Adopté en 2016 et pleinement applicable depuis 2018, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) ne cesse d’alimenter les débats autour de sa charge administrative pour les entreprises, notamment les petites structures.
Mais selon une étude récente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), son impact économique net serait largement positif en matière de cybersécurité. Le régulateur estime que le RGPD aurait permis d’éviter entre 90 et 219 millions d’euros de pertes économiques en France, principalement liées aux usurpations d’identité.
Dans un contexte de hausse des sinistres numériques, cette étude fournit des éléments tangibles permettant de repositionner le RGPD non seulement comme un cadre réglementaire, mais aussi comme un outil de protection du patrimoine informationnel des entreprises. Un enjeu majeur pour le secteur de l’assurance, qui doit adapter ses offres à l’évolution des risques numériques.
Une diminution significative des usurpations d’identité
La méthodologie retenue par la Cnil repose sur une analyse des effets induits par les notifications obligatoires de violation de données, exigées par le RGPD. Depuis l’entrée en vigueur du texte, ces obligations auraient entraîné une baisse de 2,5 à 6,1 % des cas d’usurpation d’identité en France. En croisant ces chiffres avec les coûts moyens liés à ces fraudes, l’autorité estime les économies générées à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros, dont 82 % seraient directement profitables aux entreprises.
Cette réduction s’explique notamment par une amélioration de la gouvernance des données personnelles, une meilleure réactivité face aux incidents de sécurité et une sensibilisation accrue des acteurs économiques à leurs obligations. Des leviers qui renforcent également la capacité des entreprises à obtenir des conditions plus favorables sur le marché de la cyberassurance.
Des bénéfices indirects encore peu quantifiés
L’étude ne prétend pas dresser un panorama complet des gains induits par le RGPD. La Cnil reconnaît qu’il est difficile de mesurer précisément l’ensemble des retombées positives du règlement, notamment sur le long terme. Néanmoins, plusieurs articles du texte européen, comme l’article 32 imposant des mesures de sécurité (chiffrement, pseudonymisation, etc.), ont permis de réduire la gravité des violations de données.
La Cnil s’appuie également sur les données du rapport IBM Cost of a Data Breach 2023, qui indique qu’un usage systématique du chiffrement permet de réduire en moyenne de 5 % le coût d’une faille de sécurité. Par ailleurs, les principes de minimisation des données et de limitation de leur conservation limitent mécaniquement l’exposition des entreprises à des risques de grande ampleur, favorisant ainsi une gestion durable de l’information.
Une valorisation stratégique de la conformité dans l’assurance
Pour les professionnels du secteur de l’assurance, cette étude invite à reconsidérer le RGPD sous l’angle de la prévention des sinistres. Le respect des exigences réglementaires peut devenir un indicateur de maîtrise des risques numériques, à intégrer dans les démarches de tarification ou d’évaluation de la maturité cyber des assurés. Il s’agit aussi d’un levier stratégique dans la relation client, alors que la confiance devient un critère essentiel dans le choix des services numériques.
Dans un environnement marqué par l’explosion des menaces hybrides, la conformité au RGPD pourrait devenir un prérequis incontournable pour accéder à certaines garanties ou produits de couverture. D’autant plus que la montée en puissance de normes supplémentaires, telles que la directive européenne NIS 2 sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information, renforce l’alignement entre cadre juridique, innovation technologique et besoins assurantiels.
Une réglementation au service de la résilience collective
Alors que certains appellent à un allègement des obligations du RGPD pour soulager les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), l’analyse de la Cnil rappelle que ce cadre peut produire des effets macroéconomiques bénéfiques. En réduisant la fréquence et la gravité de certains incidents, il agit comme un filet de sécurité collectif au sein de l’économie numérique.
Pour les acteurs de l’assurance et de la protection des données, cette étude confirme que la réglementation ne constitue pas un frein à l’activité, mais peut au contraire en devenir une composante essentielle de la résilience organisationnelle.