Karim Irouche « l’assurance doit bousculer ses pratiques existantes »

FINARE, groupe diversifié compte aujourd’hui plus de 1 200 salariés. Ses métiers s’organisent autour de trois pôles d’activités : les services, les placements et l’assurance – activité historique du groupe.

Jean-Luc Gambey a conversé avec Karim Irouche son Président Directeur Général.

Bonjour Karim Irouche, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Karim Irouche : J’ai 54 ans, je suis marié et j’ai deux enfants. J’ai une maîtrise de gestion financière et un DESS. Hormis une parenthèse d’une petite année, j’ai toujours été entrepreneur en commençant à développer une petite chaîne de magasins de fruits et légumes, avec mes frères. Cette activité professionnelle était très dure et je me suis réorienté ; une parenthèse d’un an en tant que responsable financier d’un cabinet de courtage en assurance. Ensuite, ma passion d’entrepreneuriat a pris le dessus, j’ai créé ECA, puis FINARE en 1995 pour faire du courtage très traditionnel. En 1999 nous lançons notre premier site internet, notre première publicité sur Yahoo et altavista. Nous recevons quasi instantanément des demandes de contrats ! Dès le début, nous sommes convaincus qu’Internet révolutionnera le secteur.

Vous êtes un homme engagé ?

KI : L’engagement humain, c’est mon histoire. C’est l’histoire d’un fils d’immigré qui a des parents qui ne savent ni lire ni écrire, et qui réussit grâce à l’école de la République. Mon engagement est de transmettre.  J’essaye d’avoir un engagement social, par exemple pour l’accès à l’école publique dans les quartiers défavorisés.

Je m’engage au niveau associatif. D’ailleurs la seule chose qui me ferait changer de métier, serait un engagement fort dans l’éducation des personnes défavorisées. Au-delà de l’école publique, il y a l’école de l’endurance.

Je cours beaucoup, ce matin je me suis entraîné pour les 20 kilomètres de Paris. J’ai fait quinze kilomètres à six heures du matin. J’aime beaucoup le rugby et le football. Cela me ramène à l’entreprise ou le collectif doit savoir relever des challenges, savoir mener des sprints, mais surtout être patient et résistant.

Revenons au début des années 2000 ?

KI : Dès 2002, nous avons déployé notre site internet. Très vite également, nous avons la volonté d’avoir nos propres produits et notre propre gestion. Et surtout, nous avons compris qu’il y aurait de vrais sujets : la standardisation des offres, les coûts, mais aussi la connaissance clients et le traitement des données.

Ensuite, nous avons continué de développer notre système d’information, nous avons créé de nombreux produits, dont l’assurance habitation, l’assurance auto, l’assurance santé, et même l’assurance pour les animaux. Nous avons créé également une structure au Maroc, pour générer des contacts pour les entreprises du secteur de l’assurance.

En 2013, nous avons vécu le « printemps arabe » avec à l’époque 250 collaborateurs au Maroc, et nous craignions que la situation se détériore. Heureusement, rien de grave dans ce pays, mais nous avons constaté un problème de gestion des relations à distance dans nos centres d’appels. La gestion n’était pas optimale. Simultanément nous avons réalisé que les plateformes d’appels, leaders du secteur, étaient probablement excellentes en termes de processus, mais très faibles en termes de connaissance métier. Nous avons décidé de développer cette activité exclusivement pour le compte de tiers.

Ensuite vers 2016, nous constatons que le marché de l’assurance évolue rapidement, que la conformité devient de plus en plus importante, que les compagnies d’assurance deviennent de plus en plus grandes, et que les délais de mise sur le marché des produits s’allongent. Nous décidons de créer notre propre compagnie d’assurance. C’était audacieux et avons mis trois ans pour la mettre en place.

Aujourd’hui, elle est opérationnelle en France. Notre modèle d’assurance est bien maîtrisé, de la création du contact à la maîtrise du motif de résiliation. Nous tentons une aventure similaire dans le domaine de l’épargne en rachetant une société de gestion d’actifs.

En tant que dirigeant, il y a-t-il des choses qui vous énervent ?

KI : Il y a deux choses qui m’agacent fortement. Aujourd’hui dans l’ensemble, les compagnies d’assurance ne font pas leur travail. Elles ne sont devenues que des « usines financières »,… c’est pour cette raison que nous avons créé une compagnie d’assurance. La seconde est que je pense que nous avons des confrères courtiers qui, parfois, ne prennent pas leurs responsabilités. C’est notamment l’une des raisons de mon engagement syndical.

Passons maintenant à quelques convictions, quelques visions ?

KI : Le changement majeur de ces dix prochaines années est que le produit d’assurance, aujourd’hui standard, n’aura plus vraiment d’importance. Ce qui restera, c’est les interactions avec les clients. Je ne parle pas de l’agence qui a 1000 clients. Pour nous aujourd’hui, l’enjeu majeur est l’intelligence artificielle utilisée pour la relation clients, sur laquelle nous travaillons depuis plus de quatre ans.

J’évoquais ce sujet à mes principaux collaborateurs « l’intelligence artificielle va prendre beaucoup, beaucoup de place ». Six mois après, nous développions nos propres outils d’intelligence artificielle, aujourd’hui en production. Avec une préoccupation centrale, le client et pouvoir lui permettre d’avoir des réponses immédiates, 24/7. La relation digitale est la base, mais aujourd’hui il faut être capable d’avoir des espaces digitaux intelligents et traiter un sinistre immédiatement.

Un exemple précis sur l’assurance pour les animaux. Le client a juste la facture du vétérinaire. II appelle et arrive sur notre outil, qui va répondre aux questions les plus complexes, mais qui va également lui envoyer un lien, pour mettre la photo de la facture. L’intelligence artificielle analyse, gère le sinistre et précise que nous avons versé le remboursement, sur son compte. La personne n’aura pas encore raccroché qu’elle aura déjà eu le remboursement. Ça, c’est unique

Demain, nous serons capables de le faire pour des choses beaucoup plus compliquées. Et 24/7. Quand il est impossible de répondre à la question du client par l’intelligence artificielle, nous lui proposons un rendez-vous, il choisit son rendez-vous et nous le rappelons.

Une chose importante que j’aimerais partager. En avril dernier, nous avons analysé un grand nombre de nos notations satisfaction clients. Dans le cadre d’une relation clients à 100% avec un être humain, la notation est de 4,1/5, quand la relation est hybride, être humain et intelligence artificielle, la notation est de 4,8/5, quand l’intelligence artificielle est seule, la notation est de 4,6/5 !

C’est une révolution. Demain, nous imaginons prendre des rendez-vous, vendre des contrats. Cela interpelle tout notre secteur, toute notre activité. Le modèle de coût est remis en cause, nous serons capables de proposer des choses impossibles avant.

L’intelligence artificielle fonctionne chez ECA, avec des niveaux de développement différents en fonction des produits. Plus le produit est simple, plus nous sommes capables d’aller loin.

Dans les chiffres évoqués, Karim, la meilleure note de satisfaction clients, est le résultat de l’alliance entre la technologie et l’humain ?

KI : Oui et ça doit le rester. Dès lors qu’une demande est très complexe aujourd’hui, la machine n’est pas capable de répondre. A ce moment-là, la machine passe le relais à un conseiller. Le conseiller reçoit la synthèse de la conversation afin d’aller beaucoup plus loin avec le client. Le conseiller sera d’ailleurs beaucoup plus détendu, valorisé car il aura amené un très bon niveau de service.

Comment réagissent les courtiers de proximité par rapport à cette intelligence artificielle qui s’intègre dans le parcours de leurs clients ?

KI : Les courtiers de proximité ont initialement été sceptiques quant à l’intelligence artificielle, pensant que cela visait principalement à réaliser des économies. Cependant, ils ont désormais compris les avantages en termes de prise en charge des appels et de gestion des sinistres. L’intelligence artificielle permet de ne pas perdre d’appels, d’assurer un suivi 24/7, et de fournir des réponses rapides à leurs clients.

L’intelligence artificielle peut également être utilisée pour des opérations de vente, en commençant par des scénarios simples comme les appels de bienvenue aux clients et en se dirigeant vers des opérations plus complexes, telles que la proposition de produits complémentaires en fonction du parcours de vie du client. Par exemple, en cas de sinistre ou de demande de remboursement, l’intelligence artificielle pourrait suggérer des produits ou des améliorations aux clients. L’intelligence artificielle peut également être utilisée pour des opérations de cross-selling, comme la proposition de produits d’épargne aux clients. Dans l’ensemble, l’intelligence artificielle est perçue comme une avancée positive par les courtiers de proximité, car elle améliore l’efficacité de la gestion des appels et peut contribuer à accroître les ventes de produits d’assurance et d’épargne.

Pour conclure ?

KI : L’évolution de l’industrie de l’assurance sera également marquée par l’émergence de nouveaux risques liés à la transition écologique et à l’exploitation de données massives. Il y aura également une évolution dans la manière dont la tarification des risques est abordée. Si l’industrie de l’assurance est traditionnellement « conservatrice », il faudra remettre en question, par exemple, les méthodes de tarification traditionnelles qui nécessiteront des esprits audacieux et des changements nécessaires pour s’adapter, progresser. L’industrie de l’assurance doit bousculer ses pratiques existantes, même de l’intérieur, pour évoluer et s’adapter aux nouvelles réalités, en particulier celles de l’intelligence artificielle.

Extrait du magazine #6 Dessine-moi L’Assurance, le consulter ou le télécharger dans son intégralité, cliquez-ci dessous.

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