Courtage "Il n’y a pas de modèle gagnant ou perdant, il y a des entreprises qui réussissent et d’autres non"

La semaine dernière, nous nous sommes entretenus avec Eric Maumy, nouveau Directeur Général d’April Group, alors que sa nomination n’était pas encore annoncée. Propos qui, bien sûr, prennent une saveur particulière.
Un des rendez-vous de la profession du courtage, les journées du courtage, démarrent le 17 septembre prochain. Eric, selon vous, quels sont les principaux défis de cette profession ?
Les courtiers en assurance ont toujours évolué dans un environnement extrêmement concurrentiel. L’arrivée du digital a bien sûr redéfini les attentes des clients, la façon de les conquérir et de les servir, ce que des purs players du digital ont vite compris, mais le match ne fait que commencer ! L’économie de la digitalisation nous apprend, que l’entreprise qui sait offrir un parcours simple au client – qu’il s’agisse de distribution, de souscription, d’accès à l’information ou de service – gagne des parts de marché et fidélise ses clients. Et qu’il est encore mieux de le faire quand on a des clients que quand on part « from scratch », contrairement aux idées reçues.
Mais la distribution gagnante ne se fera pas par le seul canal du web. Il suffit d’observer le succès des réseaux bancaires dans l’assurance des emprunteurs pour s’en convaincre. Ceux qui ont digitalisé leurs outils de front-office pour apporter cette simplicité à leurs clients réussissent. Si je fais un parallèle, les courtiers, et notamment les courtiers de proximité, ont une opportunité d’augmenter leurs parts de marché, car outre le fait qu’ils sont par nature au contact des clients, ils sont très agiles et savent trouver les solutions qui correspondent le mieux aux attentes de leurs clients.
Le rôle des courtiers-grossistes va-t-il continuer à se renforcer dans le secteur de l’assurance ?
Dans cet environnement aux challenges multiples, les courtiers grossistes ont une vraie carte à jouer en apportant aux courtiers de proximité les outils dans lesquels ils ne pourront pas forcément investir : des interfaces digitales qui leurs permettent d’accéder aux meilleures offres, de les comparer, de les souscrire simplement en y associant le client final. Mais aussi de leur fournir des outils de marketing pour développer leur business et générer des leads. Les courtiers grossistes n’ont pas d’autre choix que de devenir des entreprises digitales, un sacré challenge !
Les pressions sur les prix de l’assurance pèsent sur la rentabilité des courtiers. Quels sont les leviers d’augmentation de la rentabilité pour les courtiers d’assurance ?
S’agissant de la rentabilité des courtiers, j’ai touché ce problème de près en tant que dirigeant de Verlingue, grand courtier opérant sur une clientèle de grands comptes et d’ETI, notamment en risques d’entreprises, marché « ultra soft » s’il en est. Notre approche a été simple : valoriser nos savoir-faire pour aller chercher plus de rémunération chez nos clients, principalement sous forme d’honoraires. Nous avons augmenté nos revenus sans attendre des assureurs qu’ils nous rémunèrent plus, à défaut de quoi nous aurions continué à « bouillir à feu doux dans la casserole ». Une autre voie a été de choisir des partenaires auprès de qui nous avons externalisé certaines couches de notre chaîne de valeur, celles que nous n’opérions pas très bien – pour la distribution et la gestion des assurances des agents immobiliers notamment – pour mieux nous concentrer sur ce que nous maîtrisions. Le plus grand défi sans doute est de réaliser des gains de productivité sur la gestion elle-même … c’est un sacré challenge quand on est déjà « lean », comme l’entreprise que je dirigeais, et sans doute un challenge plus grand encore quand on ne l’est pas. Il faut être capable de repenser ses façons de travailler et d’initier le changement. Au final, chacun doit se réinventer : les grands courtiers, les courtiers grossistes, les courtiers de proximité. Et c’est une opportunité fantastique pour les meilleurs.
Le secteur du courtage d’assurances est hétérogène. Les acteurs en présence sont multiples : grands groupes, cabinets de proximité, courtiers généralistes, courtiers grossistes, courtiers spécialisés voire hyperspécialisés, courtiers en ligne,… que pensez-vous de la structuration de cette profession ? Va-t-elle évoluer ? La concentration accrue va-t-elle se traduire par la victoire du modèle « généraliste » ?
Je ne pense pas que le modèle généraliste soit en train de s’imposer plus qu’un autre. Je peux citer des réussites éblouissantes de grands spécialistes, avec CBP notamment en assurance des emprunteurs, ou de plus petits comme BEAH en assurance des établissements de santé. Sans même parler de Bessé, grand courtier multispécialiste. J’observe aussi que pendant qu’un grand courtier généraliste, avec une marque mondiale, a dû mal à croître, ses deux frères jumeaux anglo-saxons font mieux que tirer leur épingle du jeu, la plupart de leurs concurrents prient d’ailleurs pour qu’ils se marient ce qui créerait, alors, beaucoup d’espace… . Big is not always beautiful.
D’autres exemples ? quant à Siaci Saint-Honoré et Adélaïde, ils battent tous les records de croissance en s’appuyant notamment sur la gestion santé, métier sous-estimé par beaucoup de généralistes, qui en payent aujourd’hui les frais. Même chose chez les courtiers en ligne ou les grossistes : à côté des succès d’April, de Magnolia, de Ciprès Assurances, de SPVIE ou de Santiane, il y a quelques projets moins aboutis. Il n’y a pas de modèle gagnant ou perdant, il y a des entreprises qui réussissent et d’autres non.
Pour les courtiers de proximité, je serais très optimiste à leur place. En effet, alors que de nouvelles opportunités se dessinent avec la réforme des retraites, la généralisation de la complémentaire santé a montré que ce sont eux qui ont raflé la mise, les grands généralistes ou les bancassureurs n’étaient pas les mieux armés pour toucher les petites entreprises ou pour les conseiller. Bref, chacun aura sa chance car notre monde est plus ouvert que jamais pour qui sait suivre sa voie et se réinventer … la révolution digitale n’est qu’à ses débuts.
Terminons par un regard vers le futur et l’évolution du rôle du courtier en assurance. Nous avons réalisé récemment un ouvrage intitulé « Dessine-moi une mutuelle » et nous préparons le Magazine « Dessine-moi l’assurance ». Si vous deviez dessiner les principaux contours du courtage de demain, quels seraient-ils ?
Si je devais dessiner le courtage de demain, cela ressemblerait à un dessin d’enfant … un monde nouveau, coloré et déstructuré, sur lequel il faut poser un regard curieux pour ne pas passer à côté des mouvements qui se dessinent. Il faut être passionné, plein d’énergie et d’une extrême curiosité pour réussir dans notre monde professionnel. C’est ce qui caractérise les entrepreneurs … les autres vont peut-être un peu plus souffrir.
Propos recueillis par L’assurance en Mouvement.
Jean-Luc Gambey
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