"L’IA devrait être utilisée pour soutenir le processus de prise de décision, et non le remplacer"

Quels sont les enjeux majeurs et les bénéficies d’intégration de l’Intelligence Artificielle dans l’assurance ?
Il n’y a aucun doute, l’Intelligence Artificielle (IA) est une technologie transformatrice. J’entends par là qu’elle nous permet de faire des choses que nous n’avons jamais pu faire auparavant. Cela est particulièrement vrai dans le secteur de l’assurance et plus encore dans les domaines spécifiques de la détection de fraude et l’automatisation des déclarations de sinistres. L’IA permet de voir les petites connexions au sein d’un grand ensemble, ce qui est essentiel pour identifier les réseaux organisés de fraude. L’IA fournit une vision et une connaissance plus approfondie sur des problèmes anciens que nous ne pouvions pas résoudre auparavant. Avant tout, elle aide les gens à travailler plus efficacement et à tirer plus rapidement de meilleures conclusions.
Un cabinet conseil (CAP GEMINI) estime que le gain de productivité de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle dans l’assurance pourrait aller jusqu’à 30 % et l’amélioration de la satisfaction client jusqu’à 60 %. Votre avis ?
J’ai toujours pensé que l’utilisation de l’IA par les professionnels de l’assurance couvrait deux aspects : améliorer l’expérience des assurés et aider les gens à être plus efficaces dans leur travail. Les chiffres de CapGemini ne me surprennent pas du tout. L’IA permet aux assureurs de répondre à la manière dont leurs clients veulent traiter avec eux et de proposer des interactions similaires à celles qu’offrent les plateformes e-commerce ou les sociétés issues du numérique. En parallèle, lorsque l’humain doit rester impliqué, les connaissances qui peuvent être acquises grâce à l’IA fournissent aux salariés des compagnies d’assurance l’ensemble des informations dont ils ont besoin pour régler les déclarations de sinistre rapidement, efficacement et équitablement.
Quelles sont les applications concrètes court-terme de L’Intelligence Artificielle dans le secteur de l’assurance ? Dans quelle partie de la chaine de valeur de l’assurance, l’Intelligence Artificielle vous semble -elle la plus prometteuse ?
Nous avons déjà relevé les avantages que l’IA peut apporter en matière de détection de fraudes. À elle seule, Shift a analysé des centaines de millions de déclarations de sinistres pour le compte de ses clients et les aident à comprendre rapidement et efficacement celles qui sont légitimes et celles qui peuvent être frauduleuses. Nos clients constatent de réelles améliorations en termes de ratios de pertes grâce à leur capacité à détecter une éventuelle fraude et à garantir que les déclarations de sinistres illégitimes ne soient pas payées. Nous constatons également le rôle important que l’IA peut jouer dans l’automatisation de ces déclarations de sinistres, de la FNOL (First Notice of Loss ou premier avis de sinistre) au règlement. Elle améliore considérablement l’expérience client et aide les gestionnaires à se concentrer sur les déclarations qui nécessitent une intervention humaine. Et à mesure que l’IA se développe et murit dans ce secteur, nous verrons son impact augmenter tout au long du cycle de vie de la police d’assurance, de sa souscription au renouvellement et à chaque étape intermédiaire.
Quels sont les principaux freins au déploiement de l’Intelligence Artificielle dans l’assurance et/ou dans votre métier ? La difficile analyse du retour sur investissement est-elle l’un des principaux obstacles au déploiement de l’Intelligence Artificielle ?
Malgré sa médiatisation, l’IA est une approche technologique relativement nouvelle. Or le secteur de l’assurance reste une industrie très traditionnelle. Je pense que cet aspect, accentué par une impression de difficulté à déterminer son ROI, reste un obstacle majeur. Pourtant c’est un exercice relativement simple que de déterminer les économies de coûts liées à la réduction de la fraude dans le processus de déclarations de sinistres. Cela étant dit, nous constatons une plus grande attention portée à la transformation numérique et l’innovation dans le secteur. Désormais le secteur étudie activement comment la technologie peut avoir un impact positif sur son activité, améliorer drastiquement le processus de déclaration de sinistres et conduire à une expérience client exceptionnelle. Ce sera fondamental dans le processus d’adoption de l’IA.
Manque-t-on encore, sur le secteur de l’assurance, de connaissances et de compétences dans le domaine de l’Intelligence Artificielle ?
Il est important de se rappeler que la data science et l’IA, en particulier pour le secteur de l’assurance, en sont encore à leurs prémices mais l’idée que cette dernière soit bénéfique à l’industrie est en plein essor. Tout comme les tentatives de création de domaines fonctionnels liés à la transformation numérique ou l’innovation dans le secteur de l’assurance, nous constatons de plus en plus d’efforts pour constituer des équipes afin d’explorer comment l’IA et la data science peuvent être appliquées aux innombrables opportunités et défis rencontrés par les compagnies d’assurance aujourd’hui.
A terme, d’après une étude McKinsey Global Institute, 43 % des opérations réalisées dans le secteur de l’assurance pourraient être accomplies par l’ Intelligence Artificielle. Il y a-t-il des raisons d’être inquiet du déploiement de l’Intelligence Artificielle pour certains métiers du secteur de l’assurance ?
J’ai toujours considéré l’IA comme un outil qui peut être utilisé pour aider les gens à prendre de meilleures décisions et finalement, être plus performants dans leur travail. C’est particulièrement le cas lors de l’application de l’IA sur la détection de fraudes. L’IA n’a pas pour rôle de dire si une fraude a été commise ou non, mais permet d’identifier les potentielles fraudes (qu’elles soient très faibles ou très élevées), puis de laisser place à l’expertise humaine quant à la prise de décision sur le paiement ou l’ouverture d’une enquête complémentaire. C’est la raison pour laquelle je ne pense pas qu’il soit nécessaire de s’inquiéter de l’IA en ce qui concerne certains métiers de l’assurance. Dans les exemples que vous citez, bon nombre d’entre eux s’inscrivent dans le cadre plus large qu’est l’automatisation des déclarations de sinistres. Même si dans certains cas, cela peut signifier qu’un humain ne fait pas le travail, dans d’autres, il prouve qu’un salarié a plus de temps pour se concentrer sur un problème complexe ne pouvant être résolu par l’IA. 57%, c’est encore beaucoup de transactions qui ne peuvent pas être effectuées par l’IA !
Le domaine de l’assurance a en effet souffert durant plusieurs années d’un manque d’investissement et de restructuration dans le domaine technologique. En 2020, l’Intelligence Artificielle va poursuivre son évolution technologique et de nouveaux cas d’usage vont voir le jour. Quels sont les principaux gisements d’innovation liés à l’Intelligence Artificielle pour l’assurance ?
Les sociétés continueront de chercher des moyens pour que l’IA puisse promouvoir une expérience client exceptionnelle et apporter une plus grande efficacité dans le processus de réclamation. Ces domaines sont les plus mûrs face à l’innovation amenée par l’IA. Alors que nous résolvons les challenges et saisissons les opportunités dans ces domaines, nous verrons des sociétés se lancer dans de nouvelles initiatives soutenues par l’IA. Cela peut également s’appliquer à la gestion globale du cycle de vie des polices d’assurance et la stratégie de connaissance des clients.
Toutes les conditions sont-elles réunies pour un développement rapide et généralisé de l’Intelligence Artificielle dans le secteur de l’assurance ? L’Intelligence Artificielle est-elle clairement la priorité pour le futur de l’assurance (IA First) ?
Oui, nous en approchons de très près. Il y a une meilleure compréhension des avantages que l’IA peut apporter au secteur de l’assurance. L’écosystème de l’Insurtech se développe et démontre comment l’IA peut aider les sociétés à surmonter les obstacles, et peut-être plus encore, car il existe une importante base de talents qui peut aider l’industrie à tout réunir.
Avez-vous d’autres commentaires/convictions ?
Comme je l’ai évoqué précédemment, nous devons tous nous rappeler que l’IA ne peut pas, et ne devrait pas être considérée comme un remplacement de l’expérience et de l’expertise humaines. Chez Shift, par exemple, nos data scientists sont des éléments essentiels au succès de toute implémentation client, mais aussi la clé pour obtenir les scénarios et modèles de fraudes dès le début et les faire évoluer au fil du temps. Je suis également persuadé que l’IA devrait être utilisée pour soutenir le processus de prise de décision, et non le remplacer. L’IA fonctionne mieux lorsque l’humain reste impliqué dans le processus.
Jérémy Jawish – Co-fondateur et CEO – Shift
ITW réalisé avant période de confinement et intégré dans le mag #1 « Dessine-moi l’assurance » effectué par Jean-Luc Gambey – Vovoxx

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