Les banques d’investissement proche du burn-out généralisé ?

Selon une étude internationale d’UpSlide[1], 72% des professionnels en banque d’investissement « envisagent de quitter le secteur », notamment en raison de « l’épuisement professionnel »

Le paradoxe est que malgré le stress et la fatigue générés, 80% des sondés considèrent toujours « les longues heures passées à effectuer des tâches manuelles comme un rite de passage pour les employés juniors. » De quoi s’interroger sur l’évolution des mentalités et la pénétration dans le secteur bancaire des transformations managériales et RH déjà à l’œuvre dans bien d’autres secteurs, y compris celui de l’assurance.

Les objectifs de l’étude

COO et CEO UK d’UpSlide, Rob Jones explique en préalable l’objectif de cette enquête, visant à comprendre « l’évolution des attentes et des priorités des employés dans l’ère post-pandémie » : « au cours des deux dernières années, l’épuisement professionnel ou burn-out des banquiers a été un grand sujet. Les banques d’investissement et les sociétés financières accordent de plus en plus d’importance à la santé mentale et à la satisfaction des collaborateurs au travail. Elles se sont adaptées et ont mis en place diverses initiatives pour prévenir le burn-out et mieux fidéliser leurs collaborateurs. Ces mesures ont-elles réellement amélioré la satisfaction des salariés ? Nous avons commandé cette étude pour répondre à cette question clé : de quoi les banquiers ont-ils besoin pour être heureux ? »

S’il s’agit d’un vaste objectif, les préoccupations d’UpSlide sont sans doute plus ciblées puisque cette entreprise est spécialisée dans les solutions logicielles permettant justement l’optimisation et l’automatisation des tâches, notamment sur les outils de la suite Office. Autant dire qu’UpSlide est prêt à mettre son expertise et ses solutions technologiques au service de l’expérience Collaborateur, et par là-même de la productivité des entreprises y ayant recours.

Les chiffres-clés de l’étude

  • 86 % des banquiers « se sont sentis obligés de prendre des congés à cause du stress »
  • plus de 40 % des employés « ne prennent pas la totalité de leurs congés annuels » soit à cause d’une « charge de travail insupportable », soit du fait de « la crainte d’un retard dans la progression personnelle »
  • plus d’un salarié sur dix (14 %) dit « avoir subi des pressions de la part de leur supérieur pour éviter de prendre des congés » 
  • 72 % des salariés de banques d’investissement envisagent de quitter le secteur « pour éviter un burn-out »
  • les salariés juniors, en particulier, « évoquent ouvertement leur intention de quitter le secteur »
  • Seuls 2 % des banquiers estiment avoir « un bon équilibre vie professionnelle/vie privée »
  • 76 % des sondés se sont dits « prêts à toucher un salaire inférieur en échange d’un meilleur équilibre vie professionnelle/vie privée. »
  • les salariés consacrent « près de la moitié de leur temps à des tâches manuelles répétitives dans les applications Microsoft »
  • pourtant, 80 % considèrent toujours « les longues heures passées à effectuer des tâches manuelles comme un rite de passage pour les employés juniors. »
  • la nécessité d’être en présentiel, en particulier pour les banquiers juniors, est « une pratique profondément ancrée dans ce secteur. » Cependant, près de 40% des sondés préfèrent « un environnement de travail hybride ».

Le constat de Rob Jones est ainsi sans appel : « la question de l’épuisement professionnel dans les services financiers est récurrente et sérieuse. Notre étude a montré que pas moins d’un tiers du personnel admet souhaiter un meilleur soutien pour sa santé mentale, ce qui souligne un besoin important de changement. Bien que le secteur ait pris des mesures ces dernières années, il reste encore beaucoup à faire ». 

Les entreprises du secteur bancaire évoluent, mais doivent « aller plus loin »

L’étude ne nie pas les efforts des différentes entreprises visant à revoir leurs pratiques traditionnelles pour favoriser le bien-être des salariés « des banques d’investissement de premier plan telles que Moelis & Co, Citi et Barclays ont récemment mis en œuvre de nouvelles initiatives telles que la restriction des horaires pour éviter de longues heures de travail et la possibilité d’adopter un mode de travail flexible. »

Jusqu’à présent, ces mesures semblent avoir été accueillies avec satisfaction : 43% se sont dits « très satisfaits » des initiatives existantes et 39% « plutôt satisfaits. »

Néanmoins, force est de constater que sur le long terme, ces mesures sont insuffisantes. Au-delà de celles-ci, le rapport appelle à un « changement profond des mentalités et des pratiques des entreprises » sur le long terme, « non seulement pour améliorer le bien-être des salariés, mais également pour accroître la productivité. »

C’est pourquoi en guise de solutions, le rapport met en avant plusieurs propositions faisant écho aux mouvements déjà à l’œuvre dans d’autres secteurs d’activités, y compris les assurances.

Les collaborateurs souhaitent consacrer davantage de temps « à des missions à forte valeur ajoutée, plus gratifiantes » : analyse, relation client, formations… Or il s’agirait précisément des missions plus rentables pour l’entreprise.

Le rapport appuie l’idée de « davantage recourir à la technologie pour éliminer autant que possible les tâches manuelles à faible valeur ajoutée » : cela permettrait « d’améliorer considérablement la satisfaction et aussi la productivité des salariés. » Autant dire que les prestations d’UpSlide en la matière sont mises en exergue à cet effet.

Enfin parmi les enseignements majeurs, les salariés demandent davantage de mesures en matière de santé mentale. D’après un rapport de Deloitte publié au Royaume-Uni, les employeurs pourraient « gagner 5,30 £ pour chaque livre investie dans la santé mentale. »

En outre, 47 % des jeunes actifs avancent la santé mentale parmi les premiers critères pour choisir leur futur employeur. Autant dire qu’une véritable politique RH et managériale dédiée au bien-être et à la santé mentale doit être prise à bras le corps par les employeurs, afin d’aider les banquiers à se sentir soutenus, conserver les talents actuels et attirer davantage de profils extérieurs.

Au-delà du burn-out, le brown-out ?

Naturellement, la situation d’épuisement des banquiers proches du burn-out, mise en évidence dans cette étude, n’est pas un cas isolé : la crise sanitaire a suscité de profonds bouleversements sociétaux et mentaux, en termes d’organisation du travail et de méthodes managériales.

Le secteur des banques d’investissement, connu à la fois pour ses cadences de travail et ses rémunérations élevées, ne pouvait y échapper. Comme l’explique le rapport d’UpSlide, « par le passé, les longues heures de travail et le haut niveau d’exigence des secteurs de la banque d’investissement et de la finance ont été contrebalancés par des salaires compétitifs, en constante augmentation. » Aujourd’hui, les salaires élevés ne suffisent plus, les collaborateurs interrogés aspirent à d’autres sources de gratification.

Cette évolution entrainera d’inévitables remises à plat, d’autant que si cette étude se focalise sur l’épuisement et le risque de burn-out, elle pointe également, à travers la demande croissante de missions à forte valeur ajoutée par les salariés, l’émergence de la « quête de sens » de ces derniers.

Or en cas de perte de sens au travail, c’est un autre risque émergent qui serait susceptible de frapper à son tour : le brown-out, notion se caractérisant par « une perte de sens du travail d’un salarié et un désintérêt pour les tâches qu’il réalise, ce qui peut conduire ce dernier à un désengagement et à un épuisement, » comme l’explique le spécialiste RH Sébastien Elvira. Or « ce risque psychosocial s’est multiplié depuis le début de la crise sanitaire, il peut rapidement survenir avec la manifestation d’un sentiment d’inutilité, de perte d’attention, de démotivation, de repli sur soi et, plus grave encore, d’absentéisme et d’arrêts de travail. »

Autant dire que les banques d’investissement ne peuvent se contenter de mesures strictement matérielles ou organisationnelles pour lutter contre l’épuisement et le stress, sources de burn-out. Elles doivent aussi développer de nouvelles politiques visant à répondre à cette quête de sens profonde du personnel, en accordant leur raison d’être avec les aspirations des salariés : ce qui revient à conforter l’expérience Collaborateur, renforcer la Marque Employeur et par là-même la productivité des équipes.

Une « Grande Discussion » en perspective ?

En définitive, les résultats mis en exergue par l’étude d’UpSlide rejoignent ceux du dernier baromètre Harris Interactive & Alan Mind, dédié au bien-être mental dans les entreprises. Celui-ci a mis en exergue la nécessité d’une « Grande Discussion » permettant de repenser le rôle des managers comme des « infuseurs de progrès », incluant davantage le personnel dans l’élaboration des feuilles de route des entreprises. Il s’agirait de l’arme fatale pour endiguer tout phénomène de « Grande Démission » en France.

A titre de comparaison, le secteur de l’Assurance semble avoir d’ailleurs avancé dans ce sens d’après l’étude Customer Experience Excellence de KPMG France : celle-ci souligne l’évolution des politiques RH et des organisations du travail dans le secteur afin de s’adapter aux nouvelles exigences des collaborateurs, et surtout les faire monter en compétence en leur confiant davantage de missions à forte valeur ajoutée.

Fort des enseignements de son étude, Rob Jones va dans le sens de cette remise à plat générale, managériale et organisationnelle, pour les banques d’investissement : « l’étude a démontré l’impact sur l’attraction, la fidélisation et la motivation des meilleurs éléments. La pandémie a changé la donne et constitue un message clair pour les patrons : ils doivent adopter de nouvelles méthodes de travail s’ils veulent rester attractifs en tant qu’employeur ».

[1] Etude menée en juillet 2022 par Censuswide et commandée par UpSlide. 202 collaborateurs des secteurs de la banque d’investissement, du private equity, de la gestion d’investissements et du conseil financier ont été interrogés, au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis. Le niveau de séniorité des sondés était variable, allant de l’analyste au vice-président.

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