La lutte contre la fraude à l'assurance post crise sanitaire

Après une importante crise sanitaire, les premiers symptômes d’une récession sans précédent depuis des décennies apparaissent dans de nombreux secteurs de l’économie française. A cet égard, le ministre de l’économie Bruno Le Maire estime qu’en 2020 la chute du PIB s’élèvera à 11% et qualifie le choc économique « d’extrêmement brutal ». L’ensemble de la société va être touché avec des incidences sur le plan économique mais également social.
La crise annoncée aura-telle un impact significatif en matière de fraude à l’assurance ?
Contrairement au fameux bug de l’an 2000, nul doute qu’un contexte économique et social fortement dégradé puisse constituer un vecteur important de fraudes à l’assurance. Les difficultés financières que vont connaître les entreprises et les particuliers sont susceptibles de constituer de réelles sources d’incitation comme le démontrent régulièrement bon nombre d’affaires révélées par les assureurs alors même que le contexte économique et social n’est pas particulièrement dégradé. En outre, les résultats enregistrés lors des exercices qui ont suivi la crise financière de 2008 faisaient état d’une augmentation des fraudes établies de l’ordre de 15 à 25 % selon les années. Or, c’est bien une crise sans précédent que la France va traverser. Des enseignes célèbres ont d’ores et déjà enclenché des procédures de redressement judiciaire pendant que d’autres annoncent d’importants plans de réduction de leurs effectifs.
Nul doute que la crise que la France commence à connaître constituera dans les prochains mois un terreau favorable au développement des fraudes aussi bien en matière d’assurances de biens qu’en matière d’assurances de personnes. Les entreprises, les artisans, les indépendants mais également les ménages et donc les particuliers vont être fortement touchés. Au-delà des branches d’assurances, ce sont donc tous les types de marchés -particuliers, professionnels et entreprises- qui se trouvent exposés à un risque de fraude accru par le contexte.
Par ailleurs, et le constat n’est pas anodin, il convient de relever que les évènements exceptionnels comme des crises majeures constituent dans certains cas de véritables « opportunités » pour les fraudeurs notamment lorsqu’ils agissent en bandes organisées. Ils mettent à profit le contexte pour innover et commettre de nouvelles fraudes dont les caractéristiques évoluent et mutent à l’instar d’un virus saisonnier… Il s’agit là d’un phénomène que les criminologues qualifient de « sur-saturation » car il vient se greffer sur un contexte préexistant dans lequel les fraudeurs sont déjà actifs. La crise et ses principaux effets viennent alors jouer un rôle amplificateur, démultiplicateur. Dès lors, il convient d’adopter une posture a minima prudente et d’adapter les contre-mesures spécifiques à mettre en œuvre.
Quelles incidences en matière de lutte contre la fraude ?
Le contexte économique et social précédemment décrit implique donc pour les acteurs concernés -assureurs, courtiers ou experts- une vigilance accrue aussi globale que constante mais surtout adaptée au regard des risques induits et des différents produits d’assurances concernés. En effet, les produits d’assurance seront logiquement exposés de différentes manières et selon des fréquences assez variables. Il convient donc de procéder à une évaluation au cas par cas.
Pour assurer cette vigilance, il est indéniable qu’une lutte industrialisée via un outil ou un service (SaaS) apparaît une fois de plus la méthode la plus aisée à mettre en œuvre compte tenu de la rapidité avec laquelle le paramétrage des outils peut s’effectuer. A cet égard, bénéficier d’une démarche de détection des risques de fraudes couvrant l’ensemble des opérations sera d’autant plus déterminant dans les prochains mois que son paramétrage aura été revu et adapté aux risques spécifiques induits par la crise. Il y a là un travail aussi essentiel que délicat à effectuer en amont. Celui-ci devra notamment couvrir tous les produits concernés par la démarche et prendre en compte les spécificités des clients que la crise expose à un risque de fraude conjoncturel.
Il convient dès à présent d’engager cette démarche afin de paramétrer les outils de manière pertinente en adaptant les modèles de détection -en particulier déductifs- à travers leurs éléments constitutifs comme la branche d’activité afin d’anticiper au plus tôt les évolutions qu’induira la crise sur les fraudes. A titre d’exemples, il est possible de citer les secteurs de la restauration et de l’hébergement ou encore le petit commerce tous fortement touchés par une baisse d’activité. Cependant, il est important de se garder de conclure trop rapidement et de cibler tel ou tel type de secteur d’activité car avec une baisse significative de la demande, d’autres pans de l’économie réelle pourraient souffrir de la crise. Enfin, la crise induira également un effet domino qui impactera dans bon nombre de cas les particuliers dont certains seront tentés de recourir à la fraude comme moyen de financement.
De leur côté, les acteurs ne mettant pas encore en œuvre de démarche industrielle en interne ou via une société de services devront quant à eux revoir les différentes grilles d’analyse utilisées. Cependant, face à la menace annoncée, ils peuvent également décider de s’engager dans la voie de l’industrialisation et ce à bon compte au regard de l’évolution favorable du marché de la détection des fraudes.
Pour compléter le dispositif de détection, un dernier volet devra être déployé à court-terme à travers la sensibilisation. Ainsi, les assureurs pourront à bon escient engager des actions de communication spécifiques auprès de leurs collaborateurs et de leurs partenaires concernés que ceux-ci soient délégataires de gestion ou encore experts.
Enfin, en marge de la détection des situations à risque lors de la déclaration de sinistre, les assureurs pourront opportunément revoir leurs règles de souscription et les différents scorings mis en œuvre en la matière. Il conviendra alors de s’interroger sur la pertinence des critères déjà utilisés mais également de revoir dans certains cas leur paramétrage afin de prendre en compte lors de la souscription les situations exposées à un risque de fraude évident au regard du contexte.
Finalement, c’est donc l’ensemble de la chaîne de valeur assurantielle qui est impactée et doit être mobilisée pour faire face aux fraudes -classiques ou nouvelles- que la crise va nécessairement induire et qui, dans certains cas pourraient peser lourdement sur les résultats techniques.
Malgré les menaces, existe-t-il des opportunités à saisir ?
Ces dernières années ont vu la montée en puissance des démarches de lutte contre la fraude visant à industrialiser le processus de détection des situations à risque. Force est de constater que les dispositifs en question s’appuient pour l’essentiel sur l’exploitation des données disponibles dans les systèmes d’information des assureurs. Or, la détection des fraudes dans l’assurance porte également sur les documents.
Dans de nombreux types de fraude, la fausse déclaration est corroborée par la production de faux documents.  C’est d’ailleurs cette modalité de manœuvre frauduleuse qui lui confère le caractère d’une infraction pénale : l’escroquerie. A cet égard, on observe une recrudescence des détections de ce type de fraude qu’il est difficile d’imputer à une aggravation du phénomène ou à une vigilance et des performances accrues des assureurs et des experts en charge du traitement des pièces justificatives. Cette tendance qu’il est possible de qualifier de lourde trouve en pratique de plus en plus de réponses à travers des outils ou des démarches spécifiques de détection. Ainsi, la détection basée sur les données se voit complétée par un volet d’analyse documentaire via les systèmes de GED à l’aide de l’OCR existant et renforcés d’algorithmes spécifiquement dédiés à la détection des anomalies.
Certaines entreprises ont ainsi mis en œuvre des dispositifs internes visant à analyser automatiquement sous l’angle de la fraude tout ou partie des pièces produites dans le cadre de remboursements. L’exemple le plus significatif est celui de la détection des fraudes dans le domaine de la santé. Si l’utilisation de la donnée est pertinente lorsque le remboursement est réalisé via un système de tiers payant, la détection des falsifications apparaît incontournable lorsque le remboursement est directement effectué par l’assureur sur la base de la facture du professionnel de santé que lui adresse la personne qu’il protège. La même conclusion peut être tirée en matière d’indemnisation IARD lorsque celle-ci se fonde sur la production de pièces justificatives aussi bien en automobile qu’en dommage IRD.
Les applications sont donc nombreuses en matière d’assurance et permettent d’aboutir à la complétude du dispositif de lutte contre la fraude. Les acteurs passent alors d’une détection uniquement basée sur les données à un dispositif mixte : données/documents.
Une systémisation de la détection de la fraude documentaire via l’automatisation permet en outre d’améliorer significativement l’expérience client. Une fois analysée sous l’angle d’un risque potentiel de fraude, la pièce justificative peut continuer à être exploitée de manière automatique avec un remboursement qui pourra alors être quasi instantané. C’est justement sur ce modèle que la célèbre start up new-yorkaise Lemonade a basé son offre et ainsi bouleversé le marché de l’assurance de biens en promettant à un remboursement en quelques clics et une poignée de secondes. On entrevoit aisément le potentiel de cette automatisation sur l’ensemble des marchés de l’assurance et plus particulièrement sur celui de la santé.
Une autre opportunité qu’offre le contexte actuel en matière de détection automatisée est la possibilité d’entrer dans l’ère du « DIY » (Do It Yourself) avec à la clé un bénéfice non négligeable : une amélioration significative du ROI de la lutte contre la fraude qui apparaît proportionnel à la taille de l’entreprise. De plus, au-delà des aspects purement financiers, les bénéfices sur le plan des ressources humaines sont également à souligner avec une disponibilité augmentée pour les équipes anti-fraude ou de gestion classique qui pourront alors se consacrer à des tâches à plus forte valeur ajoutée ou encore à la gestion de dossiers plus complexes.
Ainsi, en matière de traitements des données et/ou des documents mis en place dans une logique de détection des risques de fraude, les évolutions technologiques de ces dernières années offrent désormais la possibilité aux acteurs concernés de développer en interne leurs propres outils de détection. Si, de prime abord, les efforts à produire semblent colossaux, les expériences déjà menées par certains acteurs dans des domaines d’activités très variés démontrent le contraire.
Il s’agit de projets menés de manière AGILE produisant les effets escomptés avec la garantie d’une parfaite adhésion à l’organisation et aux procédures internes. C’est ainsi que certains acteurs ont développé en quelques semaines des démarches de détection fondées sur les données ou sur l’analyse de justificatifs pour compléter le dispositif déjà existant.
Améliorer rapidement les performances et le ROI final en matière de détection des fraudes et plus généralement l’expérience client devient également possible pour n’importe quel acteur grâce à des technologies désormais matures.
Rédigé par Frédéric Nguyen, expert en assurance – Talan

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