"En tant qu’assisteur, nous ne sommes pas un pure player de la téléconsultation, mais un global player"

La téléconsultation va-elle connaître, après cette période de confinement, un essor et s’installer progressivement dans le parcours de soins (voire de santé…) ? Nous avons eu le plaisir d’interroger, à distance Alexandre Etave, Directeur de la Product Line Santé d’Europ Assistance France. D’abord, d’un point de vue général, pensez-vous que « l’épisode sanitaire » lié au covid19, qui a permis un véritable usage de la téléconsultation par les Français, va enfin se développer durablement et s’installer dans le parcours de santé et/ou de soins des Français ? pour quelles raisons ? 
L’épidémie de Covid-19 constitue un véritable accélérateur dans le développement de la téléconsultation. Les patients ont été confrontés à des besoins de santé importants (en particulier liés au virus), mais aussi à un changement de comportement lié au confinement et à la crainte, voire à l’interdiction de se rendre dans les salles d’attente de leur médecin.  Les différents modèles de téléconsultation (remboursée par l’Assurance maladie et au 1er euro par les assureurs et complémentaires santé) ont vu leur usage exploser en un temps record. Chez Europ Assistance, notre activité a été multipliée par cinq à six pendant le confinement. Nous revenons progressivement à une situation normale, mais qui sera forcément différente de l’avant Covid-19. Premièrement car les patients ont pu l’expérimenter et en ont été très satisfaits. De même, les inquiétudes développées ces dernières semaines, comme la peur de se rendre dans une salle d’attente, ne devraient pas disparaître. Ensuite, les difficultés d’accès aux soins qu’exprimaient les Français avant le confinement n’ont pas disparu.  La téléconsultation est donc en passe de devenir un réflexe chez les patients et leurs médecins.
Selon un récent sondage*, 30 % des Français, sont prêts à y recourir plus souvent à l’avenir. Peut-on considérer que l’usage de la téléconsultation va enfin « décoller » ? Si oui auprès de quelles populations ?
Absolument ! Côté Europ Assistance, en analysant notre activité ces dernières semaines, nous pensons que l’usage de notre service sera deux fois plus élevé qu’avant le confinement. Un des principaux atouts de ce dernier est d’être accessible facilement pour tous, quel que soit l’âge, la zone géographique ou la couverture réseau / internet par exemple. Par téléphone ou par Internet, en vidéo ou audio seulement : c’est le patient qui choisit la façon d’interagir avec nos médecins, sans impact sur son remboursement. C’est pourquoi nous avons une part importante de seniors faisant appel à nos services, ainsi que de parents pour leurs jeunes enfants par exemple. On a souvent lu que la téléconsultation était une réponse aux déserts médicaux. Mais, bien au-delà, la téléconsultation est une réponse à des délais croissants pour obtenir un rendez-vous (6 jours en moyenne pour un médecin généraliste selon une étude Drees), ainsi que pour tous les patients qui n’ont pas de médecin traitant (plus de 5 millions de Français, la moitié des médecins refusant d’être médecin traitant de nouveaux patients). Elle est une réponse, parmi d’autres, au problème d’accès aux soins qui touche tous les Français. C’est aussi pour ces raisons que notre service a une valeur ajoutée. Il constitue une extension naturelle de notre métier d’assisteur.
Certains acteurs du secteur de l’assurance complémentaire santé, proposaient déjà ce service à leurs assurés. Pensez-vous qu’à l’avenir, les services de téléconsultations, devront faire partie intégrante et systématique de l’offre servicielle dans le cadre d’une complémentaire santé ?
Ce sont en effet ces acteurs qui ont fait naître et développer les premiers services de téléconsultation, bien avant la prise en charge par l’Assurance maladie. Aujourd’hui, la grande majorité des organismes complémentaires santé propose ce service à leurs assurés. Chez Europ Assistance en particulier, nous le déployons auprès de plusieurs acteurs majeurs de ce marché, aussi bien des assureurs que des institutions de prévoyance ou des mutuelles.  Ces acteurs ont bien compris l’utilité et la valeur perçue de ce service chez leurs assurés. Le développement sans précédent des dernières semaines nous conforte dans notre stratégie conjointe visant à renforcer l’offre globale de services en santé, et notamment la téléconsultation.
Assistera-t-on, en général, à un bond en avant de la téléconsultation proposée par les acteurs du secteur de l’assurance complémentaire santé ? Et en ce qui vous concerne, une position particulière ?
Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler que l’intervention des organismes complémentaires santé est double en matière de téléconsultation. En tant que complémentaires, ces organismes ont l’obligation de rembourser la part complémentaire des téléconsultations éligibles au remboursement par l’Assurance maladie. En parallèle, ils peuvent proposer l’accès à un service de téléconsultation, qu’ils prennent en charge au premier euro. Concernant la téléconsultation remboursée, le rôle des organismes complémentaires santé se limite au simple remboursement de prestations. Ce nouveau rôle, instauré depuis le 15 septembre 2018, demeurera inchangé. Seul le montant de cette nouvelle charge sinistres évoluera avec l’essor de l’usage. Concernant la téléconsultation hors remboursement, nous sommes convaincus que ce service continuera à exister et à se développer auprès des organismes complémentaires santé, à condition de proposer un service différent et complémentaire de la téléconsultation remboursée. C’est tout le sens de l’offre développée par Europ Assistance via nos médecins et infirmiers salariés : un accès immédiat, 24h/24 et 7j/7, un accès en vidéo mais aussi par téléphone pour les patients qui le souhaitent ou ne peuvent faire autrement, sans frais à avancer… Les retours de nos partenaires à la suite de l’épidémie de Covid-19 nous confortent dans ce modèle et nous incitent à poursuivre les développements dans ce sens.
Est-ce que ce service, tel qu’il est proposé actuellement par les complémentaires santé , va évoluer ? Si oui comment ?
Nous en sommes persuadés ! L’adoption massive par les patients ces dernières semaines et l’essor de la téléconsultation remboursée nous poussent naturellement à faire évoluer notre service. Comme évoqué précédemment, notre première conviction est de proposer un service différent et complémentaire à la téléconsultation remboursée. Nous allons cultiver et renforcer cette complémentarité. Notre seconde conviction est qu’il nous faudra nous développer au-delà de la seule téléconsultation. En tant qu’assisteur, nous ne sommes pas un pure player de la téléconsultation, mais un global player à même d’apporter une réponse globale à des besoins de santé ne pouvant être répondus par le médecin traitant. Nous travaillons avec nos partenaires sur des offres de services à la fois plus complètes, intégrant la téléconsultation mais également d’autres services (assistance santé, prévention, second avis médical…), et segmentées (accompagnement de seniors, de personnes en mobilité, sortie d’hospitalisation…). Un élément clé de la réussite de ces offres réside dans des parcours simples pour les utilisateurs finaux, et faciles à communiquer et déployer par les organismes complémentaires santé.
Le service de téléconsultation pourrait-il être utilisé hors champ du parcours de soins coordonné ? (Pour certains besoins spécifiques ou certaines situations). Si oui, les complémentaires santé pourraient-elle proposer ce service ?
Le parcours de soins est bâti sur deux principes clés : le rôle central du médecin traitant dans le suivi médical des patients et un taux de remboursement plus élevé pour inciter à le respecter. Notre service de téléconsultation est complémentaire au rôle du médecin traitant. Nous intervenons en cas d’indisponibilité du médecin traitant, ou pour les patients n’en ayant pas. Nous rédigeons un compte-rendu à l’issue de chaque téléconsultation, que le patient est libre de partager auprès de son médecin traitant s’il en a un. En revanche, notre service n’est pas éligible au remboursement par l’Assurance maladie. Nous sommes intégralement financés par des complémentaires santé, qui intègrent d’ores et déjà ce service à leurs offres, et qui vont continuer à le développer.
Est-ce que ce service va désormais s’installer durablement dans la chaine de valeur servicielle de l’assurance complémentaire santé et être utilisé par les assurés des acteurs du secteur de l’assurance ? Si oui, avec quel modèle économique ? L’inclusion à la garantie complémentaire santé, un autre modèle économique ?
L’inclusion au sein des contrats complémentaires santé est aujourd’hui le modèle économique principal des services de téléconsultation hors remboursement. En tant qu’assisteur santé, c’est un modèle traditionnel avec nos partenaires complémentaires santé.
Comme dans beaucoup de nouvelles activités avec de très nombreuses offres et sociétés de services, ne va-t-on pas voir une concentration très forte sur ce type de service, et voir 2 ou 3 plateformes leaders « truster » la quasi-totalité de l’offre de services de téléconsultation ?
Le marché de la téléconsultation est particulièrement protéiforme, entre assisteurs, pure players, éditeurs de logiciels médicaux, fournisseurs de dispositifs médicaux… Les autorités publiques ont publié une liste de plus d’une centaine de solutions logiciels de télémédecine ! Comme dans tout nouveau marché, un mouvement de concentration devrait en effet avoir lieu dans les prochains mois. Il devrait principalement concerner les nouveaux entrants pure players, le plus souvent éditeurs de logiciels, soumis à une double concurrence sur les marchés de la téléconsultation remboursée (logiciels de prise de rendez-vous, logiciels médecins…) et de la téléconsultation non remboursée.
Avez-vous d’autres commentaires ?
La téléconsultation est une extension de notre cœur de métier, l’assistance médicale. Nous nous appuyons sur plus de 50 ans d’expertise de notre équipe médicale pour répondre à notre mission de CARE : être disponible à tout moment et en toutes circonstances pour nos bénéficiaires, aussi bien pour les aider à résoudre des situations difficiles ou stressantes qu’être présent au quotidien, quand ils en ont besoin, en leur apportant une tranquillité d’esprit.
*OpinionWay, réalisé les 27 et 28 avril
Nous remercions Alexandre Etave et vous rappelons que nous avons décidé de traiter ce sujet, dans les mois à venir, en particulier :

  • Une enquête spéciale sur le sujet de la téléconsultation et les enjeux de ce service pour le secteur de l’assurance
  • Une émission spéciale « La téléconsultation, dans la chaine de valeur de la complémentaire santé ? » sur Assurance TV (voir exemples)
  • Un dossier spécial dans le prochain magazine print « Dessine-Moi l’Assurance » adressé aux décideurs du secteur de l’assurance (voir le dernier numéro en format digital)

Par Jean-Luc GambeyVovoxx
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