Un projet européen censé renforcer la transparence financière divise profondément. Loin d’être perçu comme un progrès, il ravive les craintes sur la protection des données et l’avenir du modèle assurantiel.
Le projet de règlement FiDA (Financial Data Access), présenté par la Commission européenne le 28 juin 2023, entend donner aux consommateurs le contrôle sur leurs données financières et assurantielles. Il vise à stimuler l’innovation, accroître la transparence et favoriser la concurrence en permettant à de nouveaux acteurs – fintechs, plateformes numériques, comparateurs – d’accéder aux informations aujourd’hui détenues par les banques et les assureurs. Dans la continuité de l’open banking, il ambitionne d’offrir aux consommateurs des services plus adaptés et une meilleure visibilité sur leurs offres financières.
Pourtant, loin d’être accueilli comme une avancée, ce projet suscite de vives résistances, notamment en France. Un sondage Macif-Kantar révèle une opposition massive des citoyens : près de 85 % font confiance à leur assureur actuel, mais se méfient des autres acteurs susceptibles d’exploiter leurs données. En toile de fond, la crainte d’une dérégulation qui fragiliserait la solidarité du modèle assurantiel.
Un partage des données sous haute tension
Les promesses offertes par le projet du règlement FiDA ont un revers. Une large majorité de Français rejette cette ouverture :
- 75 % refusent que leurs données de santé soient partagées.
- 65 % rejettent toute transmission de leurs informations financières.
- 64 % refusent le partage de leurs données personnelles.
- Seuls 9 % se disent favorables à l’ouverture des données, et uniquement sous conditions strictes.
L’ombre des GAFAM plane sur ce projet, alimentant la crainte d’une exploitation commerciale massive. Qui garantira que ces données ne seront pas revendues ou utilisées pour ajuster des tarifs de manière plus stricte ? « La mutualisation repose sur la confiance et la solidarité. Ce projet, mal encadré, risque de briser ces principes fondamentaux », alerte Jean-Philippe Dogneton, directeur général de la Macif.
La fin d’un modèle basé sur la solidarité ?
Aujourd’hui, l’assurance repose sur la mutualisation des risques et l’ouverture des données pourrait changer la donne. En donnant accès à des informations précises sur les profils des assurés, FiDA pourrait inciter les assureurs et les nouveaux entrants à sélectionner les clients les moins risqués, laissant les plus vulnérables face à des primes plus élevées, voire une impossibilité de s’assurer.
Le sondage Macif-Kantar met en lumière l’importance de la solidarité pour les Français :
- 58 % considèrent que la mutualisation des risques est essentielle.
- Ce chiffre grimpe à 73 % dans les zones à risques.
- Mais 52 % des Français se disent favorables à des tarifs strictement individualisés.
Cette contradiction souligne un paradoxe : si la personnalisation des tarifs séduit une partie des Français, elle pourrait pourtant fragiliser les fondements de la solidarité assurantielle. Les assureurs espèrent une renégociation de ce règlement.