Christophe Emprin : back office, de l’ombre à la lumière ?

Christophe Emprin, Président de Pack Solutions s’est entretenu avec Jean-Luc Gambey, sur le rôle du back office dans le secteur de l’assurance, sur l’évolution de ses métiers et sur cette fameuse « partie arrière » redevenue une partie centrale de la relation clients.

Le rôle du back office dans le secteur de l’assurance a-t-il évolué significativement ?

Christophe Emprin : Tout d’abord, redisons que la fonction première du back office est de gérer les contrats d’assurance de la compagnie, c’est-à-dire d’enregistrer et d’effectuer les opérations issues de demandes de clients, ou de traitements ayant des impacts sur l’ensemble du portefeuille.

En posant cette définition, nous percevons bien les évolutions des missions de ce back office au cours des années. En premier lieu, parce que l’assuré des années 80 est devenu le client des années 2000. Cela peut paraître anecdotique mais c’est une mue majeure du monde de l’assurance, ayant désormais pris la mesure de son rôle d’industrie de services. Dès lors, toutes les fonctions, et en particulier celles de la gestion des contrats ont évolué vers ces principes de clients et de services.

C’est la raison pour laquelle, personnellement, je suis de moins en moins à l’aise avec le terme de back office : un organe de la compagnie œuvrant en coulisse, « caché » derrière les fonctions régaliennes et de commerce, terme qui aujourd’hui ne me semble plus adapté aux responsabilités et les diversités de missions qu’il recouvre.

Le back office et l’évolution de ses métiers ?

CE : Si nous regardons plus loin en arrière, il ne faut pas oublier la véritable révolution technologique qui a marqué « le back office » : le papier et le crayon des années 60 ont été remplacés par les cartes perforées des années 70, les premiers outils de gestion des années 80 se sont convertis en systèmes d’information des années 2000, toujours plus puissants, plus connectés et battant au rythme du temps réel ou plutôt instantané. Je ne parle pas ici de préhistoire mais d’une période d’environ 60 années, ce qui, à l’échelle d’une vie et tout particulièrement de celle d’une compagnie d’assurance est un temps mesurable et pas si ancien.

Si nous y ajoutons un formidable bouleversement de la règlementation, des nécessaires contrôles que la compagnie doit déployer pour s’assurer de la probité de ses clients, de la rigueur de ses salariés, de la tenue de ses équilibres financiers et de la sécurité de ses systèmes d’information, nous pouvons dire assurément que les rôles, missions et fonctions des back offices ont considérablement changé.

La délégation de gestion a-t-elle évolué ? (Contraintes réglementaires, exigences clients assureurs et clients finaux, … ?)

CE : Si vous le voulez bien, je vais employer l’expression « centre de gestion » plutôt que « back-office » : au sens le plus noble du terme, un centre de gestion, et c’est un ancien industriel qui vous le dit, est une usine de services. Un système d’information autour duquel des femmes et des hommes opèrent quotidiennement des actes. Ces opérations sont visibles immédiatement par les clients ou les réseaux de distribution. L’erreur de saisie, la mauvaise lecture d’une demande client font dès lors l’objet de réclamations presque instantanées.

Il y a donc pour les métiers de gestion une réelle exigence : la rigueur des actes exécutés, la justesse des opérations réalisées et surtout, et parce que l’erreur existe et existera toujours, le sens du service qui permettra sa correction rapide. Là où un back office travaillait dans l’ombre il y a encore 20 ou 30 ans, le centre de gestion s’ouvre désormais à son client et doit lui communiquer des informations fiables et qualitatives, rapidement. Le gestionnaire doit être identifié par le client comme une solution, un facilitant de ses démarches.

Le métier de délégation de gestion a bien entendu suivi ce mouvement et cette transformation profonde. Je retiens particulièrement le fait que nous avons évolué d’une sous-traitance d’actes, à une externalisation de processus puis vers une « véritable » délégation : certes il s’agit toujours d’agir pour compte de la compagnie, mais les périmètres confiés, les responsabilités et les missions se sont considérablement enrichies. Nous sommes les acteurs de ce que les anglo-saxons nomment un Business Process Outsourcing (B.P.O.), voir, et de plus en plus, d’un Business Transformation Outsourcing (B.T.O.).

Il ne s’agit plus pour le délégataire de reproduire les processus de la compagnie et d’exécuter les tâches qui lui sont confiées, mais de mettre en avant et à disposition ses expertises, métier et technologique, pour proposer à l’assureur des transformations visant à gagner en sécurité, fiabilité et bien sûr en efficacité. C’est à cet égard un métier plus exigeant mais au combien plus passionnant encore.

Le back office au cœur de la relation clients ? La « partie arrière » est-elle redevenue une partie centrale de la relation client ?

CE : Nous voyons bien toute la désuétude du terme de back office : le centre de gestion, ou plutôt le centre de solutions et de relation clients, est le cœur battant de la qualité de service, du service rendu. L’assureur est aujourd’hui orienté clients dans toutes ses fonctions.

Le centre de gestion ou de solutions, par le couple de son système d’information d’une part, et des équipes qui quotidiennement accueillent et gèrent les demandes, d’autre part, est le bras armé de cette relation clients au long cours. L’ancien back office est aujourd’hui en vitrine : il se montre, ce qu’il fait se voit. Cela suppose de la rigueur, de la transparence et cela doit enthousiasmer celles et ceux qui sont ou seront demain gestionnaires dans les compagnies ou chez les délégataires.

Demain, le centre de gestion ?

CE : D’autres défis s’ouvrent aux fonctions de gestion demain : cette exposition assumée et souhaitable des centres de gestion et de relation clients doivent s’accompagner d’une montée forte en compétences et en expertise des gestionnaires. La connaissance des processus dans leur ensemble, et non pas seulement de celui sur lequel ils opèrent, la capacité de communiquer, à l’écrit comme à l’oral, avec les clients, la maîtrise des produits et des contrats jusque dans l’appréhension d’éléments actuariels, fiscaux ou calculatoires…

Le gestionnaire demain sera un expert doublé d’un responsable « après-vente » et la qualité de sa prestation sera au cœur de la fidélisation du client. N’oublions pas l’humain en toute chose : le métier de gestionnaire suppose des qualités d’empathie, cette capacité à se mettre à la place du client.

Rien que dire cela dit beaucoup des transformations profondes de ce métier. Les managers des métiers de gestion ont eux aussi modifié leur approche, accompagnant et même devançant les évolutions que j’évoque ici.

La robotisation et l’I.A. viendront encore faire évoluer les fonctions et missions du métier : loin d’appauvrir la présence humaine dans les processus de gestion, je gage que cette part d’humain sera plus riche dans son contenu, plus exigeante dans les compétences requises, plus valorisante pour les femmes et les hommes qui animeront la gestion de contrats d’assurance. La digitalisation en marche montre qu’elle fonctionne d’autant mieux qu’elle est conçue pour faciliter les tâches du gestionnaire et la vie du client. Je suis convaincu qu’il en sera de même avec l’I.A. et la robotisation.

Extrait du magazine #6 Dessine-moi L’Assurance, le consulter ou le télécharger dans son intégralité, cliquez-ci dessous.

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