« L’assurance de demain sera obligatoirement plus engagée »

Observateur du secteur de l’assurance, Jean-Luc Gambey, Directeur des publications de Vovoxx, livre son regard personnel sur quelques transformations qui s’opèrent. Il donne son avis sur certains enjeux, sur des innovations en cours, celles attendues dans les prochains mois. Il termine en évoquant, dans ce contexte, le positionnement éditorial de Vovoxx.
Est-ce que des domaines de l’assurance ont plus innové que d’autres en 2021 ?

Comme pour beaucoup d’industries, le secteur d’assurance a été bouleversé par la situation sanitaire et économique. À ce titre, il y a eu beaucoup d’innovations liées en particulier à l’organisation des entreprises, et probablement un peu moins en ce qui concerne les produits et services. Ce que je retiendrai de 2021 ? L’engagement du secteur !

Ainsi, par exemple les politiques RSE des assureurs ont un peu accéléré. Elles s’imposent comme un outil de séduction massif pour répondre aux attentes des Français. Ces derniers, d’ailleurs, se tournent de plus en plus vers des marques qui prennent leur responsabilité sociétale et environnementale.

Quelles ont été les principales applications de ces politiques RSE ?

De nombreux assureurs ont accéléré la décarbonisation dans leurs investissements et produits financiers. Ce désengagement concerne les marques qui polluent, maltraitent ou n’ont pas de pratiques RSE.

Autrement des actions concrètes ont été également menées auprès de populations fragilisées. Je citerai, par exemple, la micro-assurance professionnelle pour les entrepreneurs vulnérables. Ce partenariat entre l’assureur Hiscox et la Fondation Entrepreneurs de la Cité témoigne de l’adaptation et de l’amplification du soutien des assureurs auprès des populations fragilisées.

J’aimerais en complément évoquer le déferlement, en 2021, des « raisons d’être » dans notre secteur. Cela est vraiment très positif. J’ai cependant juste une petite crainte : que certaines de ces initiatives soient perçues comme « cosmétiques » ou construites comme un « argument marketing ». Pourtant, si les assureurs n’alignent pas leurs actions, comportements avec leur raison d’être, cela serait totalement contre-productif.

Vous pointiez tout à l’heure l’engagement du secteur. À quoi faisiez-vous référence en particulier ?

En 2021, j’ai bien aimé cet engagement collectif de concurrents, une forme « d’union factuelle d’intérêts » autour de la proposition de loi sur le marché de l’assurance emprunteur. Il s’agissait de s’engager pour faire valoir un accès plus juste, plus simple et plus transparent. Cette association (APCADE) a pu peser. L’union fait la force, nous le savons depuis longtemps, il peut y avoir des concurrences mais il y a aussi des « combats » communs.

Un autre engagement est majeur pour les entreprises du secteur : la parité (même si il y a des progrès et des marques très en avance sur ce sujet) et plus généralement la diversité. La parité et la diversité devraient être un combat commun et considérées par les entreprises comme un véritable levier de transformation et de croissance.

Je n’ai aucun doute, l’assurance de demain sera obligatoirement plus engagée. D’ailleurs les clients veillent. Le choix de l’assureur passe aujourd’hui de plus en plus par le prisme de ses engagements sociétaux et environnementaux. D’ailleurs, dans un récent sondage, 32% des interrogés disent les avoir pris en compte dans leur choix d’assureur et la moitié d’entre eux serait prête à le quitter pour un autre, plus engagé. A bon entendeur…

Quelles innovations ont le plus retenu votre attention sur les douze derniers mois ?

D’abord, j’ai bien aimé l’assurance unique proposée par Altima, qui a compris tout l’intérêt de s’engager dans la simplicité pour ses clients. En fait, il s’agit de la seule assurance « tout-en-un » du marché (pour certains risques) : plusieurs assurances, mais un contrat, un document de conditions générales. C’est un grand bond en avant dans l’évolution nécessaire vers plus d’innovations visant à plus de simplicité. À ce titre, j’espère vraiment que 2022 soit l’année de la simplification !

Ensuite, j’ai été séduit par le service CertiDevis de MMA, pour les artisans du BTP et qui leur permet, pour chaque chantier, de savoir s’ils ont bien une garantie décennale. C’est simple, immédiat, transparent, et gratuit, voilà. Cette simplicité permet de voir les « trous dans la raquette » en termes de garantie et de procéder aux bonnes démarches au bon moment.

J’apprécie quand l’assurance anticipe ou accompagne certains problèmes de société. Si nous prenons l’exemple du harcèlement, l’initiative de Moonshoot insurance, en partenariat avec Bodyguard, est à signaler. Il s’agit d’une application mobile qui permet de modérer les contenus toxiques de façon préventive sur les réseaux sociaux. Pour prolonger sur le sujet du harcèlement en général, nous devons aller vers une meilleure « assurance » des abus/harcèlements sexuels. Nous le savons, le combat des assurés sur ce sujet est long et douloureux et je ne parle pas que du combat judiciaire. Il faut que l’assurance soit là si l’assuré le souhaite, en accompagnement amont des procédures, en soutien financier (préjudice moral et physique). Par ailleurs, le problème de l’abus et du harcèlement sexuel est aussi un sujet important dans toutes les entreprises, l’insurtech Metta Space a créé un outil permettant aux collaborateurs de signaler toute suspicion de ce type d’action et de créer des rapports au sein de leur structure.

J’aime aussi, quand la technologie délivre de véritables valeurs ajoutées pour toutes les parties prenantes du contrat d’assurance. Certaines évolutions sont parfois vues, à tort,  comme des « gadgets » :

  • Ce n’est pas un gadget quand Assurly fait évoluer l’assurance emprunteur en intégrant des données comportementales dans la tarification de ses produits d’assurance.
  • Ce n’est pas un gadget quand  Wakam propose un dispositif qui permet aux chauffeurs de VTC en France d’améliorer leur conduite aux fins notamment d’économiser du carburant et d’adopter une éco-conduite plus sûre.
  • Ce n’est pas un gadget quand Prudential, à l’étranger, utilise des outils d’auto-assistance basés sur l’intelligence artificielle et des informations en temps réel, pour s’engager avec et pour les clients pour une approche holistique de gestion de leur santé.
Selon vous, quelles sont les perspectives ou les inspirations d’innovations en 2022 ?

Il y a un vrai enjeu, qui est déjà compris depuis quelques temps, mais beaucoup d’assureurs doivent passer de l’incantation et de l’intention à l’action. Il s’agit de l’expérience client. C’est une telle évidence de se dire qu’il faut se concentrer sur ce que vivent les clients afin que ces vécus soient au moins similaires à ceux proposés par d’autres secteurs d’activité. Il faut une approche désilotée et holistique de la relation clients.

La qualité de la performance client est le socle minimal pour que la relation assureur/assuré soit apaisée, pour qu’il s’instaure une relation de confiance, qui n’est jamais « donnée » d’office. La confiance ne se décrète pas ! De plus, cette relation de confiance est indispensable pour les assureurs qui, nombreux, souhaitent se développer sur d’autres univers serviciels.

Le plus gros effort doit porter sans aucun doute sur la gestion des sinistres. Clairement, aujourd’hui encore, il existe des typologies de sinistres, qui restent un parcours du combattant, pour les clients et aussi les collaborateurs, alors qu’il s’agit d’un facteur décisif de satisfaction, de fidélisation client et de recommandation. En effet, c’est à ce moment très précis que l’assuré matérialise la contrepartie de son engagement. Au cœur de cette expérience, il y a la nécessité absolue d’informer sur le déroulement du processus d’indemnisation. Un client peut très bien comprendre, si on lui explique simplement, qu’il ne soit pas indemnisé le lendemain. La performance de la relation clients, dans la gestion des sinistres, n’est pas qu’un outil de fidélisation, c’est aussi un levier incroyable de croissance. En tout cas, pour moi ce sujet est une urgence absolue : la confiance passera par une articulation de la relation client fluide, transparente et simple. Quelle que soit la situation, quel que soit le contrat. Il faut faire disparaître tous les points de friction avec l’assuré.

Dans le contexte que vous venez de décrire, comment Vovoxx va évoluer durant les douze prochains mois ?

Nous poursuivons la production et la diffusion de contenus sur les sujets d’innovation et de transformation du secteur de l’assurance (au sens large). Les sujets que nous traitons ne sont pas que technologiques, comme je viens de l’illustrer dans mes précédentes réponses. La transformation du secteur de l’assurance est multimodale. L’ADN éditorial de la production de contenus sur l’intégralité de nos outils et supports de diffusion que nous proposons est la transformation et l’innovation en général : que nous parlions de services/produits, de technologies, de distribution, d’organisation, de communication, de réglementation, de gouvernance, .. . Vovoxx est un média BtoB multi-supports (L’Assurance en mouvement, Web TV, Podcast, magazines, événements,..), très collaboratif et nous avons décider d’accélérer la diffusion de contributions basées sur le partage d’expériences, qu’elles soient en France ou à l’étranger.

Je tiens d’ailleurs à remercier chaleureusement notre comité stratégique et éditorial composé de 20 personnalités du secteur.

Pour terminer, j’aimerais évoquer la résilience mais aussi l’utilité sociétale et économique de l’Assurance. Je trouve que le grand public réduit trop l’assurance à son aspect purement tarifaire. Nous souhaitons montrer, simplement et factuellement, que l’assurance accompagne et permet les transformations du monde et des entreprises, qu’elle libère l’Homme en le sécurisant dans sa vie de personne, dans sa vie quotidienne, dans son aventure entrepreneuriale,… . L’assurance est tellement intégrée dans la vie quotidienne que l’on oublie parfois ses fondamentaux et ses bénéfices. Nous allons développer une communication sincère, active et moderne pour remettre en perspective le rôle de l’assurance au sens large.

 

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