"La généralisation et la banalisation de la téléconsultation va limiter l’intérêt des initiatives des complémentaires santé"

Tout comme le télétravail, la téléconsultation médicale avait du mal à percer en France. La téléconsultation n’avait jamais vraiment rencontré le succès. Les téléconsultations représentent désormais une nouvelle manière de consulter. Dans le contexte Covid-19, il a été assoupli le recours à la téléconsultation, habituellement réservée au médecin traitant ou à un praticien déjà consulté en cabinet dans l’année précédente. Si la télémédecine était un choix « contraint », elle est probablement appelée à devenir une véritable solution pour les personnes isolées, les habitants de déserts médicaux, les expatriés et bon nombre d’autres personnes domiciliées en France,… . La téléconsultation va-elle connaître, après cette période, un essor et s’installer progressivement dans le parcours de soins (voire de santé…) ? Nous avons eu le plaisir d’interroger, à distance Guillaume Rosenwald, Directeur Assurances et Services du groupe MACSF
D’abord, d’un point de vue général, pensez-vous que « l’épisode sanitaire » lié au covid19, qui a permis un véritable usage de la téléconsultation par les Français, va enfin se développer durablement et s’installer dans le parcours de santé et/ou de soins des Français ? pour quelles raisons ?
Les nombreuses contraintes liées à cet épisode sanitaire majeur ont conduit à une très forte utilisation de la téléconsultation, y compris par des patients ou des professionnels de santé peu appétents au départ pour cette solution technique. Il y avait en effet, avant le confinement, un vrai scepticisme sur le fait que les consultations puissent être réalisées en majorité à distance : seulement 22% des professionnels de santé le pensaient et 39% des patients, selon une étude Ipsos réalisée pour la MACSF fin 2019.
L’engouement récent pour ce nouveau mode de consultation confirme une véritable appropriation, qui devrait perdurer au-delà de la crise ; d’autant plus que cette solution est techniquement fiable – à condition de choisir les bons outils et opérateurs – et permet une prise en charge simple, sécurisée, accessible avec un accès 4G ou internet.
En plus des médecins, ce sont les orthophonistes, les psychologues, mais aussi dans une moindre mesure, les kinésithérapeutes ou sages-femmes qui se sont massivement renseignés et se sont mis à la téléconsultation pendant le confinement. Beaucoup vont continuer à suivre des patients en téléconsultation car ils ont pu constater que l’avis médical rendu par téléconsultation permet d’apporter une réponse au patient dans la plupart des cas, en particulier pour un suivi de patient régulier, pour un patient souffrant d’une maladie chronique ou pour une pathologie simple d’un patient déjà connu, pour un renouvellement d’ordonnance ou encore pour un suivi post opératoire. Et lorsque la téléconsultation apparait inadaptée ou insuffisante, il est toujours possible d’organiser une consultation présentielle.
Selon un récent sondage*, 30 % des Français, sont prêts à y recourir plus souvent à l’avenir. Peut-on considérer que l’usage de la téléconsultation va enfin « décoller » ? Si oui auprès de quelles populations ?
Pendant le confinement, tous les segments de patients y ont eu globalement recours. Dans l’avenir, on peut penser que si les professionnels de santé l’adoptent, les patients l’adopteront aussi. Les actifs manquant de temps pour consulter, les patients ayant des difficultés à se déplacer mais aussi les habitants de zones peu pourvues en médecins, sont bien entendu les populations cibles. Mais, on peut imaginer que les personnes âgées en EHPAD, et autres lieux de vie, soient également concernées ; tout comme la médecine scolaire par exemple ou la médecine du travail. Le cas des expatriés est bien entendu à considérer, de nombreuses propositions de téléconsultation existant déjà.
Certains acteurs du secteur de l’assurance complémentaire santé, proposaient déjà ce service à leurs assurés. Pensez-vous qu’à l’avenir, les services de téléconsultations, devront faire partie intégrante et systématique de l’offre servicielle dans le cadre d’une complémentaire santé ?
Ce que proposent certains assureurs santé, c’est un service de consultation à distance pour les patients. Il ne s’agit plus de proposer l’outil de téléconsultation mais une prestation de consultation médicale, comme un réseau de dentistes ou d’opticiens. Ce n’est pas du tout la philosophie de la MACSF de proposer ce genre de service à nos assurés santé. Nous sommes pour le libre choix du soignant. En revanche, la MACSF accompagne les professionnels de santé et leur simplifie l’exercice de la téléconsultation, d’une part, en leur proposant une couverture adaptée en assurance de responsabilité civile professionnelle et d’autre part, par le biais de son partenariat avec LEAH, opérateur de téléconsultation.
Assistera-t-on, en général, à un bond en avant de la téléconsultation proposée par les acteurs du secteur de l’assurance complémentaire santé ? Et en ce qui vous concerne, une position particulière ?
Nous considérons que c’est aux professionnels de santé de prendre l’initiative et de choisir dans quel cas il est pertinent de faire de la téléconsultation et avec quels patients.
Est-ce que ce service, tel qu’il est proposé actuellement par les complémentaires santé, va évoluer ? Si oui comment ?
La généralisation et la banalisation de la téléconsultation va limiter l’intérêt des initiatives des complémentaires santé. Les patients préféreront faire de la téléconsultation avec leur médecin ou professionnel de santé habituel, quelqu’un qu’ils ont déjà rencontré, qui les suit ou qu’ils choisiront.
Le service de téléconsultation pourrait-il être utilisé hors champ du parcours de soins coordonné ? (Pour certains besoins spécifiques ou certaines situations). Si oui, les complémentaires santé pourraient-elle proposer ce service ?
Il n’y a pas la volonté, à la MACSF, de court-circuiter les professionnels de santé ou de modifier les parcours de soins. La téléconsultation est un outil à disposition du professionnel de santé qui le gérera comme il l’entend. Ce service sera donc proposé directement par les professionnels de santé concernés et pris en charge par les complémentaires santé suivant le contrat souscrit par le patient.
Est-ce que ce service va désormais s’installer durablement dans la chaine de valeur servicielle de l’assurance complémentaire santé et être utilisé par les assurés des acteurs du secteur de l’assurance ? Si oui, avec quel modèle économique ? L’inclusion à la garantie complémentaire santé, un autre modèle économique ?
Les fournisseurs du service de téléconsultations trouvent actuellement leur propre modèle économique. Certains assureurs, comme la MACSF, avec LEAH, sont investisseurs dans cette activité pour favoriser son développement. Par ailleurs, la téléconsultation pourra être un facteur d’économie, en particulier de forfaits transport. Il faudra également regarder si des personnes qui se privaient de l’accès aux soins pour des raisons de manque de disponibilité ou d’éloignement, se mettent à consulter à nouveau des médecins ou des paramédicaux grâce à ce système.
Comme dans beaucoup de nouvelles activités avec de très nombreuses offres et sociétés de services, ne va-t-on pas voir une concentration très forte sur ce type de service, et voir 2 ou 3 plateformes leaders « truster » la quasi-totalité de l’offre de services de téléconsultation ?
Ce qui est important, c’est que la concurrence subsiste et qu’un seul acteur ne soit pas dominant. L’offre actuelle est en effet variée, riche, mais aussi complexe, fruit d’une forme de compétition afin d’offrir aux patients et professionnels de santé différentes solutions techniques. Il est certain que l’appropriation va évoluer, avec par conséquence des solutions plébiscitées et d’autres ayant davantage de difficultés. Cela va conduire à des regroupements, à la disparition de certaines solutions ou à leur évolution. L’avenir nous le dira, mais dans ce domaine la compétition sera passionnante à suivre.
*OpinionWay, réalisé les 27 et 28 avril
Nous remercions Guillaume Rosenwald et vous rappelons que nous avons décidé de traiter ce sujet, dans les mois à venir, en particulier :

  • Une enquête spéciale sur le sujet de la téléconsultation et les enjeux de ce service pour le secteur de l’assurance
  • Une émission spéciale « La téléconsultation, dans la chaine de valeur de la complémentaire santé ? » sur Assurance TV (voir exemples)
  • Un dossier spécial dans le prochain magazine print « Dessine-Moi l’Assurance » adressé aux décideurs du secteur de l’assurance (voir le dernier numéro en format digital)

Par Jean-Luc GambeyVovoxx
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