Il y a des bulles partout sur les marchés

L’Assurance en Mouvement, poursuit sa deuxième saison d’interviews sur la gestion de patrimoine en temps de crise en donnant la parole à des professionnels de terrain sur leur bilan de l’année 2020 et leurs perspectives pour l’exercice 2021.

Cette semaine, nous avons interrogé Anna Gozlan, Associée fondatrice de Kermony Office à Paris et Grégory Lecler, Président de Prudentia Patrimoine à Bourges. Une année 2020 satisfaisante grâce à une bonne adaptation organisationnelle au télétravail et au digital, mais une confiance modérée sur les marchés pour 2021 qui risque de compliquer l’activité.
L’Assurance en Mouvement : Quel bilan tirez-vous de l’année 2020 ?

Anna Gozlan : La crise sanitaire a frappé brutalement à tous les niveaux et a prouvé que beaucoup d’entre nous étaient capables de s’adapter.
Ce fut pour nous une très belle année avec une croissance à deux chiffres de nos résultats et de nos encours supervisés grâce à cette approche globale qui nous caractérise. Notre organisation informatique sécurisée, était adaptée au télétravail, ce qui nous a permis de rester réactifs et disponibles dès le début du confinement.
Par ailleurs, nous avions commencé l’année en étant très prudents sur les marchés financiers, nos clients ont rapidement été rassurés malgré l’importante chute en mars. Nous nous sommes réexposés au tout début du rebond en étant très actifs, sélectifs et pleins de convictions. Cette gestion a permis à un grand nombre de nos clients d’enregistrer des performances aux alentours de 15 % pour des portefeuilles dits Equilibre.
Cette crise a aussi accéléré nos communications digitales, notre présence sur les réseaux sociaux, et la diffusion de webinars…
Mais surtout elle a donné du temps aux clients de se poser les bonnes questions et nous a permis d’avancer sur des discussions stratégiques sensibles puisqu’ils étaient plus à l’écoute. Typiquement les dirigeants d’entreprises ont été confrontés à la question de la protection ou à la fragilité de leur entreprise ou de leur foyer.
Nous avons eu en règle générale une bonne réactivité de la part de nos fournisseurs hormis quelques exceptions, de grandes institutions qui ont peiné à mettre en place une organisation efficiente des fonctions de support.
Notre association a été très présente en ligne. Mais les interactions physiques entre confrères manquent et présentent un risque d’éloignement des préoccupations terrain.
Grégory Lecler : Dans son ensemble l’année 2020 aura été une « bonne » année, avec une activité au moins équivalente, voire supérieure à celle de 2019.
D’un point de vue organisationnel, nous avons mis en place le télétravail dès le premier confinement et, ce télétravail se poursuit encore aujourd’hui pour la quasi-totalité des collaborateurs du cabinet.
Une permanence est assurée dans nos différents locaux et nous limitons au maximum les regroupements.
Nous avons instauré des réunions hebdomadaires en visioconférence, par service, afin d’en limiter la durée et pour plus d’efficacité.
Cette nouvelle organisation est certainement amenée à se pérenniser, de manière plus ou moins importante.
Du point de vue de l’activité commerciale, le premier confinement a eu des répercussions bien plus importantes que le second.
Nous avons volontairement stoppé dès début mars toutes les opérations d’investissement qui étaient en cours ou en préparation, tant que nous n’avions pas de visibilité sur la suite des évènements. Nous avons passé beaucoup de temps à contacter nos clients pour faire de la pédagogie, rassurer, expliquer.
Nous sommes intervenus massivement auprès d’eux pour leur proposer des arbitrages de « sécurisation » avant de faire le mouvement inverse après la vague de baisse des marchés actions. Nous avons alors proposé de réinvestir progressivement, pour les clients qui le souhaitaient.
En matière d’investissements immobiliers, nous avons attendu le dernier trimestre pour prendre de nouvelles positions et proposer des arbitrages sur certaines typologie d’actifs (bureaux notamment).
Ce choix, volontaire de la part du cabinet, de stopper initialement tous les investissements aura eu évidemment des répercussions sur notre activité. Toutefois, nous sommes heureux d’avoir ainsi permis à nos clients de passer cette année 2020 sans encombre.
Depuis le début de l’automne, un rattrapage très important se produit.
Enfin, de la part des fournisseurs et des associations, il faut noter un effort particulier de communication et de transparence, fruit de l’expérience des crises passées.

Comment abordez-vous l’année 2021 et comment voyez-vous, pour votre activité, l’année 2021 ?

Anna Gozlan : Nous abordons 2021 avec une confiance modérée en ce qui concerne les marchés financiers. En effet après de tels résultats ces deux dernières années, la sortie de crise devrait paradoxalement être moins linéaire et plus complexe en termes de lisibilité des marchés financiers. Les actifs non cotés vont prendre une place croissante dans nos allocations car ils vont nous permettre d’accéder à des entreprises plus dynamiques et de répondre à la quête de sens grandissante chez nos clients.
Au niveau de notre croissance, nous sommes conscients qu’il faut continuer à répondre présents dans un monde toujours plus concurrentiel. Cela exige de notre part de continuer à mobiliser les ressources et les talents nécessaires pour maintenir l’excellence en matière d’expertises mais également dans la relation client.
Grégory Lecler : 2021 se présente bien du point de vue de notre activité. Plus que jamais la notion de conseil permet de faire la différence.
Je suis toutefois beaucoup plus réservé et méfiant que peuvent l’être notamment les marchés financiers, comme reflété par les niveaux actuels des différents indices mondiaux.
Je pense que l’essentiel de la reprise est d’ores et déjà dans les cours et la gestion active devrait beaucoup mieux tirer son épingle du jeu qu’à partir d’avril 2020 où il suffisait d’être « directionnel » pour gagner de l’argent.
Il y a des « bulles » partout : sur les actions, les obligations, l’immobilier, le bitcoin, etc.
Certaines valorisations sont justifiées, d’autres beaucoup moins.
Je crains un retour de l’inflation, liée à la reprise économique, qui pourrait alors contraindre la politique accommodante des banques centrales.

Y-a-t-il des thématiques que vous souhaiteriez approfondir pour vos clients ?

Anna Gozlan : 2021 sera une nouvelle étape dans la construction de notre approche qui vise à utiliser la force du digital pour travailler avec chacune de nos familles à la manière des start up technologiques pour approfondir les services que nous leurs apportons » sur l’ensemble des problématiques juridiques, fiscales, patrimoniales et financières
Cet équipement à 360° représente un travail de plusieurs années qui s’inscrit dans un cadre durable.
Grégory Lecler : La situation économique de la France, le déclassement subi par notre pays, sont le fruit de 40 années de politiques économiques désastreuses et d’absence de réformes structurelles.
Nous en voyons notamment les conséquences à travers l’insuffisance de fonds propres des sociétés et les déficits de nos différents régimes sociaux, les 2 étant liés.
Je crois que le développement de retraites par capitalisation est inévitable et permet d’apporter une réponse appropriée. Le succès du PER devrait donc se poursuivre et me semble un outil à privilégier en ce sens.
En ce qui concerne nos clients chefs d’entreprise, artisans, commerçants, prof. libérales, le constat que nous pouvons tirer de cette crise est que la liquidité est le « nerf de la guerre ». Plus que jamais, il faut prévoir des structures capitalistiques permettant d’accumuler « un trésor de guerre », disponible et mobilisable à tout moment.
Jean-Charles Naimi

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