Moins de distance et d’aversion pour la vente à distance ?

La période de confinement a été l’occasion d’une réflexion profonde sur son modèle économique, sa stratégie et les perspectives de son entreprise. Le secteur de la distribution d’assurances n’est pas épargné par cette crise dont les conséquences structurelles seront majeures.
Un phénomène a assez rapidement émergé dès les premières semaines de confinement : la prise de conscience très forte des acteurs que la distribution à distance devait être valorisée, repensée car primordiale dans l’évolution des comportements humains, et d’une manière générale dans la perspective éventuelle d’autres crises de ce type.
C’est ainsi que les demandes et les interrogations concernant la mise en place de processus de vente à distance (tous canaux confondus) se sont considérablement multipliées, les acteurs ayant aujourd’hui conscience que les investissements associés à ces canaux de distribution devaient être pertinents et significatifs pour être en mesure d’apprivoiser par ailleurs les contraintes réglementaires et les cibles.
Tous les secteurs de risque sont en réalité concernés et peuvent tirer profit des méthodes de communication à distance qui ont été mises à l’épreuve (et ont fait leur preuve !) pendant cette longue période de confinement.
Beaucoup ont découvert la visioconférence et utilisent désormais ces dispositifs simples pour remplacer le traditionnel « face-à-face », et pouvoir mettre en œuvre des processus de vente de qualité, interactifs qui associent pleinement la participation du client à la démarche de commercialisation.
Il en résulte, comme nous l’avions exprimé, que l’aversion et la défiance à l’égard des canaux de distribution à distance, et plus particulièrement de la vente par téléphone, sont globalement injustifiés et n’étaient que le reflet d’une qualité assez dégradée des dispositifs opérationnels, d’un manque d’investissement sur l’outillage associé, plus qu’une remise en cause du dispositif lui-même.
À l’aune de l’entrée en vigueur le 1er juillet 2020 de l’avis du CCSF, avalisé par l’ACPR, qui a fortement réglementé la vente par téléphone à un consommateur dans le cadre d’un démarchage à froid, il nous semble important de rappeler la réelle pertinence de ces canaux de distribution dans le monde de demain, sous la condition d’une prise en compte des cibles, de l’outillage et de la formation professionnelle.
Il est important de prendre en considération les cibles.
Au-delà de l’obligation légale instaurée depuis le 1er octobre 2018 par le dispositif de gouvernance des produits, la réflexion sur un canal de vente à distance, et plus particulièrement de la vente par téléphone ou par Internet, doit mettre le client et le produit au cœur du dispositif.
S’agissant tout d’abord du produit, la complexité du produit et son environnement réglementaire détermine bien entendu la création du tunnel de souscription, ou la rédaction du script dans l’hypothèse d’une vente par téléphone, dans la mesure où ce processus, systématiquement rédigé et très encadré, suit le dispositif réglementaire instauré par la législation en matière de délivrance d’informations et de conseils. Il apparaît donc évident que la commercialisation d’un produit affinitaire n’aura pas le même environnement de développement, que la commercialisation d’un produit d’assurance-vie ou d’investissement.
La conception d’un dispositif doit donc de façon prioritaire et très en amont adresser les problématiques réglementaires, avant les phases de développement.
S’agissant des clients, les réflexions menées par les autorités de contrôle mettent en évidence que les clients ne sont pas tous les mêmes, y compris au sein d’une même génération, ou catégorie socioprofessionnelle. L’âge, l’éducation, les facultés de compréhension et de concentration, la vulnérabilité sont des paramètres fondamentaux pour évaluer la clarté et l’exactitude de l’information donnée, obligation légale, mais surtout le gage d’un consentement éclairé qui ne remettra pas en cause l’engagement pris par le consommateur.
Nous constatons sur ce point une trop faible approche des acteurs économiques sur la définition des cibles de clientèle. Ce travail n’est pas simple c’est vrai, et ces sciences ne sont pas exactes, mais la réussite et la sécurité de ces canaux de vente nécessitent impérativement que des réflexions profondes soient menées pour permettre un accès aussi large que possible à des méthodes de vente, somme toute très sécurisantes.
C’est ainsi que nous avons constaté que l’introduction de la visioconférence dans la conversation téléphonique était un facteur sensoriel essentiel, pour capter l’attention d’un consommateur dont le niveau de compréhension ou d’écoute serait moindre.
Ce dispositif, qui peut être optionnel ou associé dans le parcours, permet le partage de documents qui peut avoir un aspect pédagogique fondamental pour l’approche technique des produits et l’éclairage du consentement ultérieur. Ces mécanismes de visioconférence peuvent être également associés aux souscriptions en ligne.
Il s’agit essentiellement d’associer dans le processus de vente une mécanique de mélange des sens, permettant aux clients de pouvoir aborder la conversation sur l’acquisition de produits d’assurance à la fois dans un contexte d’écoute, mais également de lecture, enfin de contact visuel direct « les yeux dans les yeux » avec un téléconseiller, qui pourra grâce à ces techniques modernes et parfaitement fiables, (elles se démontrent de jour en jour), apporter aux consommateurs le niveau d’information requis et nécessaire à l’expression d’un consentement éclairé.
S’agissant enfin de l’outillage, nous constatons enfin et peut-être grâce à cette crise, la prise de conscience de ce que les systèmes d’information nécessitent des investissements majeurs sur ce secteur d’activité, dont les outils restent très en-deçà des attentes en matière d’agilité et d’ergonomie. L’outillage est le socle d’un dispositif de vente à distance conforme. Il faut créer de l’agilité, permettre une adaptation permanente des livrables afin de pouvoir mener des actions correctives permanentes sur le suivi de ces dispositifs, qui justifient un suivi très soutenu.
Quant à la formation professionnelle, ne nous leurrons pas. Les progrès à réaliser sont gigantesques. L’introduction d’une obligation annuelle de formation continue constitue probablement une initiative pertinente pour envisager sur le moyen terme une professionnalisation des téléconseillers destinés à vendre des produits d’assurance par téléphone ou en face-à-face. Le niveau de maîtrise des produits d’assurance reste insuffisant pour favoriser une explication claire des enjeux d’un produit d’assurances. Il est donc important que les acteurs prennent conscience de l’importance des obligations de formation continue au sujet desquelles il ne s’agit pas de « cocher une case », en s’orientant vers des dispositifs au rabais.
Il s’agit au contraire de valoriser pleinement et d’évaluer de façon particulièrement sérieuse les progrès en termes de connaissance et d’expression orale des personnels en charge de la phase précontractuelle d’informations et conseils à destination des clients. Le tsunami que vit actuellement l’entreprise sur le risque de perte d’exploitation n’en est qu’un exemple criant. Car il s’agit avant tout d’un problème de compréhension et de formation.
Attention, l’avis du CCSF est en vigueur dès le 1er juillet prochain
Au-delà de tous ces constats qui amènent à investir beaucoup plus sur ces canaux de distribution, loin d’être nouveaux, mais qui prennent une dimension tout à fait particulière et fondamentale, rappelons que dans le secteur de la distribution au consommateur, le démarchage à froid est strictement encadré à compter du 1er juillet 2020 : le consommateur ne peut être appelé qu’à partir du moment où il a expressément donné son accord, la vente ne peut en aucun cas être réalisée en un temps.
Il faut impérativement que le consommateur ait reçu par écrit ou sur support durable la totalité de l’information précontractuelle lui permettant de prendre connaissance de l’environnement technique du produit et des risques associés.
Un rendez-vous téléphonique de souscription doit être pris avec l’accord du consommateur au minimum 24 heures après la réception des informations précontractuelles, et le consommateur ne peut donner son consentement qu’au travers de la signature d’un contrat par écrit ou par le biais d’un système de signature électronique.
La signature électronique reste mal ou peu utilisée : Il nous a semblé que certains la découvraient pendant cette période de confinement. Elle est un dispositif extrêmement fiable, en vigueur depuis une directive datant de 2006, et il est important aujourd’hui de pouvoir investir pour l’utiliser massivement dans la mesure où, dans l’état d’esprit d’un consommateur vulnérable (ou pas), la matérialisation du consentement à l’assurance et au contrat en général, est une étape fondamentale de la vente, si l’on veut éviter des taux de chute importants à savoir des renonciations massives qui majorent le coût d’acquisition et qui ne sont pas de nature à créer de la valeur.
Les crises sont toujours très anxiogènes et cette crise sanitaire ne nous a pas épargné. Mais elle est porteuse d’espoir et peut finalement créer énormément de richesses dans la capacité des hommes et des femmes à pouvoir inventer et oser. Les consommateurs, comme ceux qui les représentent, vont peut-être avoir une approche différente sur les processus de vente à distance et plus particulièrement de vente par téléphone, à l’aune d’un monde où la distanciation devient un mode de vie.
Isabelle Monin Lafin – Avocate associée – ASTREE AVOCATS

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