"La bataille entre les assureurs va se jouer sur l’expérience utilisateur"

La question mérite d’être posée ! Télétravail, Téléconsultation, Téléservice, Télévente, Téléexpertise,…. , le « sans contact » semble être le grand gagnant de cette période de crise sanitaire, où depuis les mesures de confinement et de déconfinement prises par le gouvernement français, les canaux de la relation clients se sont focalisés de fait vers deux canaux privilégiés : le téléphone et le numérique. Nous avons le plaisir d’interroger, à distance, Rami Karam, Directeur Général – lesfurets.
Nul doute que dans cette période, les Français vont limiter les contacts physiques avec leurs fournisseurs, et essentiellement utiliser deux canaux majeurs : le téléphone et le digital. De nouvelles pratiques seront probablement héritées de cette crise. Partagez-vous ce point de vue ?
En tant que pure player de la comparaison nous observons les comportements des Français et il est certain que durant la période de confinement, il y a eu une réelle appétence pour la vente à distance : les points de vente physiques étant fermés, les Français ont effectué leurs achats via téléphone ou sur Internet. Selon la Fevad, l’activité des sites marchands des chaînes de magasins non alimentaires a bondi de 67%, quand celles des « pure players » n’ont gagné que 4 % en mars/avril.
Néanmoins, du fait du confinement certains projets ont été mis en stand-by ; c’est le cas notamment de l’industrie automobile. Cette tendance se vérifie sur le site lesfurets : en mars-avril 2020, le nombre de demandes de devis a significativement diminué (-40% par rapport à mars-avril 2019). Depuis le mois de juin, où les clients peuvent se rendre dans les concessionnaires, il remonte nettement (+50% par rapport à la même période l’année dernière, on observe bien entendu un effet de rattrapage dû au Covid). Cette tendance est encore plus accentuée pour l’assurance moto qui est un produit de saison : depuis le déconfinement, on note une forte hausse (+70% en juin 2020 vs juin 2019) du fait du rattrapage de la saison printanière (puisque l’on était en saison haute pour ce produit) et du retour aux 2 roues avec l’évitement des transports en commun post Covid-19.
Il est certain que la crise sanitaire aura un effet sur la digitalisation du secteur : d’après une enquête IPSOS, les Français se disent intéressés par de nouveaux services proposés en ligne, particulièrement l’obtention d’un financement (34%) ou de la souscription à une assurance (46%), mais aussi par des interactions virtuelles avec un vendeur (27%). Des chiffres d’autant plus intéressants quand on sait que près d’un tiers des Français souhaitant acquérir un véhicule avant la crise sont plus déterminés à acquérir une voiture aujourd’hui qu’avant le confinement (27%)[1].
Dans l’assurance, la vente à distance avait, à la lueur de quelques abus, mauvaise presse et faisait déjà l’objet d’une attention particulière de la part de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution. Pensez-vous que la situation de la vente à distance va évoluer dans ce secteur ? les Français vont-ils plus utiliser la VAD dans notre secteur ?
Durant la période de confinement, la vente à distance est apparue spontanément comme une alternative à la vente physique. Facile d’accès, cette solution a permis d’assurer la continuité de l’activité et de répondre aux besoins de protection des clients. Dans les mois à venir, la vente à distance va sans doute se généraliser et l’offre, comme la demande, vont augmenter. Cependant, les produits d’assurance sont des produits complexes qui nécessitent un véritable accompagnement. Aussi les process devraient évoluer pour encore insérer un peu plus d’humain et offrir un conseil sur mesure.
Même si le conseil et la relation client « physique » restent importants, les nouvelles procédures de vente à distance pourraient-elles instaurer une nouvelle norme ? Une nouvelle facilité souhaitée par les clients finaux ?
Avec l’émergence des nouveaux usages, les assureurs n’auront pas d’autres choix que de proposer différents canaux de communication, traditionnels mais aussi digitaux, afin d’offrir un panel options pour adresser l’ensemble des profils clients. Dans le cas contraire, certains pourraient avoir du mal à rester compétitifs et pourraient être amenés à disparaître. Néanmoins, je tiens à rappeler que recourir au digital ne signifie pas renoncer au contact humain, au contraire. Le digital offre des moyens d’interagir à tout moment, à travers un accompagnement individuel et personnalisé.
La crise provoquée par le Coronavirus a accéléré la recherche de solutions permettant de vendre les produits à distance (parfois sans la nécessité de signer physiquement la police), pensez-vous que les acteurs du secteur de l’assurance en général vont accélérer massivement la mise en place de leurs process de VAD ? La souscription, de certaines garanties d’assurance, parfois banalisées et perçu comme tel par les Français, ne va-t-elle pas basculer définitivement vers un mode « bicanal » (téléphone/digital) ?
Sans aucun doute, la crise sanitaire a accéléré la digitalisation du secteur qui a été forcé de développer des solutions pour maintenir un certain niveau d’activité. Et les Français ont adhéré : d’après une publication du cabinet Deloitte, les assurés ont davantage utilisé le digital avec la crise du coronavirus et ont apprécié sa facilité d’utilisation.[2] Si l’on prend l’exemple du crédit immobilier, le décret du 4 avril permettant aux notaires de proposer des signatures électroniques pour tous les actes notariés a facilité les démarches qui étaient en attente. Également, l’adaptation des acteurs de l’immobilier avec l’augmentation des visites virtuelles a également ouvert la voie à une reprise progressive du marché.
En ce qui concerne le rachat de crédit : le travail à distance de nos partenaires sur les produits financiers a permis un maintien indéniable de l’offre comme de la demande. Alors que nous avions noté une baisse de 30% des demandes d’utilisateurs sur notre site sur les trois premières semaines de confinement, les simulations reprennent de façon certaine depuis juin avec +30 à 40% sur le produit rachat de crédits.
Même si ces nouvelles pratiques vont se généraliser, je ne crois pas que le secteur va totalement basculer vers un mode “bicanal”. Les pratiques des consommateurs étant toutes différentes, les assureurs doivent continuer d’offrir une pluralité d’options.
Cela ne va-t-il pas provoquer et accélérer la généralisation de bonnes pratiques en la matière ?
Très certainement, la crise va accélérer la digitalisation du secteur, mais rappelons tout de même que les assureurs avaient d’ores et déjà entamé leur mutation et fait un travail considérable : d’après le cabinet de conseil Colombus Consulting, ce sont 77% des opérateurs qui permettent à leurs assurés de déclarer leurs sinistres IARD en ligne[3].
La dématérialisation du devoir de conseil est-elle aujourd’hui possible ?
Le digital et le devoir de conseil ne sont pas incompatibles : la preuve en est que cette dématérialisation a permis d’assurer la continuité du secteur durant la crise, et c’est de toutes façons, notre volonté d’accompagner nos clients au quotidien. La dématérialisation doit justement pouvoir s’accompagner de conseil. Nous l’avons notamment constaté sur le produit de l’assurance emprunteur : contrairement aux autres produits, la demande de devis pour l’assurance emprunteur a connu une baisse modérée durant le confinement (-20% en mars-avril 2020 vs cette même période en 2019). Et depuis quelques semaines, l’attrait pour ce produit semble plus que jamais d’actualité (+40% par rapport à juin 2019).
Au final la VAD ne va-t-elle pas s’amplifier significativement dans le secteur de l’assurance ?
Avec la crise sanitaire, de nouveaux usages se sont mis en place. A présent, la bataille entre les assureurs va se jouer sur l’expérience utilisateur, et plus précisément sur son parcours, de la prise de décision jusqu’à la souscription. Dans ce contexte, notre rôle de comparateur prend alors tout son sens. Et pour cela, nous avons lancé la refonte de notre interface afin d’aider les utilisateurs à faire un choix éclairé en travaillant sur l’ergonomie et le champ lexical de notre site pour plus de pédagogie.
Avez-vous d’autres commentaires ?
Malgré le contexte difficile, les assureurs ont su s’adapter et répondre présents aux sollicitations clients. A présent, nous devons tirer les enseignements de cette période et pérenniser les bonnes pratiques à l’ensemble de nos process afin d’offrir aux assurés le parcours client le plus fluide qu’il soit.

  • [1] Enquête IPSOS – Les Français toujours déterminés à acheter une voiture après le confinement – Mai 2020
  • [2] Baromètre Deloitte “Les Français et leur assureur”. Mars 2019
  • [3] Colombus Consulting. La digitalisation au service de l’expérience client. Edition 2018

Nous remercions Rami Karam et vous rappelons que nous avons décidé de traiter ce sujet, dans les mois à venir, en particulier :

  • Une enquête spéciale B to B sur les nouveaux enjeux de la vente à distance pour le secteur de l’assurance
  • Une émission spéciale sur Assurance TV (voir exemples)
  • Un article dans le prochain magazine print « Dessine-Moi l’Assurance » adressé aux décideurs du secteur de l’assurance (voir le dernier numéro en format digital)

Jean-Luc GambeyVovoxx
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