Téléconsultation : "Le modèle économique demeure encore à « cracker » parfaitement avec les complémentaires santé"

Un certain nombre d’assureurs complémentaires santé (Mutuelles, Institutions de Prévoyance, assureurs, etc.) proposent la téléconsultation médicale pour notamment, diversifier ses services alors que les offres santé sont de plus en plus standardisées.  Si la télémédecine a d’abord été un choix « contraint » dans la période de distanciation physique, elle semble appelée à devenir une véritable solution pour les personnes isolées, les habitants de déserts médicaux, les expatriés et bon nombre d’autres personnes domiciliées en France qui se sont rendus compte du gain de temps et du service qu’elle rend dans la vie au quotidien… Nul doute que la téléconsultation va connaître, après cette période, un essor et s’installer progressivement dans le parcours de soins. Nous avons le plaisir d’interroger, à distance, Arnault Billy, Directeur Général de Maiia, filiale du groupe Cegedim.
D’abord, d’un point de vue général, pensez-vous que « l’épisode sanitaire » lié au covid-19, qui a permis un véritable usage de la téléconsultation par les Français, va enfin se développer durablement et s’installer dans le parcours de santé et/ou de soins des Français ? pour quelles raisons ?

La réponse est oui ! Il est vrai qu’au départ en pleine pandémie, la principale motivation des Français à téléconsulter a été de se protéger des contaminations en salles d’attentes et aux urgences, mais aussi pour protéger les autres en cas de suspicion covid-19. Ainsi, le poids de la téléconsultation est passé en seulement 1 mois de 0,1% en Février 2020 à 28% au mois de mars. Depuis le déconfinement et la libre circulation des personnes, on voit aujourd’hui que ce nombre tend à se stabiliser autour de 15%. Il y a bien sûr dans le lot des personnes qui continuent la téléconsultation pour limiter le risque de se faire contaminer, mais la grande majorité continue car elle a découvert que la téléconsultation était une solution géniale pour leur simplifier la vie. C’est ce que révèle notre étude réalisée par CSA qui montre que 74% des utilisateurs vont continuer cette pratique et pour principale raison le gain de temps dans leur journée puis la rapidité pour trouver un médecin disponible, bien avant le risque d’être exposé au virus.
Selon un récent sondage*, 30 % des Français, sont prêts à y recourir plus souvent à l’avenir. Peut-on considérer que l’usage de la téléconsultation va enfin « décoller » ? Si oui auprès de quelles populations ?
Notre étude du mois de mai révèle que 56% des Français qui n’ont pas encore testé la téléconsultation pensent s’y mettre, c’est montre de l’intérêt des populations pour ce nouvel usage. De plus, 64% des Français, utilisateurs ou non souhaitent que le gouvernement poursuive les mesures d’assouplissement des remboursements pour développer encore davantage l’usage. Et cela indépendamment de leur âge, région ou de leur pathologie. La téléconsultation est bien sûr utile pour désengorger les salles d’attentes des activités médicales simples, allant du petit tracas de santé, au renouvellement d’ordonnance, jusqu’à l’analyse de bilan. Mais il apparait qu’elle est aussi très utile pour le suivi de toutes les maladies chroniques et même pour certaines spécialités pour lesquelles nous pensions que les rendez-vous physiques primaient. Je pense par exemples aux dermatologues ou aux gynécologues. Pour les premiers, le partage de photos suffit dans de très nombreux cas tandis que la gestion d’une infection urinaire en urgence s’est vue traitée bien plus rapidement grâce à la téléconsultation. Enfin, elle est aussi pour toutes les tranches d’âges. D’autant qu’avec la téléconsultation en officine ou réalisée par les infirmiers qui commence à prendre, les publics de prime abord moins digitalisés ou parfois vulnérables auront accès eux aussi à cet usage.
Certains acteurs du secteur de l’assurance complémentaire santé, proposaient déjà ce service à leurs assurés. Pensez-vous qu’à l’avenir, les services de téléconsultations, devront faire partie intégrante et systématique de l’offre servicielle dans le cadre d’une complémentaire santé ?
De la même manière que l’assurance complémentaire santé, Cegedim – Maiia proposait déjà des projets de téléconsultation avant avenant numéro 6 de la convention médicale de Septembre 2018. Notre vocation d’améliorer le parcours de soins a toujours été notre axe stratégique fort, tout comme les complémentaires. Néanmoins, cet avenant a permis de fait de rendre le modèle de téléconsultation plus « vertueux » et reconnu de la population, dans un cadre réglementaire remboursé par l’assurance-maladie. Cette évolution, boostée par l’éclairage de cette pratique via la Covid-19 offre l’opportunité d’une action mutuelle coordonnée avec des acteurs dédiés à la téléconsultation dont le focus est orienté avenant #6, et le rayonnement des complémentaires santé intégrant ce service dans son offre servicielle.
Assistera-t-on, en général, à un bond en avant de la téléconsultation proposée par les acteurs du secteur de l’assurance complémentaire santé ? Et en ce qui vous concerne, une position particulière ?
C’est justement grâce à l’évolution du modèle de remboursement de la téléconsultation que les complémentaires santé, en joignant leurs efforts au travers de partenariat avec des acteurs dédiés, qu’elles pourront proposer un meilleur service, avec une plus grande disponibilité des professionnels de santé et un accès aux soins facilité aux adhérents. Avec Maiia, il est possible de faire de la téléconsultation sans RDV, un médecin est disponible en moins de 3 minutes, et nous capitalisons sur un maillage territorial le plus fin possible en ajoutant au dispositif un accompagnement de la population par les pharmaciens d’officines et les infirmières. Et le télésoin est venu compléter ce dispositif effectué par les masseurs, les orthophonistes, les sages-femmes et les infirmières.
Est-ce que ce service, tel qu’il est proposé actuellement par les complémentaires santé va évoluer ? Si oui comment ?
Je pense qu’exposer cette approche via les complémentaires santé va nécessiter de l’éducation des adhérents. A mon sens, comme tous les acteurs de l’univers de la santé, les complémentaires devront jouer un rôle dans la numérisation ou digitalisation des usagers de la santé, les professionnels comme les patients. C’est en tout cas ma lecture dans le contexte de ce qui se dessine avec le programme gouvernemental Ma santé 2022. Ce service va très certainement évoluer pour permettre à tout un chacun de se l’approprier et de faciliter son accès et usage par les patients.
Le service de téléconsultation pourrait-il être utilisé hors champ du parcours de soins coordonné ? (Pour certains besoins spécifiques ou certaines situations). Si oui, les complémentaires santé pourraient-elle proposer ce service ?
Il convient de laisser les complémentaires se positionner sur le sujet, mais je pense effectivement que si une société comme Maiia respecte totalement le parcours de soins coordonnés, avec une notion forte du médecin traitant et du respect des organisations territoriales, certains cas d’usage justifient l’intervention de complémentaires santé, permettant d’offrir un dispositif serviciel complet, au plus grand nombre et pour un maximum de cas d’usages.
Est-ce que ce service va désormais s’installer durablement dans la chaine de valeur servicielle de l’assurance complémentaire santé et être utilisé par les assurés des acteurs du secteur de l’assurance ? Si oui, avec quel modèle économique ? L’inclusion à la garantie complémentaire santé, un autre modèle économique ?
Le modèle économique demeure encore à « cracker » parfaitement avec les complémentaires santé, néanmoins la coexistence de la pratique de la téléconsultation au sens « réglementaire » avec une approche additionnelle sur du hors parcours coordonné sur des cas d’usage définis, en inclusif dans les contrats, semblent tout à fait pertinents. Ce qui est certain aussi d’un point de vue économique, c’est que notre vision de la gestion du Tiers Payant intégrée dans notre process de facturation, avec une gestion simplifiée des remboursements RO/RC, apportera un énorme intérêt aussi bien pour le patient que pour les mutuelles dans le process de facturation de l’acte, et très différenciant de tout ce que l’on peut trouver auprès des autres acteurs du marché.
Comme dans beaucoup de nouvelles activités avec de très nombreuses offres et sociétés de services, ne va-t-on pas voir une concentration très forte sur ce type de service, et voir 2 ou 3 plateformes leaders « truster » la quasi-totalité de l’offre de services de téléconsultation ?
On peut s’attendre à un effet de concentration de ces services de téléconsultation, tout d’abord car le déploiement de telles plateformes nécessite un lourd investissement humain : on ne déploie pas un tel service sans accompagnement humain en matière de vente, paramétrage, formation-éducation des professionnels de santé mais aussi des patients, tout en restant à la pointe de la technologie. Le digital vendu par le digital uniquement est un vœu pieux non viable à ce stade. De plus, nous avons vu fleurir bon nombre de sociétés à l’appétit aiguisé par un potentiel de business, et ces dernières devront se rendre à l’évidence qu’il ne s’agit pas que d’être un expert du digital ou du marketing pour faire son « trou » sur le marché de la téléconsultation : ce qui fait le succès de Maiia, outre les éléments déjà exposés plus haut, c’est bel et bien notre compréhension parfaite du monde de la santé et de son évolution, trouvant appui sur les + de 100 000 professionnels de santé équipés en agenda et autres solutions informatiques de Cegedim. Nous avons coutume ici de parler d’éthique médicale dans la manière d’aborder la TLC, et cela nous réussit, c’est aussi ce qu’apprécient nos quelques 19 000 professionnels de santé et nos 1 600 pharmacies d’officines. Enfin, il faut se dire que la majorité des Français ne sont pas prêts à changer de médecin traitant. Il y a donc un effet « volume » à franchir pour qu’il y ait suffisamment de médecins pour en attirer d’autres et rassurer les patients. Il est clair qu’être une filiale de Cegedim nous aide sur ce point, car nous pouvons compter sur une entreprise qui accompagne déjà au quotidien 1 médecin sur 4 en France. C’est un atout critique que n’ont pas les pures players.
Avez-vous d’autres commentaires ?
Notre offre Maiia a été co-construite avec le corps médical, tenant compte des nouvelles structures de soins comme nous pouvons voir apparaitre les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) actuellement. C’est l’offre la plus complète et évolutive du marché, celle-ci s’envisageant dans un écosystème de services digitaux au service du patient et de ses professionnels de santé. Notre tropisme avec le monde de l’assurance via notre appartenance au groupe Cegedim fait de nous un partenaire de choix et unique pour les complémentaires santé qui souhaitent entrer dans l’aire 3.0 de la téléconsultation, mais aussi dans la télésanté au sens plus large, avec une roadmap orientée télésuivi et téléexpertise.
*OpinionWay, réalisé les 27 et 28 avril
Nous remercions Arnault Billy et vous rappelons que nous avons décidé de traiter ce sujet, dans les mois à venir, en particulier :

  • Une enquête spéciale sur le sujet de la téléconsultation et les enjeux de ce service pour le secteur de l’assurance
  • Une émission spéciale « La téléconsultation, dans la chaine de valeur de la complémentaire santé ? » sur Assurance TV (voir exemples)
  • Un dossier spécial dans le prochain magazine print « Dessine-Moi l’Assurance » adressé aux décideurs du secteur de l’assurance (voir le dernier numéro en format digital)

Par Jean-Luc GambeyVovoxx
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