Au Maroc, une future assurance dédiée aux cyber-risques

Lors du Rendez-vous de Casablanca de l’assurance, la ministre Nadia Fettah a annoncé l’élaboration d’une offre d’assurance dédiée aux cyber-risques, dans un contexte de numérisation accélérée et de vulnérabilités croissantes.

Face à la montée en puissance des attaques informatiques, le Maroc entend se doter d’un outil de protection structurant : une offre d’assurance contre les cyber-risques, actuellement en phase de développement. L’annonce a été faite par Nadia Fettah, ministre de l’Économie et des Finances, à l’occasion de la 11ᵉ édition du Rendez-vous de Casablanca de l’assurance, événement de référence du secteur dans la région.

Cette initiative s’inscrit dans une vision stratégique globale d’adaptation du secteur de l’assurance aux nouveaux risques systémiques. À l’heure où les algorithmes, les données et les intelligences artificielles reconfigurent en profondeur les métiers, les infrastructures et les modèles économiques, cette avancée place le pays dans une dynamique de résilience numérique, en écho aux grands chantiers de transformation digitale observés dans les économies émergentes.

Cyber-assurance : un marché en mutation rapide

La multiplication des ransomwares et des attaques ciblées pousse les assureurs à accélérer l’innovation. En 2022, plus de 80 % des grands groupes d’assurance dans le monde ont été exposés à des cyberattaques. Le cas récent de la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale) au Maroc a mis en lumière la nature systémique de ces menaces. Dans ce contexte, proposer une couverture dédiée devient un impératif, non seulement pour les entreprises mais aussi pour les institutions et les particuliers.

Le projet marocain vise à créer un environnement de confiance numérique, où la donnée personnelle est considérée comme un actif patrimonial à protéger. Il s’agit également de poser les bases d’un cadre assurantiel qui favorise l’inclusion financière et la protection des plus exposés, en particulier les TPE (très petites entreprises), les agriculteurs et les acteurs de l’économie informelle.

L’équilibre entre personnalisation des risques et solidarité

Dans son discours, Nadia Fettah a insisté sur l’importance de préserver la mutualisation des risques face à la segmentation croissante permise par l’intelligence artificielle. Si les algorithmes permettent d’affiner la connaissance client et d’optimiser les parcours assurantiels, ils peuvent aussi engendrer une logique d’exclusion pour les profils les plus vulnérables. La ministre appelle donc à un encadrement éthique des usages de la technologie : « au-delà des algorithmes, ce sont des choix humains qui doivent guider notre action ».

Ce message fait écho aux préoccupations croissantes des professionnels du secteur quant à la gouvernance algorithmique et à l’impact des données sur l’équité dans l’accès aux produits assurantiels. Pour les assureurs, il s’agit d’un enjeu de confiance, mais aussi de pérennité du modèle collectif.

Technologie, inclusion et anticipation des catastrophes

Le Maroc mise sur l’IA pour rendre l’assurance plus accessible. À l’image d’initiatives déployées dans d’autres régions du monde – comme aux États-Unis ou au Kenya – où les technologies ont permis de réduire les délais de traitement des sinistres ou d’ouvrir l’assurance santé à des millions de personnes via mobile, le Royaume s’engage dans une logique d’innovation inclusive, ciblant notamment les femmes, les jeunes et les populations rurales.

L’annonce ministérielle s’inscrit également dans un contexte marqué par des événements climatiques extrêmes, qui touchent régulièrement le pays : inondations, sécheresses, séismes. La ministre souligne l’intérêt de développer des outils comme l’assurance paramétrique, qui permet une indemnisation automatique dès que certains seuils sont atteints. Une approche particulièrement pertinente pour les populations exposées à des chocs soudains et difficiles à absorber financièrement.

Un socle solide pour une modernisation accélérée

Le Maroc ne part pas de zéro. Le pays a déjà mis en place un cadre réglementaire modernisé, des centres de données certifiés et un appui fort à l’innovation, notamment via le programme Innov Invest. Ces fondations ont permis, par exemple, à la microassurance d’atteindre plus de 2,3 millions de contrats en 2024. Un signal fort de la capacité du pays à intégrer les nouvelles dynamiques assurantielles dans ses politiques publiques.

Pour autant, la ministre rappelle que cette base doit être consolidée et étendue, à travers une approche proactive, fondée sur l’anticipation, l’adaptabilité et l’innovation continue. La future assurance cyber devra ainsi s’inscrire dans une stratégie plus large de protection numérique du patrimoine national, en lien avec les défis géopolitiques, climatiques et technologiques du XXIe siècle.

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