Entretien avec Franck Pivert

Franck Pivert, Chief Revenue Officer – WAKAM, dans le cadre du #3 magazine* “Dessine-moi l’assurance ” répond à nos questions.

La dimension de l’assurance « embarquée » a encore pris de l’ampleur en France, même si on continue de parler aussi d’assurance « affinitaire ». Quelle différence voyez-vous entre les deux ?

Nous entendons souvent des confusions à ce sujet alors que ces deux modes d’assurance ne revêtent pas la même approche. L’assurance embarquée, c’est un peu l’assurance du futur : on se projette dans un monde dans lequel on n’a pas besoin d’acheter une assurance. L’objet acheté ou loué aura déjà une assurance embarquée, intégrée.

Je vous livre ces définitions du fond Andreessen Horowitz que j’apprécie beaucoup :

– L’assurance embarquée est une expérience client simple, avec un opt-out si nécessaire

– L’assurance affinitaire est une expérience souvent pénible d’opt-in

Par exemple en matière d’assurance embarquée, nous avons un partenariat avec GoodsID, qui produit des certificats digitaux inviolables pour des produits de luxe, des bagues de la Maison Courbet. Ces certificats sont accompagnés automatiquement d’une assurance contre le vol. Le client n’achète pas l’assurance et n’a pas à la payer, elle est intégrée dans le prix de la bague. Si la bague est volée, il suffit de fournir le dépôt de plainte pour qu’un ordre de fabrication de la bague à l’identique soit envoyé automatiquement à la Maison Courbet. Dans ce cas l’assuré n’a pas à se poser la question de savoir s’il est assuré ou non. Il s’agit d’un produit transparent, simple à la souscription et simple à utiliser en cas de sinistre.

L’assurance affinitaire est un peu l’ancêtre de l’assurance embarquée. Par exemple, j’ai chuté à vélo alors qu’il s’agissait d’un vélo loué en libre-service. Je pensais être assuré mais je me suis rendu compte que mon assurance habitation ne couvrait pas cette situation, s’agissant d’un vélo en libre-service, ni la garantie Accident de la Vie que j’avais souscrite en plus. De nombreux changements sont donc nécessaires chez les assureurs pour penser un produit simple, transparent, et mettre fin aux centaines d’exclusions que l’on rencontre habituellement.

L’assurance embarquée est liée à l’émergence croissante de la consommation à l’usage. Nous passons de plus en plus d’une société de consommation propriétaire à une société de consommation à l’usage. Ainsi nous avons de nombreuses demandes d’assurance de la part de plateformes de location d’objets. Or en louant du matériel, le but recherché est bien la simplicité et la sérénité. Il faut donc que l’assurance soit intégrée, dans une logique de transparence et de valeur ajoutée. Chez Wakam, qui a le statut de société à mission, nous nous inscrivons dans cette logique. Par exemple, concrètement, nous nous interdisons de lancer des offres avec des commissions de distribution trop élevées par rapport à la valeur redistribuée au client final.

Comment les consommateurs réagissent-ils à cette notion d’assurance embarquée ?

Nous avons assez peu de recul aujourd’hui du client final. Mais chez la Maison Courbet, les clients ont trouvé ce service incroyable : ils ne s’attendaient pas à une solution aussi simple. Avec une assurance affinitaire, le taux de transformation est très faible et mécaniquement, le prix est proportionnel au nombre de clients par rapport au risque. Or en cas de solution d’assurance intégrée de façon transparente avec un vrai bénéfice client, un cercle vertueux se dessine : le produit couvrira une population plus large, répartissant ainsi le risque. Cela représente une vraie révolution. Par exemple, Wakam est l’assureur des trottinettes DOTT et de Deliveroo. Les livreurs Deliveroo savent qu’ils sont assurés s’ils ont un accident. Et un particulier qui louerait une trottinette DOTT en libre-service sera lui assuré sans qu’il ait à se poser la question.

Peut-on identifier le potentiel de l’assurance embarquée ? Cette solution rouvre-t-elle considérablement le champ des possibles en termes de masse assurable ?

Oui clairement, il s’agit d’une tendance de fond. Le marché est assez conséquent et de plus en plus d’acteurs vont jouer le jeu de l’assurance embarquée. Une étude du journaliste spécialisé Simon Torrance de novembre 2020 prévoit que l’assurance embarquée représentera plus de 700 milliards d’euros de primes d’ici 2030, pour le P&C seulement. J’ignore si ce montant sera réellement atteint mais en tout état de cause, la part sera très significative.

Des professionnels ont-ils estimé en France le poids de l’assurance embarquée et celui de l’assurance affinitaire ?

Au vu des demandes que nous recevons et des tendances observées chez nos partenaires, nous estimons être dans une fourchette de 30 à 50% de logique d’assurance embarquée à court/moyen terme. Il est clair que l’assurance embarquée n’est plus un épiphénomène. Tous les acteurs de la mobilité, par exemple les plateformes d’aide à domicile, intègrent une assurance embarquée. Certains acteurs ont même lancé des couvertures à l’heure ou à la minute. L’innovation ne se fait donc pas seulement dans le produit mais aussi dans le modèle de pricing, et dans le modèle opérationnel.

Cette notion d’assurance embarquée n’est-elle pas plus attractive auprès du grand public, vue la mauvaise image dont souffre l’assurance affinitaire ?

C’est certain que ce type d’assurance est mieux perçu, notamment auprès des jeunes. Une étude récente a été faite via le chatbot JAM : 55% des jeunes pensent que l’assurance intégrée est « pas mal » voire « super pratique ». Il faut retenir ces termes de praticité et de simplicité, et aller davantage vers cette logique. Le métier de fond d’un assureur, c’est la protection du client final et l’accompagnement des chocs sociétaux. C’est pourquoi il me paraît un peu aberrant que seulement 3 ou 4 sociétés d’assurance françaises possèdent ce statut de société à mission, que Wakam détient, alors qu’il s’agit de la mission d’origine des assurances. Je comprends donc que l’assurance ait mauvaise presse en général.

Dans la présentation de ses offres et dans sa communication auprès des partenaires et du grand public, Wakam mise-t-il exclusivement sur l’assurance embarquée ?

Nous ne nous voyons pas comme un leader mais plutôt un catalyseur de modes de fonctionnement de l’assurance de demain, avec nos partenaires. Nous avons une vraie culture partenariale. L’assurance embarquée est un levier, une forme d’assurance du futur, mais ce n’est pas l’unique forme. Tout objet ou situation ne se prête pas forcément à une solution d’assurance embarquée, mais nous pensons toujours dans la logique de rendre le service le plus simple et le plus transparent possible vis-à-vis de nos assurés et de nos partenaires.

*ITW du magazine « Dessine-moi l’Assurance », production Vovoxx, en Décembre 2021, que vous pouvez télécharger gratuitement et sans laisser de datas. Le #4 de ce magazine est prévu pour Mai/Juin 2022.

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