CSRD et CS3D : débat sur les nouvelles règles européennes

La Commission européenne propose un nouveau cadre modifiant les obligations des entreprises en matière de durabilité. Entre simplification et enjeux climatiques, ces ajustements suscitent débats.

La Commission européenne a publié, le 26 février, une proposition législative dite « omnibus », visant à alléger certaines exigences imposées aux entreprises en matière de durabilité. Cette initiative touche deux directives phares : la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) et la directive sur le devoir de vigilance (CS3D ou CSDDD). Présentée comme un moyen de rendre le dispositif plus clair et prévisible, cette évolution suscite diverses réactions, oscillant entre la satisfaction d’une simplification attendue et l’inquiétude face au risque d’un recul potentiel de l’ambition initiale.

Vers une simplification de la CSRD et la CS3D

La CSRD impose actuellement aux entreprises de plus de 250 salariés – cotées ou réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros – de communiquer sur leurs impacts environnementaux et sociétaux. Elles doivent ainsi produire un rapport dédié, véritable outil de transparence concernant leurs activités et leur contribution au développement durable. La CS3D, de son côté, cible les entreprises de plus de 1 000 salariés avec un chiffre d’affaires dépassant 450 millions d’euros. Elle contraint ces structures à identifier et à prévenir les effets négatifs qu’elles pourraient générer sur l’environnement et les droits humains tout au long de leur chaîne de valeur, y compris chez leurs fournisseurs et sous-traitants.

Avec sa proposition « omnibus », la Commission européenne souhaite réduire la portée de ces obligations. Concrètement, près de 80 % des entreprises qui devaient se plier à la CSRD en seraient exemptées : les sociétés de moins de 1 000 salariés, réalisant moins de 50 millions de chiffre d’affaires ou présentant un total de bilan sous 25 millions d’euros, ne seraient plus tenues à la production d’un rapport de durabilité. Le nombre d’indicateurs à renseigner se verrait en outre limité, la Commission favorisant les critères quantitatifs, sans exiger d’informations spécifiques à chaque secteur.

Par ailleurs, la mise en œuvre de la CSRD pour certaines catégories d’entreprises, initialement prévue pour 2026 et 2027, serait reportée à 2028. Les obligations de vérification par des organismes externes, quant à elles, resteraient confinées à un niveau d’« assurance limitée » au lieu d’une exigence d’« assurance raisonnable ».

Du côté de la CS3D, la principale mesure concerne la focalisation des obligations de vigilance sur les partenaires commerciaux directs, plutôt que sur l’intégralité de la chaîne de valeur. Le calendrier reculerait également d’un an, ce qui donnerait plus de temps aux entreprises de plus de 5 000 salariés générant un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros pour appliquer ces nouvelles règles. De plus, l’évaluation des impacts ne serait plus annuelle, mais quinquennale.

Autre changement majeur : l’obligation, pour une société, de rompre ses relations commerciales en dernier recours lorsqu’un impact négatif grave persiste disparaîtrait du texte. La consultation des parties prenantes serait réduite, tandis que le plan de transition visant à atténuer le changement climatique ne comporterait plus d’obligation de résultat. En complément, la clause de revoyure prévoyant l’inclusion des services financiers dans la directive serait supprimée.

Un allègement controversé

Selon Stéphane Séjourné, vice-président exécutif à la prospérité et à la stratégie industrielle de la Commission européenne, cette évolution répond à un besoin de cohérence et de réduction de la lourdeur bureaucratique : « Cette proposition permet une réelle simplification, moins de charge administrative, davantage d’accès au financement et des règles plus claires et prédictibles. Nous conservons nos objectifs mais changeons les choses pour mieux les atteindre. »

Néanmoins, des organisations non gouvernementales telles que Les Amis de la Terre France, le CCFD-Terre solidaire, Oxfam ou Notre affaire à tous, jugent la démarche dangereuse. Il s’agit selon elles d’une « dérégulation massive et sans précédent » et d’un « désastre pour la transition climatique et la protection des droits humains et de l’environnement ».

Du son côté, Caroline Neyron, directrice générale du Mouvement Impact France, estime que « les recommandations actuelles de la commission semblent traduire un premier recul de l’ambition européenne de créer une nouvelle compétitivité compatible avec notre modèle social et la préservation de nos ressources ». Elle salue néanmoins « la démarche de la Commission européenne visant à optimiser la mise en œuvre de certaines réglementations de durabilité du Green Deal ». 

La proposition « omnibus » englobe d’autres volets du Pacte vert européen, tels que la taxonomie, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou encore certains programmes d’investissement. Le texte doit à présent être examiné par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, avant de faire l’objet d’un accord.

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