Face à l’incertitude économique et politique, les Français renforcent leur prudence en matière d’épargne, expriment un pessimisme grandissant sur leur retraite, et se divisent sur la question de l’investissement dans la défense nationale.
La septième édition du « Baromètre de l’Épargne en France » a été réalisé par l’Ifop pour Altaprofits, dans un environnement particulièrement mouvementé : une instabilité politique doublée de contraintes budgétaires sévères en France, et un climat d’incertitude mondiale nourri par les tensions géopolitiques et la guerre commerciale engagée par le président Trump depuis janvier. Selon les résultats de cette enquête, la prudence demeure une constante majeure chez les Français en matière d’épargne.
Prudence : le maître mot
83 % des interrogés affirment placer régulièrement de l’argent. Dans le détail, 65 % des personnes déclarent mettre de l’argent de côté au moins une fois tous les six mois, un chiffre inchangé depuis 2024 ; 36 % le font même chaque mois, là encore sans évolution. En revanche, 13 % reconnaissent ne jamais épargner, soit une hausse de 8 points par rapport à 2024, sans doute liée à la perception d’un contexte économique plus difficile révélée par les dernières enquêtes Ifop.
La grande majorité des répondants a déclaré privilégier des produits sans risque, même s’ils sont faiblement rémunérés. Deux produits demeurent les favoris des épargnants : les livrets réglementés (Livret A, LDDS, PEL, etc.) recueillent toujours l’adhésion de 75 % d’entre eux, et les contrats d’assurance-vie ou de capitalisation séduisent 24 % des personnes interrogées. En parallèle, 12 % placent leur argent dans un Plan d’Épargne en Actions (PEA), 12 % dans un Plan d’Épargne Retraite (PER) et 3 % dans des Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI) — des niveaux restés stables d’une année sur l’autre.
Cette frilosité à l’égard du risque est particulièrement prononcée chez les femmes (76 % contre 69 % chez les hommes), qui manifestent moins d’intérêt pour les placements potentiellement plus rentables mais risqués, comme les Plans Épargne en Actions (PEA).
Dans les Pays de la Loire, l’épargne est particulièrement ancrée : 74 % des habitants mettent de l’argent de côté au moins tous les six mois, soit 9 points de plus que la moyenne nationale. En Île-de-France, les épargnants affichent une plus grande appétence pour le risque : 21 % choisissent des produits au rendement espéré plus élevé (+5 pts) et 29 % ont souscrit un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation (+5 pts), un comportement sans doute favorisé par des revenus supérieurs et une proportion importante de cadres. À l’inverse, les Normands se montrent très prudents : 84 % placent leur argent sur des produits sans risque et à faible rendement, soit onze points de plus que la moyenne nationale.
« Derrière l’image d’épargnant “bon père de famille” raisonnable, une forte aversion au risque perdure en matière d’argent ; cette aversion au risque est encore plus marquée chez les femmes. C’est un marqueur fort des comportements d’épargne des Français », explique Catherine Baudeneau, Directrice Marketing Offre et Communication d’Altaprofits.
Épargner pour sa retraite
La retraite constitue une autre source majeure d’inquiétude. Bien que la réforme adoptée en 2023 soit toujours disputée par plusieurs forces politiques, syndicats et organisations patronales planchent à huis clos sur des pistes d’amélioration, maintenant ainsi le sujet au cœur du débat public. Dans ce contexte, seuls 28 % des actifs conservent encore une confiance totale dans le système par répartition, en baisse de 11 points en seulement cinq mois. En parallèle, près des trois quarts d’entre eux (72 %) craignent une baisse significative de leur niveau de vie à la retraite, particulièrement les femmes et les personnes peu diplômées.
Pour compenser cette incertitude, le Plan Épargne Retraite (PER) gagne en popularité : un actif sur trois (34 %) se dit prêt à ouvrir un Plan d’Épargne Retraite, tandis que 19 % en détiennent déjà un ; au total, 53 % sont donc conquis par ce produit, qu’ils l’aient déjà souscrit ou envisagent de le faire. Et si la part des intentionnistes recule sensiblement (-7 pts), celle des détenteurs progresse de 5 points par rapport à l’an passé.
Cependant, les obstacles demeurent nombreux : près de la moitié des actifs (47 %) restent réticents. Pour 33 % d’entre eux, d’autres priorités financières — finir le mois, rembourser un prêt ou alimenter un PEL — priment toujours, même si cette proportion recule légèrement par rapport à avril 2024 (36 %). Viennent ensuite les modalités jugées trop contraignantes : 29 % reprochent au produit de bloquer l’épargne jusqu’à la retraite, tandis que 25 % estiment que l’avantage fiscal annoncé n’est pas assez convaincant. Un actif sur quatre (23 %) considère qu’il est désormais trop tard pour se lancer, un sentiment particulièrement marqué chez les plus de 50 ans (43 %). Par ailleurs, 22 % avouent ne pas encore se projeter ou se trouver insuffisamment renseignés, un doute qui touche 33 % des moins de 35 ans. Dans des proportions plus modestes et stables, 16 % préfèrent d’autres placements (assurance-vie, SCPI…), 10 % peinent à comprendre le fonctionnement du PER, 7 % misent sur la pérennité du système de retraite par répartition, et 10 % ne formulent aucune raison précise.
Investir dans la Défense ?
En écho à la décision européenne de reconquérir son autonomie en matière de défense, le gouvernement français a annoncé en mars la création prochaine d’un fonds de capital-investissement dédié au soutien de l’économie de défense nationale. Après avoir présenté ce projet, le questionnaire du sondage 2025 a intégré trois questions spécifiques pour mesurer l’opinion sur ce sujet brûlant.
L’idée d’investir dans l’économie de la défense nationale divise nettement : 29 % des Français envisagent cette option, motivés surtout par un sentiment citoyen ou par une inquiétude accrue face aux tensions internationales. Cette perspective attire davantage les hommes, les jeunes adultes et les cadres franciliens, mais elle est rejetée par 71 % des Français.
Près d’un quart des répondants (24 %) estiment que le financement de la défense relève exclusivement de l’État et de l’impôt. 18 % redoutent les risques financiers associés à ce type de placement, tandis que 14 % invoquent des objections éthiques et 12 % jugent la durée d’immobilisation ou le ticket d’entrée incompatibles avec leurs besoins d’épargne.
Comme l’explique Catherine Baudeneau : « L’orientation de l’épargne privée pour le financement de la défense nationale suscite des réactions hétérogènes et marquées, du sentiment de devoir citoyen jusqu’au refus pour raisons éthiques. C’était un domaine plutôt exclu des offres financières jusqu’à aujourd’hui et il faudra de la pédagogie ainsi que de la transparence sur le sujet. »