Les Français et l’assurance de demain

Deux ans après une première étude, la société de conseils et d’audits financiers Mazars a récemment sorti sa nouvelle enquête, réalisée par OpinionWay[1], sur la relation entre les Français et leurs assureurs, en vue d’imaginer les tendances de l’assurance de demain. Les questions ont notamment porté sur la perception qu’ont les assurés de leur couverture et sur leurs attentes en matière d’engagements RSE. Entre les deux enquêtes, des évolutions significatives ont été mises en évidence, dessinant de vrais enjeux de développement. En creux, les Français souhaitent une assurance davantage numérique, plus responsable et plus personnalisée, même si l’apport d’interlocuteurs et de conseillers humains n’est pas oublié.
Le conseiller en assurance, interlocuteur indispensable pour un Français sur deux

D’après l’enquête, 50% des Français déclarent ne pas pouvoir se passer d’un conseiller disponible en agence. Malgré un recul de 7 points par rapport à la précédente étude de 2019, ce score montre tout de même l’importance d’un besoin de relations humaines et personnelles. Si l’attachement au conseiller augmente avec l’âge, ce qui n’est guère une surprise, il est cependant notable que 42% des personnes âgées de 35 à 49 ans et 30% des personnes de moins de 35 ans se tournent régulièrement vers leur conseiller. Malgré l’apport du numérique, le conseiller reste une figure centrale, en particulier dans le cadre du processus de souscription ou lors de demandes d’information. En revanche, le rôle du conseiller est considéré différemment pour les cas de déclaration de sinistre.

Une accélération du recours au numérique

Enseignement majeur de cette enquête, le recours aux outils numériques s’est nettement accéléré par rapport à 2019, la crise sanitaire n’y ayant pas été étrangère. Outre la souplesse horaire et le côté pratique offert par les voies numériques, l’enseignement majeur concerne la déclaration de sinistres : 54 % des sondés ayant subi un sinistre au cours des 3 dernières années ont estimé pouvoir se passer d’un conseiller disponible en agence. Paradoxalement, parmi les personnes n’ayant pas subi de sinistres, seules 45 % d’entre elles ont choisi la même réponse. En clair, ce n’est pas à l’occasion d’un sinistre que la valeur ajoutée du conseiller en assurance est le mieux perçue.

Par ailleurs, 53% des sondés ont indiqué être prêts à rejoindre une compagnie d’assurance en ligne ou mobile d’ici 5 ans. Pour autant, une assurance en ligne n’exclut pas toute relation humaine. Invité à commenter ces résultats, Eric Mignot, président du courtier digital en assurance + Simple, dédié aux indépendants et aux TPE, plaide en faveur d’un équilibre complémentaire entre l’humain et le digital : « on confond à tort le fait de permettre une relation totalement digitale et une relation exclusivement digitale. Un face-à-face majoritaire et du digital en ajout : c’est l’ordre classique des canaux. Chez +Simple, nous avons fait le pari d’inverser cette hiérarchie. Nous proposons le digital, et le face-à-face est possible si le client demande à rencontrer un conseiller de proximité. Il est donc possible d’entretenir une bonne relation avec une assurance 100 % digitale à la condition d’apporter une valeur ajoutée importante. Par exemple, nos chatbots ne sont pas des robots mais des téléconseillers car nous pensons qu’il est nécessaire d’entretenir une relation humaine. A ce titre, le travail administratif est automatisé de sorte que nos conseillers puissent passer le maximum de temps avec nos clients : l’humain peut enfin faire de l’humain. »

En revanche, l’enquête balaye une idée reçue : les personnes âgées de 65 ans et plus sont proportionnellement plus nombreuses que les personnes de moins de 35 ans à envisager la déclaration d’un sinistre sur Internet (29 % contre seulement 16 %).

Des efforts à faire en matière de protection de la vie privée

D’après l’enquête, seuls 37 % des Français pensent être bien protégés par leurs contrats actuels face aux risques liés à la vie privée et aux données numériques : ce résultat est en baisse de 4 points par rapport à il y a 2 ans. Un déficit croissant est donc ressenti dans ce domaine, ce qui montre toutefois que la population est plus sensible à ces enjeux, engageant donc les assurances à développer leurs offres de protection des données numériques. 19% des sondés ont indiqué être prêts à investir davantage dans ce domaine pour être mieux protégés.

Quelles assurances innovantes pour le futur ?

De nombreuses Insurtechs ont développé des concepts innovants visant à faire du comportement des assurés un paramètre déterminant en matière de tarification. Ainsi le Pay when you drive consiste à ne payer son assurance automobile qu’en fonction des jours où l’assuré utilise réellement sa voiture. Plus intrusif, le Pay as you drive module les primes d’assurance en fonction des conduites plus ou moins à risque des assurés (vitesse, consommation d’essence, horaires de conduite). Transposé à la vie de tous les jours, ce même concept peut inciter certaines assurances santé à baisser leurs tarifs en cas de « mode de vie sain ». L’utilisation d’objets connectés peut aussi contribuer à la baisse des cotisations d’assurance. En contrepartie, tous ces modèles innovants reposent sur la transmission de données personnelles, justement pour lesquelles une majorité de Français se sent insuffisamment protégée.

La perspective de faire baisser les tarifs peut néanmoins convaincre la population de faire un effort en cédant certaines données personnelles. Selon les modèles d’assurance, entre 33 et 54% des Français envisagent de souscrire à de telles formules. Si « envisager » ne signifie pas automatiquement franchir le pas, nul doute que ces formules innovantes gagneront en importance à l’avenir.

Une prise de conscience mais une confiance maintenue envers les assureurs

Lors de cette enquête, 38% des Français ont indiqué avoir conscience de la nécessité d’être mieux protégés, en priorité en matière de maladie, d’assurance-décès et d’emploi. Cela s’est particulièrement vérifié auprès des personnes de moins de 35 ans, qui ont été 50% à le reconnaître : la pandémie a certainement occasionné une prise de conscience chez cette population d’ordinaire moins soucieuse de sa santé. Par ailleurs, le lien de confiance avec les assureurs, fortement sollicités durant toute cette période, s’est maintenu : 75% des sondés ont estimé que leurs contrats actuels couvraient bien l’ensemble des risques auxquels ils sont confrontés. 70% des personnes indiquent en outre que la crise sanitaire n’a pas remis en cause leur confiance auprès de leur assureur, même s’il est à noter que les 18-34 ans ont tendance à se montrer plus sévères sur ce point que leurs aînés.

L’engagement RSE : un critère essentiel pour choisir son assureur… ou son employeur

Autre enseignement majeur de cette étude : l’accroissement de l’importance donnée aux engagements sociaux, environnementaux, économiques et éthiques des assureurs. 32% des Français indiquent avoir déjà pris en compte ces critères lors du choix de leur assureur. La moitié des sondés pourrait à l’avenir quitter son assureur pour un autre, davantage engagé en matière de RSE. 25% des Français sont même prêts à payer leurs polices d’assurance 10% plus cher pour s’assurer de souscrire auprès d’un acteur économique et environnemental responsable. 53% accepteraient une hausse de tarifs à condition que l’assureur respecte bien les contraintes RSE. Il est toutefois à noter que ce volontarisme fluctue selon l’âge, seuls 15% des plus de 65 ans étant sensibles à cette dimension RSE. Ce sont bien les plus jeunes, à savoir les 18-24 ans, qui constituent la tranche d’âge la plus volontaire en matière de dimension RSE.

Ces résultats sont à mettre en parallèle avec ceux d’une autre enquête, réalisée par ViaVoice et Freethinking pour Mazars en juin dernier, démontrant que cette demande d’engagement RSE n’émane pas seulement des jeunes assurés : la dimension RSE  constitue désormais clairement un levier d’attraction et de fidélisation des talents au sein des entreprises en général et des assureurs en particulier.

« Il faut comprendre que les critères d’ordre social, largement assimilés à de la culture d’entreprise, font en réalité partie intégrante de la RSE. Aujourd’hui, c’est précisément sur ce point que nous questionnent les candidats, avant même d’aborder la question de la rémunération », confirme Mathilde Le Coz, DRH de Mazars en France. Si les candidats évoquent prioritairement la question sociale, c’est parce que l’engagement environnemental de l’entreprise est d’ores et déjà considéré comme une évidence. « Les actions menées en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique et de la préservation de l’environnement sont des prérequis pour les candidats : en 2022, il leur semble évident que les entreprises soient engagées sur ces sujets, » explique Mathilde Le Coz.

En définitive, il revient aux assureurs de valoriser au maximum leurs engagement RSE, que ce soit pour favoriser le recrutement de talents ou pour attirer de nouveaux assurés, notamment les jeunes pour lesquels le seul critère financier ne saurait conditionner totalement leurs choix.

Les assureurs français sont-ils de bons élèves européens ?

Poursuivre la numérisation des services, développer les engagements RSE et maintenir le contact humain en complément des outils digitaux, tels sont les principaux enseignements à retenir de cette enquête visant à dessiner l’assurance de demain. En définitive, cela revient à mettre toujours davantage l’assuré au centre des préoccupations par les assureurs, comme le souligne Eric Mignot : « le point de départ de notre réflexion autour de la relation client a été de comprendre que notre industrie n’est pas du tout centrée sur les assurés. […] L’idée, c’est de comprendre ce qui empêche nos clients de dormir et, pour cela, nous les sondons, en face-à-face, pour mieux les comprendre. Car un coiffeur n’est pas un taxi et chacun possède sa propre complexité. Comprendre les besoins pour apporter des réponses et des solutions avec une vraie valeur ajoutée, c’est le cœur de notre démarche, ».

Le président de + Simple souligne ainsi une carence ancienne dont les assureurs français ont cependant pris conscience, multipliant depuis des années les initiatives et les innovations pour se rapprocher des préoccupations quotidiennes de la population. Le développement de politiques RSE constitue justement aussi une réponse à cette problématique, afin de véhiculer auprès du public une image tendant vers l’exemplarité. A ce sujet Dan Chelly, associé chez Mazars dans le conseil en management et la gestion des risques, estime que « les assureurs français sont de bons élèves par rapport aux autres assureurs européens, en matière de RSE. La France est précurseur dans la mise en place d’une règlementation nationale et d’un plan d’action relevant de la finance durable. […] Face à la pression croissante de leurs clients sur ce sujet et des politiques en place, les assureurs [français] ont su reprendre activement le sujet en main. »

[1] Étude réalisée auprès d’un échantillon de 1 016 personnes, représentatif de la population française âgées de 18 ans et plus, constituée selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de catégorie d’agglomération et de région de résidence. Interviews réalisées les 24 et 25 février 2021. Toute publication totale ou partielle doit impérativement utiliser la mention complète suivante : « Sondage OpinionWay pour Mazars ».

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