Ehpad et crèches : la privatisation en question

Au 3e Sommet de la mesure d’impact, Eric Chenut a alerté sur les dérives du secteur lucratif dans la santé et le médico-social. Il plaide pour une régulation renforcée, privilégiant la qualité et l’intérêt général.

Lors du 3e Sommet de la mesure d’impact organisé le 16 mai dernier au Conseil économique, social et environnemental (Cese), Eric Chenut, président de la Mutualité Française, a exprimé des réserves concernant l’implication croissante des entreprises privées lucratives dans les secteurs des Ehpad et des crèches. Selon lui, cette financiarisation détériore le système de soins et menace la cohésion sociale.

À travers une table ronde intitulée « Ehpad, hôpitaux, crèches : lucratif ou non lucratif ? », le débat sur l’influence du privé lucratif dans ces domaines sensibles a été relancé. Le journaliste Victor Castanet, auteur des ouvrages « Les fossoyeurs » et « Les ogres », a notamment pointé les dérives du secteur lucratif, telles que l’optimisation abusive des coûts, la réduction des effectifs, et même des cas de détournements de fonds publics. Il souligne que ces pratiques affectent négativement l’image de secteurs pourtant essentiels.

Luc Broussy, président de France Silver Eco, a nuancé ces propos, rappelant qu’il n’existe pas de lien automatique entre statut juridique et qualité des soins. Pour lui, tous les types d’établissements cherchent à équilibrer leur budget, mais ce sont les méthodes utilisées qui doivent être scrutées attentivement.

Eric Chenut a pour sa part insisté sur le changement profond qui a transformé le secteur privé lucratif : « Les acteurs privés lucratifs gagnaient de l’argent en soignant. Maintenant, ils soignent pour gagner de l’argent », a-t-il souligné. Il cite notamment l’exemple de la biologie médicale, où l’absence d’encadrement des profits et le manque d’investissement public ont favorisé l’émergence d’acteurs privés guidés principalement par le gain. À ce titre, Luc Broussy a rappellé que cette situation est encore plus marquée à l’étranger, avec une privatisation massive des Ehpad en Espagne (80%) et au Royaume-Uni (près de 90%). En France, bien que ce taux soit plus bas (23%), les pratiques commerciales agressives de certains acteurs posent quand même problème.

Face à cette réalité, Jean-Marc Borello, président du groupe SOS, a quant à lui appelé à privilégier une approche basée sur l’intérêt général, soulignant l’urgence de solutions face à la démographie vieillissante. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité d’une complémentarité entre Ehpad, soins à domicile et résidences adaptées.

Concernant les crèches, Victor Castanet a déploré un abaissement des critères de qualité dû au manque de financement public, poussant certaines collectivités à choisir des offres à bas coût, négligeant sécurité et hygiène. Pour remédier à ces dérives, Eric Chenut a proposé un renforcement des critères d’attribution des agréments, intégrant davantage l’égalité d’accès, la qualité des soins et les conditions de travail, plutôt qu’une sélection axée uniquement sur le prix. Il préconise notamment la mise en place de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) plutôt que de simples délégations de service public.

Eric Chenut a conclu sur une nécessité impérieuse : « Il faut prioriser l’humain, plutôt que la privatisation des gains ». Une déclaration qui résume clairement l’enjeu central du débat actuel.

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