Depuis une décennie, le législateur a progressivement fait évoluer le marché de l’assurance emprunteur au gré d’avancées « normatives » qui ne semblent pas, selon certains acteurs du secteur de l’assurance, » avoir fait évoluer la libre-concurrence et la répartition des parts de marché « .
En 2020, les députés ont tenté d’ouvrir ce marché en proposant la résiliation infra annuelle (RIA) dans le cadre du projet de loi ASAP. Mais les dispositions relatives à l’assurance emprunteur, après avoir évolué en Commission Mixte Paritaire, ont finalement été censurées par le Conseil Constitutionnel. Pour autant, le débat continu sur la résiliation infra annuelle, déjà appliquée pour les assurances auto, habitation et santé – à l’assurance emprunteur. Le Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance a donc missionné le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) pour …discuter de la RIA des contrats d’assurance emprunteur.
Le CCSF est-il à la recherche d’un consensus autour de ce sujet ?
Selon un article de l’Argus de l’Assurance paru le 11 juin dernier, les premiers débats laissent envisager la création d’une résiliation infra annuelle « encadrée » avec un préavis de deux à trois mois et/ou un maintien du nouveau contrat d’assurance emprunteur pour une durée minimale de deux à trois ans.
Alors que 8 acteurs de l’assurance créent l’association APCADE (Allianz, APRIL, Aéma groupe, Aviva France, le groupe MNCAP, la MACSF, MAIF et Malakoff Humanis rejoint récemment par Assurly) pour « s’unir pour réfléchir et travailler ensemble à l’amélioration de la transparence des prix et de la concurrence dans le domaine de l’assurance des emprunteurs« , Isabelle Delage, Présidente de SECURIMUT évoque récemment dans un communiqué « La RIA serait la solution la plus simple et la plus efficace pour entériner la liberté de choisir son assurance emprunteur ou d’en changer tout au long du crédit. Les manœuvres dilatoires des banques (une réponse sur deux dans les délais, non communication spontanée de la date d’échéance…) n’auraient plus le même impact sur les emprunteurs et ne leur feraient plus perdre une année dans leur changement d’assurance. ».
D’ailleurs, récemment, SECURIMUT propose quatre mesures pour rendre effectif le libre choix de l’assurance emprunteur :
- Prodiguer une information loyale à l’emprunteur, avec un TAEG épuré de l’assurance et un TAEA intégrant l’intégralité de l’assurance vendue
De plus en plus de banques excluent la moitié du coût de l’assurance vendue du Taux Annuel Effectif Global du crédit (TAEG), rendant la comparaison entre deux offres de prêt impossible au travers de cet indicateur. Le coût du crédit doit donc se juger par un TAEG hors assurance auquel on ajoute le Taux Annuel Effectif de l’Assurance (TAEA) qui représente le coût total de l’assurance vendue. En additionnant le TAEG hors assurance et le TAEA, on obtient alors le vrai coût total du crédit et de son assurance et on peut facilement comparer les offres de crédit.
En outre, l’indication du coût de l’assurance sur la durée du prêt n’est pas suffisante. En effet, un crédit immobilier n’est réellement détenu que 8 ans, quelle que soit sa durée de souscription initiale (qui répond à des contraintes de solvabilité). L’emprunteur, qui peut choisir son assurance en cours de prêt, n’a aucun intérêt d’opter pour une assurance plus chère sur les premières années de son crédit et qui serait moins chère sur la durée totale théorique de ce prêt. Aussi, l’indication du coût de l’assurance sur le 1er tiers de la durée du crédit est une information capitale. Elle permettrait aux emprunteurs de repérer les assurances chères au début du prêt, de plus en plus courantes (près du tiers des banques a adopté un mode de tarification à cotisations décroissantes depuis l’amendement Bourquin).
- Fournir à l’emprunteur l’information indispensable au changement d’assurance
Les offres de prêt doivent expliciter les exigences de garanties d’assurance des banques pour que l’emprunteur puisse substituer son contrat en toute sécurité. À ce jour, ces informations sont uniquement remises de façon précontractuelle à travers la Fiche Standardisée d’Information (FSI) que l’emprunteur ne conserve pas toujours et dont il peut avoir reçu plusieurs versions. Par ailleurs, certaines FSI bancaires sont particulièrement évasives sur la part obligatoire et la part facultative de cette assurance pour chaque emprunteur, laissant les co-emprunteurs dans le doute sur sa répartition. Il est nécessaire que l’offre de prêt, accordée sous condition suspensive d’assurance, reprenne les exigences de garanties de la banque pour chacun des co-emprunteurs.
- Mettre fin à l’avenant bancaire
En cas de substitution d’assurance, la banque émet un avenant au contrat de prêt à retourner signé par l’emprunteur après 11 jours de réflexion. Mais ce document est souvent émis tardivement, et informe parfois pour la 1ère fois l’emprunteur de la date de résiliation de son contrat actuel, pouvant le conduire à une situation de double prélèvement d’assurance. Cet avenant est parfois utilisé de façon déloyale en modifiant les conditions d’amortissement du crédit, privant l’emprunteur des économies immédiates qu’il escomptait en changeant d’assurance.
Cet avenant n’apporte surtout aucune information supplémentaire à l’emprunteur sur l’assurance qu’il a déjà souscrite. Quant au TAEG « recalculé » dans cet avenant, il n’est pas comparable au TAEG initial du crédit et ne fournit donc aucun élément pertinent. L’avenant est donc inutile, l’acceptation de la substitution formulée par la banque devrait suffire.
- La résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur
La résiliation à tout moment est l’ultime moyen pour conforter le libre choix de l’assurance emprunteur, en désamorçant les enjeux liés aux pratiques dilatoires. Ceci permettrait également d’aligner le dispositif de l’assurance emprunteur sur les autres assurances au-delà de la première année de souscription.
Attendons-donc patiemment… ou ouvrons les échanges sur le sujet ? Pour toutes contributions expertes sur le sujet, n’hésitez pas à nous contacter !