Ils sont à peine partis que déjà les voilà de retour : les salariés « boomerang », ces talents qui quittent leur entreprise pour mieux y revenir après quelques années plus tard. Un phénomène en augmentation depuis la grande démission.
Depuis 2022, le monde du conseil en stratégie observe une tendance intéressante : le phénomène des salariés « boomerang ». Cela désigne des consultants qui, après avoir quitté leur poste pour de nouvelles expériences, reviennent finalement dans leur cabinet initial. Ce mouvement contraste avec le « big quit », phénomène où de nombreux employés décident de rompre définitivement avec leur société. Les motivations derrière ces retours sont variées et souvent liées à des désirs d’évolution, que ce soit en termes de responsabilités, d’expositions sectorielles ou géographiques, et de salaires.
Désir d’évolution
Jean-Thomas Ledoré a initialement rejoint PwC après ses études, mais a décidé de partir pour EY après cinq ans. Rapidement identifié comme un « profil fast-track à haut potentiel », il accède au poste de manager en moins de trois ans, puis devient senior manager. Malgré son respect et son admiration pour un associé de PwC qu’il considère comme un mentor, il est attiré par la perspective de traiter de nouveaux sujets et de collaborer avec d’autres partenaires. Deux ans après son arrivée chez EY, il saisit l’opportunité de rejoindre le groupe Cémoi, un acteur majeur du chocolat sous marques distributeurs, où il intègre le comité exécutif en tant que directeur de la Stratégie et du M&A à l’âge de 29 ans.
Pendant son temps chez Cémoi, il a fréquemment collaboré avec des consultants, notamment de PwC pour le rachat de Cémoi par le groupe Sweets Products. Deux ans après cet événement, lors d’une rencontre informelle, un ancien conseiller de PwC lui révèle les projets de développement de Strategy& dans les secteurs de la consommation et du détail. Séduit par l’envie de retrouver l’excitation et les défis intellectuels du conseil, il décide d’entamer des discussions pour un retour.
L’expérience accumulée à l’extérieur est vue comme un atout majeur. Jean-Thomas Ledoré de Strategy& souligne que « disposer de profils passés par des comex en corporate, mixés à des profils pure strat/cabinet, apporte, me semble-t-il, une vraie plus-value. » Cette combinaison enrichit tant la performance que la dynamique du cabinet.
L’appel de l’étranger
Guillaume Poutrel, quant à lui, a été motivé par l’idée d’aller vivre à l’étranger. À l’époque senior manager, il fait une pause dans sa carrière de conseil en stratégie pour explorer de nouveaux domaines, principalement axés sur la durabilité, avec un projet pour la métropole de Vancouver. Après cette expérience, il a exprimé le désir de « refaire du conseil » en France, citant le format, l’impact et l’environnement du travail de consultant comme raisons de son retour.
Il prévient contre l’idéalisation excessive des retours et souligne l’importance des efforts d’adaptation nécessaires. Pour lui, chaque retour implique de considérer le début d’un « nouveau cycle ». Il est essentiel que ce nouveau chapitre apporte une valeur ajoutée significative au consultant. Dans son cas, « la promesse d’ADL avait bien changé entre 2018 et 2022, le cabinet ayant quasiment triplé de taille et comportant de nouvelles têtes, de nouveaux secteurs – un nouveau souffle ». Entre temps, chaque partie a évolué : « Le consultant boomerang doit être bien informé des évolutions ayant eu lieu en son absence », confirme ADL par la voix de son managing partner France Matteo Ainardi. Sur le plan individuel, « il faut prévoir une révision de sa boussole pro/perso. Et discuter en amont d’une période de remise en jambes » confirme Guillaume Poutrel.
Diversifier ses compétences
Un troisième consultant, préférant rester anonyme, raconte avoir été attiré par un cabinet spécialisé dans les services financiers après avoir été démarché par un chasseur de têtes. « Au cours des deux dernières années, je me suis principalement concentré sur les services financiers. J’ai reçu une proposition pour intégrer un cabinet spécialisé dans ce domaine. L’opportunité de travailler avec des partenaires experts en la matière m’a séduit. C’était également une chance de me mettre à l’épreuve dans un nouvel environnement. » se confie-t-il.
Pendant son éloignement, notre troisième témoin a maintenu un lien étroit avec son ancien employeur, tant sur le plan personnel que professionnel. Alors qu’il occupait un poste de senior manager dans le cabinet spécialisé en services financiers, il s’est trouvé impliqué dans des projets captivants, notamment des fusions d’établissements bancaires. Cependant, il ne se retrouvait pas pleinement dans d’autres aspects de son rôle. Lorsque son ancien employeur a lancé son plan stratégique, des discussions avec les partenaires lui ont offert une chance de retourner au cabinet pour aider à développer le secteur des services financiers. S’il est à nouveau partie cela s’explique par des changements personnels : il a fondé une famille et vit maintenant dans le sud-ouest, ce qui le pousse à privilégier un mode de travail entièrement à distance.