographique et climatique du pays. L’intervention fédérale se concentre sur des domaines spécifiques tels que les inondations et les risques agricoles, principalement à travers le Disaster Relief Fund et la Federal Emergency Management Agency (FEMA).  Toutefois, c’est au niveau des États que l’on observe une gamme plus large de programmes et d’initiatives. 

Des programmes comme le FAIR en Californie, entièrement soutenus par le secteur privé, visent à garantir un accès équitable à l’assurance, soulignant un engagement envers la protection inclusive. En Floride, la combinaison d’une assurance publique pour les ménages à faibles revenus avec un fonds de réassurance contre les ouragans illustre une autre stratégie adaptative, visant à réduire les vulnérabilités spécifiques face aux caprices climatiques. Ensemble, ces approches dessinent un paysage assurantiel américain hétérogène, où la créativité et l’adaptabilité sont essentielles pour répondre aux défis posés par le climat.

Modèles privés encadrés : la flexibilité au service de la protection

À l’heure où les risques climatiques posent des défis sans précédent à la société, l’innovation et la flexibilité dans les solutions de couverture assurantielle sont devenues essentielles. C’est dans ce contexte que les modèles privés encadrés émergent comme une réponse adaptative à la complexité des menaces naturelles. Ces systèmes, où le secteur privé joue un rôle prépondérant tout en étant régulé et soutenu par des cadres publics, offrent une protection dynamique et réactive aux besoins changeants des populations. 

En combinant l’expertise et l’efficacité du marché avec une supervision et une orientation stratégique de l’État, ces modèles incarnent une synergie prometteuse. Ils illustrent comment la flexibilité et l’innovation, guidées par un encadrement réglementaire et des politiques publiques ciblées, peuvent conduire à des solutions de protection robustes et inclusives face aux risques climatiques.

Pays-Bas : naviguer entre assurance privée et soutien public

Les Pays-Bas, un pays fortement marqué par la menace des inondations, adoptent une approche pragmatique dans la gestion des risques climatiques. La majorité des risques sont couverts par des assureurs privés, à l’exception notable des inondations qui affectent une grande partie de la population. Face à ce risque omniprésent, un modèle de collaboration sophistiqué entre le secteur privé et l’État a été mis en place, soulignant l’importance de solutions mixtes pour des défis aussi complexes. 

Ce modèle repose sur un partage des responsabilités, où l’État intervient de manière ciblée pour compléter l’offre assurantielle privée, en fonction de l’origine et de la gravité des sinistres. Cette stratégie démontre l’engagement des Pays-Bas à maintenir une couverture assurantielle étendue tout en reconnaissant les limites et les opportunités d’une intervention publique stratégique.

Royaume-Uni : Flood Re, un pont entre assurance et solidarité

Au Royaume-Uni, le dispositif Flood Re incarne une innovation marquante dans le paysage assurantiel face aux risques d’inondation. Ce fonds de réassurance, fruit d’une collaboration entre le gouvernement et le secteur privé, vise spécifiquement à améliorer l’accessibilité de l’assurance pour les ménages les plus vulnérables. 

En agissant comme garant en cas d’événements extrêmes, Flood Re facilite une distribution plus équitable des risques entre les assureurs tout en garantissant une protection financière aux populations à risque. Cette initiative, soutenue par l’Association of British Insurers, illustre l’effort du Royaume-Uni pour concilier les impératifs de couverture universelle et les réalités du marché assurantiel.

Japon : entre tradition et innovation assurantielle

Au Japon, la gestion des risques climatiques s’articule autour d’une combinaison unique de mécanismes de marché traditionnels et d’interventions publiques ciblées. Enracinée dans une culture de préparation aux catastrophes naturelles, la couverture assurantielle des risques climatiques repose principalement sur des garanties facultatives intégrées aux contrats d’habitation et d’incendie. Cette approche de base est complétée par une législation spécifique en cas de tremblements de terre ou de tsunamis, où la loi exige une réassurance conjointe par le secteur privé et public. 

La Japan Earthquake Reinsurance Company (UER), une entité détenue par plusieurs assureurs, joue un rôle central dans ce dispositif, redistribuant une portion significative des risques à l’État selon un modèle à trois niveaux. Ce système reflète une stratégie d’équilibrage entre les capacités du marché et la nécessité d’une intervention publique pour gérer les risques exceptionnels, témoignant de l’engagement du Japon à protéger ses citoyens contre les aléas de la nature.

L’Assurance récolte à l’épreuve du climat

Dans ce contexte de changement climatique accéléré, l’assurance récolte représente un enjeu majeur pour la pérennité de l’agriculture mondiale. Les aléas climatiques, de plus en plus fréquents et violents, menacent directement les rendements agricoles, mettant en péril la sécurité alimentaire et la stabilité économique des paysans comme des nations. Face à cette réalité, les gouvernements de plusieurs pays ont mis en place des dispositifs variés pour soutenir l’assurance récolte, dans le but de protéger les agriculteurs contre les caprices de la nature. Toutefois, l’efficacité de ces mécanismes varie grandement d’un pays à l’autre, reflétant les différences dans les politiques agricoles, les capacités financières des États, et les spécificités des secteurs agricoles nationaux.

Des efforts notables ont été observés en Espagne, au Japon, et en Suisse, où des programmes de soutien public jouent un rôle clé dans la couverture des risques agricoles. Ces initiatives peuvent inclure des subventions directes aux primes d’assurance, des exonérations fiscales, ou encore la mise en place de fonds de réassurance destinés à stabiliser le marché de l’assurance récolte. 

Par exemple, aux États-Unis, le Federal Crop Insurance Program illustre l’engagement historique du gouvernement fédéral dans la protection des agriculteurs, offrant une combinaison de régulation, de subventions, et de réassurance qui bénéficie à un large éventail d’exploitations. Cependant, malgré ces dispositifs ambitieux, le taux de couverture reste inégal, en particulier pour les petites exploitations et certaines filières agricoles spécifiques, soulignant la nécessité d’une adaptation constante des politiques assurantielles aux réalités du terrain.

Cette hétérogénéité dans la couverture assurantielle des récoltes met en lumière les défis complexes auxquels sont confrontés les pays dans leur quête de sécurité alimentaire face au changement climatique. Elle rappelle également l’importance cruciale d’une collaboration étroite entre les secteurs public et privé pour élaborer des solutions assurantielles innovantes et inclusives, capables de répondre aux besoins spécifiques des agriculteurs tout en favorisant une agriculture durable et résiliente.

La prévention : un maillon essentiel mais souvent négligé

Dans le combat contre les conséquences dévastatrices des catastrophes naturelles, la prévention émerge comme un pilier fondamental, à la fois plus économique et plus humain que la simple réaction post-sinistre. Pourtant, malgré l’évidence de son importance, la contribution directe du secteur assurantiel privé à la prévention des risques naturels reste marginale dans de nombreux pays. La majorité des initiatives de prévention sont pilotées et financées par les pouvoirs publics, à travers une multitude d’actions allant de la sensibilisation et l’éducation des populations à la mise en place de systèmes d’alerte précoce et de plans d’urbanisme adaptés.

La Suisse se distingue nettement dans ce paysage par l’engagement proactif de ses Établissements Cantonaux d’Assurance (ECA) dans le financement et la gestion des mesures de prévention. Ces assureurs publics participent activement à l’élaboration et à l’implémentation de stratégies de prévention à l’échelle nationale, démontrant ainsi l’impact positif que peut avoir une synergie entre les acteurs assurantiels et les politiques publiques de prévention.

Néanmoins, des signes d’évolution se manifestent au-delà des frontières suisses. En Californie, une initiative législative récente incitant les assureurs à réduire les primes pour les assurés engagés dans la prévention des risques naturels marque un tournant potentiel vers une plus grande implication du secteur privé. Des mesures similaires en Louisiane suggèrent une prise de conscience croissante de l’intérêt mutuel à investir dans la prévention. Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, bien que l’implication financière directe des assureurs reste limitée, leur participation active dans le dialogue et la planification de la gestion des risques témoigne d’un élan vers une collaboration plus étroite entre les secteurs public et privé.

Ces initiatives, bien que dispersées, signalent un début de reconnaissance du rôle crucial que le secteur assurantiel peut jouer dans la prévention des risques naturels. En adoptant des modèles où la prévention et la préparation sont valorisées et récompensées, il est possible d’ouvrir la voie à une gestion des risques climatiques plus durable et plus résiliente. La transition vers une ère où la prévention est intégrée au cœur des stratégies assurantielles pourrait non seulement réduire les coûts liés aux sinistres mais également sauver des vies, en limitant l’impact des catastrophes naturelles sur les communautés vulnérables.

Vers une résilience climatique : unir forces publiques et privées

En résumé, cette étude met en évidence une diversité de modèles assurantiels et de stratégies de prévention face aux risques climatiques, reflétant la complexité des défis à relever. Alors que certains pays privilégient l’intervention publique, d’autres misent sur la collaboration entre les secteurs public et privé pour offrir une couverture et une protection efficaces. 

Dans tous les cas, l’importance de la prévention et de la préparation ressort comme un élément clé pour minimiser les impacts des catastrophes naturelles sur les sociétés.

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