Avec ou sans TVA ?

S’ils ne se préparent pas avec soin, les acteurs de l’assurance risquent d’être mis au régime salé ! Les évolutions de la législation, communautaire et française, montrent qu’il convient d’être attentif à la qualification de leur activité, ainsi qu’à leurs mécanismes de rémunération
Le sujet de la TVA est un sujet central dans le secteur de la distribution de produits d’assurance et il revient régulièrement dans l’actualité.
À l’occasion d’une modification de sa doctrine, à travers la publication le 13 novembre 2019 d’une actualisation du BOFIP (BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10-20191113), l’administration fiscale a, probablement malgré elle, généré au sein de la profession un véritable émoi.
Que ce soit, les compagnies d’assurances ou leurs distributeurs partenaires, tout le monde s’est interrogé sur l’éventuelle remise en cause du régime d’exonération défini aux dispositions de l’article 261 C 2° du code général des impôts.
Le sujet est suffisamment complexe pour que nous précisions immédiatement qu’il faudra bien se garder d’édicter des règles générales. En effet, l’analyse de l’activité des distributeurs et des compagnies d’assurances doit se faire aujourd’hui au cas par cas et doit être très opérationnelle pour s’assurer de la bonne application du régime d’exonération (ou pas).
Pour ce faire, il est donc très important de maîtriser parfaitement les règles et de se poser les bonnes questions. A défaut, on pourrait assujettir à tort une activité par ailleurs taxée dans le cadre de la collecte de la prime et alourdir ainsi la fiscalité y afférente, ce qui peut poser une réelle difficulté de compétitivité. Plus dangereusement, on risquerait de revendiquer l’application d’un régime d’exonération de TVA, alors même que l’activité devrait y être assujettie, ce qui exposerait le contribuable à une requalification totale de son activité et à des sanctions financières assez lourdes.
Comment fonctionne ce régime d’exonération ?
Le droit fiscal de la TVA est un droit européen (Directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée).
L’article 135 de la directive dispose :
« Les États membres exonèrent les opérations suivantes : a) les opérations d’assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurance »
L’article 261 C 2° du code général des impôts, issu de la transposition de cette directive dispose :
« Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée :
2° Les opérations d’assurance et de réassurance ainsi que les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et intermédiaires d’assurances »
Malgré une différence de rédaction, dont les subtilités n’ont jamais véritablement été expliquées, ni par la jurisprudence européenne ni par la jurisprudence française, le régime d’exonération concerne deux situations distinctes :

  • L’exonération de TVA concernant les opérations d’assurance et de réassurance : malgré le peu de jurisprudence existant pour définir l’opération d’assurance et de réassurance (cf. BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10-20191113), cette première description du régime d’exonération ne concerne pas les distributeurs qui n’ont pas l’autorisation d’effectuer des opérations d’assurances et de réassurance, réservées aux activités agréées par l’État, c’est-à-dire les organismes d’assurances et de réassurance.
  • L’exonération concernant les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d’assurances.

On note, dans la littéralité du texte, un champ assez large du régime d’exonération. Le législateur vise ici les opérations d’assurances réassurance, ainsi que (ou y compris) les « prestations de services afférentes à ces opérations », sans aucune restriction.
Comment ce texte est-il appliqué depuis 2006 ?
Dans la pratique, et jusqu’à une date assez récente, le dispositif n’a jamais posé de grosses difficultés, les courtiers d’assurances et les intermédiaires d’assurances (Courtiers, agents généraux et Mandataires) exerçant leur métier dans la grande majorité des cas, dans un contexte intégrant conjointement et indissociablement :

  • L’opération d’entremise: établir la mise en relation de l’assureur avec l’assuré
  • Et les diligences liées à l’aide à la conclusion et à la gestion du contrat dans toutes ses dimensions, y compris parfois des prestations de services afférentes à la gestion des sinistres.

Toutes ces diligences effectuées par les intermédiaires d’assurances, dont les agents généraux, les courtiers d’assurances pour l’essentiel, ont toujours été qualifiées de prestations de services afférentes aux opérations d’assurances, et n’ont pas été remises en cause relativement à leur régime de taxation.
Elles sont exonérées de TVA, ou en tout cas l’ont été jusqu’à ce jour.
L’administration fiscale a également toujours considéré la possibilité pour ces professionnels, dans un contexte global de leur exercice professionnel, qu’ils puissent bénéficier du régime d’exonération, quand bien même le travail réalisé c’est-à-dire les « prestations de services afférentes aux opérations d’assurances » porte sur des polices d’assurances dont ils ne sont pas les créateurs (propriétaires pour employer un terme courant), mais que leur mission s’effectue en vertu d’un mandat qu’ils reçoivent d’un autre courtier d’assurances ou d’un autre intermédiaire d’assurances. (cf. point 290 BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10-20191113)
Seule l’activité exclusive de règlements de sinistres s’avère assujettie à la TVA, ce qui n’a rien de surprenant, puisque le code des assurances lui-même évince du statut d’intermédiaire d’assurances, les professionnels, personne physique ou morale, dont l’activité est strictement limitée à la liquidation et au règlement des sinistres (article L 511-1 2° du code des assurances).
C’était jusqu’à maintenant la position de l’administration fiscale, qui considérait que sont exonérés de TVA « les commissions perçues par les courtiers à l’occasion de l’apport d’un contrat d’assurance à un assureur », mais aussi « les frais facturés aux assurés (frais d’encaissement des primes d’assurances ou de rappel des primes impayées, de gestion de franchise de faible montant, de recouvrement amiable de sinistres…) qui sont destinés à compenser les dépenses liées à la gestion du contrat d’assurance […], dès lors que celles-ci sont indissociables du contrat d’assurance » (position du Service de la législation fiscale du 5 avril 1995).
Jusqu’à une date récente, on pouvait même considérer que l’immatriculation au registre orias d’un professionnel, « présumait » de l’exercice d’une activité dédiée à la réalisation de prestations de services afférentes aux opérations d’assurances effectuées en qualité de courtier d’assurances ou d’intermédiaire d’assurances.
En effet, cette activité étant réglementée, et ne pouvant être exercée que par des intermédiaires d’assurances, ou des courtiers d’assurances dûment réglementés, il était assez logique de considérer que toute personne physique ou morale immatriculée au registre de l’orias effectuait par définition des activités relevant des prestations de services afférentes aux opérations d’assurances, puisque tel est bien le métier d’un intermédiaire d’assurances.
La loi n’ayant pas changé, qu’est-ce qui provoque l’incertitude récente sur la sécurité du régime d’exonération ?
Deux modifications importantes interviennent aujourd’hui pour ébranler ces constats, ou en tout cas, provoquer des discussions intenses et remettre en cause le périmètre et le contour de ces fameuses « prestations de services afférentes aux opérations d’assurances ».
Premier changement important dans la législation européenne et interne également : la directive distribution (DDA) qui, à la différence des anciennes directives, est une directive sectorielle. Cette directive définit la notion nouvelle de distributeur et élargit le champ des diligences de l’intermédiation en assurance. Les intermédiaires sont qualifiés de distributeurs, mais les distributeurs sont également des organismes d’assurances.
A l’analyse de la doctrine et de la jurisprudence la plus récente (CJUE, C-40/15, 17 mars 2016, Minister Finansów c/ Aspiro SA, et Conseil d’Etat, 9e et 10e ch, n°416107, 9 octobre 2019, M. A.B.), il nous semble que ce changement ne doit pas être ignoré.
Les magistrats prennent en considération l’existence de ces statuts réglementés de distributeur. Leur jurisprudence précise et rappelle le principe d’autonomie de la définition fiscale : « les exonérations de TVA constituent des notions autonomes du droit communautaire qui doivent être replacées dans le contexte du système commun de TVA de la 6e directive, et qui ont pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un Etat membre à un autre » (conclusions AG CJUE, C-472/03, 3 mars 2005, Arthur Andersen & Co Accountants c.s.).
Néanmoins, ces mêmes magistrats restent sensibles et évoquent les activités réglementées des intermédiaires. « En définitive, demeurent seules imposables les opérations accomplies par des courtiers n’agissant pas en tant que tels, ou qui ne constituent pas des prestations de services afférentes à des opérations d’assurance », voire introduisent le régime d’exonération de la manière suivante « les courtiers d’assurance et de réassurances sont exonérés pour les opérations qu’ils réalisent dans le cadre de leur activité réglementée notamment par les dispositions de l’article R 511– 2 du code des assurances ». (BOI-TVA-CHAMP-30-10-60-10-20191113).
Il est donc fort à penser que la jurisprudence fiscale, à la lumière de l’accroissement du champ des prestations réalisées par les intermédiaires d’assurances et plus généralement les distributeurs d’assurances s’adaptera.
La directive DDA, directive sectorielle européenne est une directive a minima dont l’un des objectifs est d’introduire en droit européen un exercice réglementé de la distribution de produits d’assurances, et soumettre au contrôle des autorités les diligences accomplies par ces professionnels, à savoir « fournir un conseil sur un produit, présenter, proposer, aider à conclure un contrat d’assurance et contribuer à sa gestion y compris en cas de sinistre ».
Il sera donc difficile de qualifier autrement que « prestation de services afférentes aux opérations d’assurances et de réassurance » les diligences accomplies par les professionnels dans le cadre de l’exercice de leur activité réglementée, la distribution de produits d’assurance, sans introduire une incertitude fiscale particulièrement défavorable à l’exercice serein d’une activité économique.
Néanmoins, en l’état, la conception actuelle de la jurisprudence fiscale ne prend pas en compte au sens littéral ces nouveaux textes introduits depuis le 1er octobre 2018.
Deuxième changement qui intervient cette fois-ci, en France. L’administration fiscale ajuste sa doctrine afin de la faire concorder avec la jurisprudence communautaire pour ce qui concerne la définition donnée des « prestations de services afférentes aux opérations d’assurances ».
Si la définition prévue par le texte (261 C 2° CGI) est large et semble couvrir toutes les prestations de services afférentes aux opérations d’assurance, que ce soit l’opération d’entremise et les opérations de gestion d’un contrat d’assurance, la doctrine fiscale modifiée le 13 novembre 2019 pose deux conditions qui pèsent sur la relation contractuelle et sur l’activité exercée par l’intermédiaire d’assurances :

  • D’une part, les prestataires (les courtiers) doivent être en relation avec l’assureur et l’assuré, cette condition pouvant être satisfaite, même si le lien avec l’assuré ou l’assureur est indirect.
  • D’autre part, l’activité exercée doit recouvrir des aspects essentiels de la fonction d’intermédiaire d’assurance, telles que la recherche de clients et la mise en relation de ceux-ci avec l’assureur, en vue de la conclusion de contrats d’assurances (prospection).

Ce sont ces ajouts effectués le 13 novembre 2019 qui ont essentiellement perturbé le marché dans la mesure où aujourd’hui, l’exercice du métier a profondément évolué et s’est beaucoup transformé.
En effet, dans les années 90, les intermédiaires d’assurance dans leur grande majorité exerçaient leur métier dans des conditions traditionnelles et ne procédaient qu’assez peu à l’externalisation ou la co-traitance.
Aujourd’hui, ils exercent leur métier selon des schémas contractuels et opérationnels beaucoup plus diversifiés et complexes, introduisant dans les prestations de services qu’ils réalisent pour le compte de leurs clients et des assureurs, des diligences connexes, toujours complémentaires, parfois indissociables et considérées comme des services nécessaires à la conclusion et à la gestion des contrats d’assurance, dont ils sont les auteurs ou que certains confrères leur confient au titre d’une gestion complète.
La jurisprudence européenne est somme toute très pauvre et il n’existe que très peu de décisions qui traitent de l’application opérationnelle de ces questions, et des conditions posées par la cour de justice.
Tous les cas concernent des sociétés qui ne sont pas au sens où nous l’entendons en France, des courtiers ou des intermédiaires d’assurances. Ce sont principalement des prestataires de services dont le rôle principal consiste surtout en des prestations de BackOffice pour le compte de compagnies d’assurances.
Rapporté au cas des distributeurs français exerçant à titre principal, aucun des arrêts rendus par la cour de justice n’est choquant, et c’est la raison pour laquelle il n’y a pas lieu, ni de s’inquiéter, ni de considérer que la jurisprudence communautaire, aujourd’hui totalement transposée en droit français, fragilise les intermédiaires d’assurances qui exercent leur métier dans les conditions classiques.
Il existe même une décision rendue par la CJCE qui concernait précisément un courtier d’assurances, dont l’activité de gestionnaire s’apparente assez fortement aux activités de gestion déléguée que l’on peut connaître aujourd’hui en France, dans le métier de l’intermédiation. Il est à noter que cette décision, peu citée, décrit dans des conditions assez claires un ensemble important de prestations (émissions de contrats, collecte des primes, émissions d’avenant) dont la Cour de Justice estime qu’elles bénéficient du régime d’exonération. (Affaire CJCE JCM BEHEER BVC‑124/07 03-avr-08)
Ainsi, l’inquiétude ne porte pas sur l’alignement de la jurisprudence du conseil d’État par rapport à la jurisprudence communautaire, puisque telle est la règle et que l’ensemble des acteurs du marché français connaissait parfaitement la jurisprudence communautaire.
De la même manière, le cas d’espèce soumis au conseil d’État relevant de l’activité d’un centre d’appel, ne peut en aucun cas être assimilé à l’activité classique d’un agent général ou d’un courtier. Aucun intermédiaire d’assurances ne pourra se reconnaître dans l’activité décrite par le conseil d’État dans son plus récent arrêt (M A.B. Conseil d’Etat N° 416107 09-oct-19).
Il n’apparaît donc pas, selon nous, que les modifications apportées à la doctrine fiscale afin de l’aligner sur la jurisprudence européenne sera de nature à modifier les approches lorsque les acteurs de la distribution d’assurances (organisme comme courtier ou agent général) conserveront un exercice classique de leur métier et seront en mesure de démontrer qu’ils ont, dans leurs relations avec les assureurs et les clients, un rôle de distributeur.
En revanche, ces modifications ont surtout mis en lumière la grande désorganisation des activités et parfois l’impossibilité des acteurs à pouvoir décrire leurs activités et surtout de démontrer qu’elles sont supportées par des conventions dûment formalisées et rédigées de façon conforme avec les processus opérationnels mis en œuvre.
La grande différence qu’introduit aujourd’hui en droit français cette modification de la doctrine et l’alignement à la jurisprudence européenne, porte sur la nécessité des acteurs d’être en mesure de démontrer que des relations contractuelles écrites existent à la fois avec les assureurs, mais aussi avec les clients de façon directe ou indirecte. Cela signifie que courtiers et agents généraux doivent veiller à ce que chaque activité qu’ils développent soit supportée par un contrat qui décrira précisément les activités et les diligences entreprises, portant sur un mandat conjoint des clients et des partenaires, en vue d’une opération globale de distribution pouvant porter sur des opérations d’entremise directe ou indirecte, et/ou des opérations de gestion directe ou indirecte de l’ensemble du contrat. Ces diligences doivent être considérées comme indissociables, car nécessaires et attendues du consommateur qui a payé la prime en contrepartie du service promis.
La difficulté porte plus sur la qualification de l’activité
Les schémas d’activité mis en œuvre aujourd’hui par les intermédiaires d’assurances sont gouvernés par le commerce et c’est bien normal. Ce sont les clients ou les opportunités qui déterminent aujourd’hui les intermédiaires d’assurances à proposer de plus en plus de services associés à la distribution, au sens des opérations d’entremise et de gestion du contrat d’assurance.
L’intermédiaire d’assurances n’est plus comme autrefois un vendeur de produits et les autorités de contrôle le lui rappellent à bien des égards !
Il est un prestataire de services, un conseil et le consommateur l’attend bien là. Le consommateur d’assurances (particulier ou professionnel) attend en effet de son distributeur des conseils, des diligences de gestion, une assistance pour que le contrat d’assurance qu’il achète auprès de la compagnie d’assurances et qu’il paye dans le cadre du règlement de la prime lui apporte le service attendu, que ce soit en matière de conclusion du contrat et de conseil en vue de disposer d’une garantie adéquate aux exigences et aux besoins qualifiés par l’intermédiaire d’assurances, mais également lorsque le sinistre intervient pour percevoir l’indemnité qui correspond à la prise de risque de l’assureur.
Les règles posées par l’administration fiscale sont tout à fait en cohérence avec cet impératif.
Le régime de TVA repose en effet sur la détermination de l’activité principale exercée par le contribuable. Dès l’instant que l’activité principale, dans le cas qui nous concerne, participera de prestations de services relatives à la formation et à l’exécution du contrat d’assurance, elles seront considérées comme devant suivre le régime de l’activité principale, c’est-à-dire pouvoir bénéficier du régime d’exonération.
Là où la difficulté intervient, c’est lorsque les acteurs économiques effectuent ces opérations par l’intervention de plusieurs entités juridiques.
C’est effectivement le mécanisme de l’externalisation qui fragilise aujourd’hui le régime d’exonération.
Il est donc particulièrement important dans l’analyse de la qualification de l’activité d’intégrer ce paramètre de l’externalisation, pour vérifier que cette externalisation ne procède pas d’une dissociation des diligences externalisées par rapport à l’activité principale exercée par le donneur d’ordre, dans les relations qu’entretiennent les deux entités à l’égard du consommateur final et de l’assureur.
En pratique, lorsqu’un client souscrit un contrat d’assurance auprès d’une compagnie d’assurances par l’intermédiaire d’un courtier d’assurances, et que le courtier d’assurances sous-traite ou co-traite avec un autre courtier l’entremise et/ou la gestion de son contrat, il est impératif que les conventions mettent en lumière le caractère indissociable de toutes ces prestations dans l’intérêt du client qui n’a conclu le contrat que pour pouvoir bénéficier à la fois des conseils du ou des intermédiaires dans le cadre de la conclusion du contrat, mais également de leurs services dans le cadre de l’exécution du contrat, l’intégralité étant portée par la compagnie d’assurances, débitrice de l’obligation.
Comment procéder en pratique ?
Nous publions en parallèle une lettre (La Lettre d’ASTREE Novembre 2020) qui donne une méthodologie d’analyse permettant de visualiser les points litigieux pour chaque activité de l’entreprise.
En effet, sans procéder à une analyse concrète, exhaustive et opérationnelle de toutes les activités exercées au sein d’une entité juridique « distributrice », il n’est pas envisageable de gérer son risque fiscal dans des conditions pérennes.
Le régime d’exonération est obligatoire, il appartient donc au contribuable de pouvoir justifier auprès de l’administration que la réalité des diligences entreprises relève bien de l’activité prévue par le régime d’exonération lui-même.
Au cours de ses contrôles fiscaux, l’administration analyse les contrats signés par les contribuables et qualifie ou identifie les diligences exclusivement au travers de la rédaction de ces derniers.
Venir justifier auprès de l’administration fiscale une réalité pratique différente s’avère complexe et chaotique, dans la mesure où ce qui fonde principalement le contrôle est l’analyse des pièces.
Qu’en est-il des rémunérations ?
De la même manière que les activités économiques se sont complexifiées et procèdent aujourd’hui de schémas particulièrement divers, les distributeurs d’assurances ont également mis en place des schémas de rémunération divers et parfois relativement complexes.
Les sources de rémunération ne sont plus exclusivement assises sur la perception de commissions réglées par les compagnies d’assurances.
Si le règlement des commissions prélevées sur les primes reste une pratique majoritaire, nombre de distributeurs aujourd’hui facturent (et n’établissent plus de bordereaux en vue de la perception d’une rétrocession) à leurs clients des honoraires, des frais pour certaines prestations, rémunérations qu’ils cumulent avec les commissions prélevées sur les primes payées par les compagnies d’assurances.
Ces rémunérations ne sont pas toujours correctement reproduites dans les conventions. Ces dernières peuvent être rédigées parfois sans que des rémunérations particulières soient prévues (convention de gestion), et la cohérence contractuelle entre une convention de distribution et une convention de gestion (souvent dissociées pour des questions relatives à l’organisation interne de la compagnie d’assurances) ne prévoit pas toujours le renvoi d’une convention à l’autre, pour indiquer que l’ensemble de la prestation réalisée par l’intermédiaire sera rémunérée par la commission versée par la compagnie, qui figurent en général dans la convention de distribution.
Toutes ces imprécisions se heurtent au principe énoncé par le droit fiscal aux termes duquel le régime de TVA doit s’appliquer dans le cadre d’une opération dont il est important de démontrer que, bien que complexe, elle est indissociable et relève d’une activité principale exonérée.
Disposer de conventions imprécises, qui ne font pas le lien entre la rémunération perçue et les diligences accomplies fragilise considérablement l’entreprise dans son dialogue avec l’administration fiscale, par rapport au bénéfice de son régime d’exonération et l’expose clairement à des redressements en vue d’un assujettissement de la totalité de son activité à la TVA.
En conclusion
Comme toujours c’est avant tout l’organisation de l’entreprise et la maîtrise de son activité qui mesurera sa robustesse en regard de son régime de TVA et non pas le droit !
Plus l’organisation sera complexe et non maîtrisée, plus le risque d’un contrôle fiscal défavorable sera élevé.
Si l’organisation est complexe, mais que l’entreprise a su opérer une cartographie et une contractualisation conforme, elle n’a pas véritablement d’inquiétude à avoir, dès lors qu’elle est en mesure de démontrer que son activité s’inscrit dans le régime d’exonération.
Bien d’autres dispositions légales imposent aujourd’hui au distributeur de vérifier et de veiller à ce que ses conventions signées soient conformes aux pratiques.
Alors, pour ceux qui souhaitent conserver leur régime d’exonération et ne pas passer au régime salé, vous savez maintenant ce qu’il vous reste à faire…
P.S : Je n’aurais pas pu écrire cet article sans le concours précieux de deux de mes confrères fiscalistes Paul Duvaux, avocat au Barreau de Paris, et Anne-Laure Drouet, Avocate associée chez DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, Avocats au Barreau de Paris.
Je les remercie infiniment pour notre collaboration riche sur les sujets fiscaux.
Isabelle Monin Lafin – Avocate associée fondatrice – ASTREE AVOCATS
Veuillez noter que ce sujet sera l’objet du 1er plateau TV « Le droit de savoir » jeudi 5 novembre à 18H15 sur le site L’assurance en mouvement.

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