Entretiens croisés CGP : la Gestion de Patrimoine en temps de crise

L’Assurance en Mouvement termine sa série sur la gestion de patrimoine en temps de crise en recueillant les témoignages d’un cabinet de gestion de patrimoine traditionnel, unipersonnel, et un groupe composé de plusieurs centaines de salariés. Deux mondes différents et deux approches différentes qui pourtant se recoupent sur plusieurs points, notamment sur la prudence à avoir vis-à-vis des marchés financiers et surtout sur l’immobilier.
Comment-vous êtes-vous organisés à la mi-mars pour continuer à exercer votre activité ?
Carine Souquet Ratié : Pour ma part, en tant que structure unipersonnelle, cela n’a pas été très compliqué. Je suis passée en télétravail en m’organisant avec des horaires décalés. Mes clients ont été contactés par mails et par téléphone. En revanche je n’ai accompli que des tâches de gestion, avec notamment beaucoup d’arbitrages en assurance vie, mais ma production s’est arrêtée.
Olivier Farouz : Un peu avant l’annonce du confinement, nous avons commencé à nous organiser afin de pouvoir continuer notre activité à distance. Nous avons, en quelques jours, mis en place de nouveaux process de travail, aussi bien en interne qu’avec nos partenaires.
Avant le confinement, 100 % de nos rendez-vous étaient effectués en physique. Nous avons donc dû réimaginer notre façon de travailler. Très rapidement, nous avons mis en place un système de visio-conférence pour que les mandataires continuent leurs rendez-vous avec les clients, et implémenté un nouveau système de souscriptions 100 % digital en collaboration avec l’ensemble de nos partenaires. Grâce à nos équipes et partenaires ultra réactifs, les mandataires ont pu, dès le début du confinement, continuer à réaliser des souscriptions, des changements de contrats, procéder à des suspensions ou augmentations de versement…
Pour nos salariés, nous avons mis en place du télétravail dans la mesure du possible, mais avons aussi dû recourir au chômage partiel. Certains services ne peuvent travailler avec une activité réduite. Mais pour tous les collaborateurs, même ceux en chômage partiel, nous avons maintenu les salaires à 100 %.
La communication avec les équipes en télétravail se fait quotidiennement via les outils collaboratifs existants, par exemple par whatsapp, google meet ou zoom.
Concernant la communication externe et le recrutement, nous utilisons d’autres canaux. Par exemple, nous nous appuyons encore plus sur les réseaux sociaux que d’habitude. Au mois d’avril, j’ai réalisé mon premier Live sur Instagram, en duo avec une influenceuse et un mandataire. L’objectif était de profiter de la période de confinement pour continuer à communiquer et recruter, en essayant de nouvelles méthodes. Ce live a particulièrement bien marché, nous avons pu toucher plus de 5 000 personnes entre 18 et 24 ans, et reçu une centaine de CV.
Quelles sont les principales préoccupations de vos clients et êtes-vous en phase avec ces inquiétudes ?
C S-R : Dans les quinze premiers jours du confinement, beaucoup de mes clients ont eu peur des blocages de leur épargne dans le cadre d’une éventuelle application de la loi Sapin II. J’ai eu aussi au cours de cette période pas mal de questions sur les garanties à hauteur de 70 000 euros par compagnies d’assurance en cas de faillite avec le retour des interrogations sur la pertinence de l’Assurance vie luxembourgeoise, bien que je ne pense pas que cela soit une réelle solution. Par contre, je n’ai pas eu de questions sur les hausses d’impôts malgré les quelques bruits qu’il y a eu autour de cette possibilité. Et bien sûr, il y a eu beaucoup d’appréhension face à la chute brutale des marchés financiers, mais la forte orientation obligataire de mes clients a permis de relativiser ces craintes.
O F : Les principales préoccupations de nos clients ont été et sont les suivantes.
La baisse des marchés financiers d’abord. Les clients se sont interrogés sur la solidité de leur partenaire financier, et leur réactivité face à la crise. Nous avons su les rassurer en nous adaptant du jour au lendemain, en leur rappelant que nous collaborons avec des partenaires de renom solides comme SwissLife, Aviva, et Gan Eurocourtage.
La peur de manquer de trésorerie ensuite. Cette inquiétude a concerné surtout les chefs d’entreprise, qui ont eu peur de manquer de liquidités. Nos mandataires ont pu les orienter sur les démarches à effectuer, notamment pour les demandes d’aides de l’Etat.
La peur d’une hausse des impôts enfin. Beaucoup d’interrogations concernent la fiscalité à venir, liée au déficit de l’État.
Mais les clients savent que cette période inédite est aussi faite d’opportunités. En effet, contrairement à la crise de 2008, celle-ci n’est pas liée à une défaillance des marchés financiers. Ce qui veut dire que l’économie ralentit et se rétracte aujourd’hui à cause d’une crise sanitaire, qui n’est en aucun cas liée à notre système économique. Les banques commerciales sont en meilleur état que durant la crise de 2008, et peuvent soutenir l’économie, contrairement à 2008 où la crise était directement liée au système bancaire. Aujourd’hui, la solution viendra justement de ce système bancaire. Et les clients ont changé depuis la dernière crise.
Comment voyez-vous à ce stade l’avenir des différents marchés et solutions ?
C S-R : Sur les marchés financiers, j’ai du mal à appréhender si les cours actuels ont bien pris en compte les baisses futures de résultats des sociétés. Je me sentirai plus en confiance après l’été.
En revanche, je suis assez inquiète sur l’immobilier. Je regarde avec stupéfaction l’impressionnante collecte sur les placements immobiliers, comme les SCPI alors que les foncières ont été massacrées en bourse. Il y aura inévitablement des défauts de paiements de loyers. A cela s’ajoute les changements d’habitudes de consommations qui risquent de ne pas être favorables aux grands centres commerciaux. Pour les particuliers, nous avons déjà des signaux d’alertes sur le plan local avec des acquéreurs qui cherchent à renégocier les prix des biens, fixés avant la période de confinement, à la baisse.
Quant à la prévoyance, elle est utile, mais j’en fais peu. Mon retour d’expérience n’est pas très satisfaisant, je trouve les solutions très lourdes à mettre en place.
O F : Commençons par l’immobilier. Les banques se remettent à prêter aux particuliers. Nous notons une hausse des taux pratiqués par le secteur bancaire, et la priorité est donnée aux dossiers déjà déposés. Concernant la remontée des taux, il est trop tôt pour voir les répercussions sur le marché immobilier. Le confinement, et le possible renouvellement d’une période de confinement dans les mois ou années à venir nous laisse imaginer un probable recentrage sur des biens plus éloignés des métropoles, afin que les personnes puissent acquérir des biens avec un coin de verdure. La demande sur Paris risque de baisser, notamment sur les biens d’exceptions.
Poursuivons par les placements financiers. Les marchés ont fortement baissé en février et courant du mois de mars. Nous notons aujourd’hui une remontée vers les 5 000 points. Les actionnaires ont fait un tri dans leurs investissements, en cédant les actions des secteurs les plus touchés par la crise (tourisme/aéronautique/ automobile), pour privilégier les secteurs les plus porteurs dans un futur proche : santé/technologie/activités « stay at home » avec les nouveaux modes de communication type webinar / netflix / jeux vidéos / paiement digital.
Continuons par la prévoyance -santé. Aujourd’hui, les clients ressentent encore plus le besoin de se protéger et protéger leurs proches. Nous pouvons attendre une hausse du coût de la santé en général et nous aurons surement plus d’offres complémentaires dans ce domaine liées à la crise.
Un mot sur le private equity. Le marché est très large et nous n’avons pas d’indicateurs à date. Plus la crise va durer, plus la situation sera compliquée. Il est aujourd’hui trop tôt pour pouvoir se prononcer sur les éventuels dégâts. L’étendue de la crise sanitaire et l’impact sur l’économie de notre pays est difficilement quantifiable. Il est certain que plusieurs secteurs de l’économie seront en arrêt plusieurs mois, à commencer par les secteurs du tourisme, l’évènementiel ou l’aéronautique. En revanche, certaines entreprises, qui ont fait preuve d’agilité, vivacité et réactivité durant cette période, sortiront renforcées de cette crise.
Pensez-vous que les outils de conseil, de suivi et de vente à distance vont prendre une place plus importante à l’avenir dans votre métier ?
C S-R : Je constate que la pandémie commence à diminuer mais, il va falloir attendre un traitement. Entre-temps, il va falloir apprendre à vivre avec plus d’écoute et d’échanges à distance. La digitalisation est nécessaire mais cela, à mon avis, ne se fera pas sans mal. Notre métier réclame beaucoup de justificatifs. Avec plusieurs compagnies, certaines contraintes juridiques ne peuvent être appliquées et nous ne sommes pas dans en adéquation avec la réglementation. Côté clients, il convient de bien expliquer le fonctionnement. Cela peut prendre un peu de temps au début. Quant à savoir si le démarchage est possible en vidéo, je suis plus dubitative. La vidéo fonctionne si l’on connait bien le client.
O F : La dématérialisation fait partie de nos objectifs principaux depuis 2018. Nous misons dessus depuis quelques années. Ce projet fait encore plus sens aujourd’hui. Nous allons continuer et accélérer la dématérialisation des contrats. Nous venons de lancer « Galya Retraite Individuelle », un PER 100 % digital, en partenariat avec GAN Eurocourtage. Ce produit permet d’aller jusqu’à la signature électronique. Au-delà des contrats, la situation de crise sanitaire risquant de durer, les nouveaux modes de réunion par visio-conférence vont perdurer et se normaliser. Nous avons dû rentrer dans le 21ème siècle en quelques semaines, faire machine arrière sera impossible. De nouvelles habitudes sont prises, et nous avons pris conscience de la facilitation offerte par ces modes de communication.
Vous projetez-vous pour la fin de l’année ou pour 2021 sur votre activité ? Si oui, quelles seront les évolutions, transformations éventuelles liées au contexte de crise, sanitaire et probablement financière et économique ?
C S-R : Les échanges sont revenus, notamment avec les déclarations d’impôts. Je vais pour ma part reprendre les déplacements comme auparavant. Je pense que notre métier nécessite de rencontrer les personnes. Pour ce qui est de l’activité, je trouve que les clients sont encore assez choqués. Nous sortons du confinement. Les préoccupations du quotidien restent fortes et les particuliers ont du mal à se projeter à moyen et long terme. Dans le sud, la principale préoccupation est de savoir s’il sera possible de sauver la saison touristique.
O F : Comme toutes les entreprises actuellement, nous préparons la sortie de crise, même si le retour à la normale est incertain et ne se fera pas avant plusieurs mois.
Il est indéniable qu’il y aura un avant et un après crise : cette période aura permis de prendre conscience de la fragilité du monde dans lequel nous vivons, de repenser et de se recentrer autour de valeurs plus humaines. Il aura aussi permis de révéler la force de nos équipes, leur réactivité, leur ténacité face à la situation. J’ai personnellement été très agréablement surpris de voir la motivation dont ont fait preuve les équipes et partenaires chaque jour. Cette période nous permettra de tirer plusieurs conclusions, aussi bien sur notre organisation, que sur nos axes prioritaires d’amélioration.
Je pense que nous allons assister à une accélération des rapprochements et regroupements d’entreprises dans notre secteur. Cette tendance, déjà forte ces derniers mois et années va s’accentuer.
Quelles seront les valeurs que vous allez mettre en avant demain ?
C S-R : Pour ce qui me concerne, je noue des relations intuitu personæ. Mes clients me ressemblent et je partage les mêmes valeurs qu’eux.
O F : Nous allons rester fidèles à nos valeurs, et continuer de travailler notamment sur la RSE et la justice sociale. Ces objectifs et valeurs font encore plus sens aujourd’hui, après des mois de confinement où nous avons tous pris conscience que la valeur solidarité est indispensable collectivement, au niveau national mais aussi au niveau mondial.
Demain, nous allons accélérer les initiatives sociales, solidaires et liées à la RSE.  Certaines valeurs, considérées comme RSE, font partie des fondements du Groupe : méritocratie, diversité, égalité homme/femme, et ascenseur social. Ces valeurs sont insufflées chaque jour au sein des sociétés de Groupe Premium.
L’objectif pour nous, c’est la croissance économique, mais tournée encore plus vers le lien social.
Ainsi, depuis la fin d’année 2019, nous soutenons la recherche médicale en étant mécène de l’Hôpital de La Pitié Salpêtrière, groupe AP-HP. Pour chaque contrat souscrit, nous nous engageons à reverser 10 € sous forme de don au Groupe de Recherche Tumeurs Thyroïdiennes, composé de spécialistes travaillant à la prise en charge des tumeurs thyroïdiennes bénignes et malignes. Le Groupe de Recherche est dirigé par le Professeur Laurence Leenhardt et le Dr Camille Buffet dans l’Unité Thyroïde – Tumeurs Endocrines.
Au-delà de ce mécénat, nous n’avons pas pu faire abstraction de la situation à laquelle le corps médical a été confronté. Pour notre part, nous avons donc voulu aller plus loin, et aider à notre façon le personnel soignant des hôpitaux de Paris et d’Ile de France, en livrant chaque matin entre 500 et 1000 viennoiseries au personnel médical.
Nous avions commencé par livrer les hôpitaux du groupe APHP, et avons continué avec d’autres hôpitaux et cliniques d’Ile de France.
Carine Souquet Ratié Conseil et Finance
Situé à Narbonne, le cabinet de Carine Souquet Ratié est un cabinet de conseil en gestion de patrimoine familial créé en 2001. L’activité est classique et est très orientée sur les marchés financiers et la transmission de patrimoine. Carine Souquet Ratié est administratrice de l’association de la Compagnie des CGP-CIF, membre de la Fédération de la Compagnie des CGP.
Groupe Premium est le premier groupe assurance vie-épargne en France (source : Tribune de l’Assurance Juin 2019). Aujourd’hui, il compte plus de 120.000 clients. Spécialisé en courtage et gestion d’actifs, Groupe Premium est composé de 6 sociétés principales : Predictis, Capfinances, Flornoy (qui a absorbé FOX gestion d’Actifs), Libertaux, Capital Ressources et MD Marketing Distribution.
Les deux filiales de courtage, Predictis et Capfinances, disposent de 16 agences en France (Paris et Ile-de-France, Toulouse, Lyon, Nice, Rouen, Caen, Le Havre, Amiens, Rennes, Besançon, Dijon et Lille).
Le chiffre d’affaire du groupe a été multiplié par deux en moins de 2 ans. Le chiffre d’affaire 2019 dépasse les 51 M€, soit une hausse de 18% par rapport à 2018.
Le total des encours sous gestion du Groupe Premium dépassait les 2 milliards d’euros en fin 2019, suite à la prise de participation à 100% de Flornoy & Associés Gestion.
Jean-Charles Naimi, journaliste indépendant

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