Assurance : prévention, anticipation, mutualisation : les clés de la confiance en l’avenir

Dans un contexte d’inquiétude relative à l’assurabilité des risques et face à l’émergence des risques systémiques (climat, pandémie et risque cyber), CNP Assurances avait présenté début juillet son nouveau Cahier de la Prospective , à l’occasion de son Colloque annuel de la Prospective dédié aux « Risques émergents à horizon 2035 – Aux frontières de l’assurabilité. »

Réalisé en partenariat avec le cabinet Futuribles, le cahier identifie 35 risques différents, regroupés en 9 « tendances lourdes ». Mettant en avant son « devoir d’assureur responsable », CNP compte par cette vaste étude « accompagner au mieux le plus grand nombre et démontrer toute la vitalité et l’utilité du monde de l’assurance. »

Une approche prospective originale, avec 3 spécificités

« Cette seconde édition du Cahier de la prospective met à la disposition des acteurs publics et privés une sélection non exhaustive de tendances sur les risques émergents et de scénarios sur les risques systémiques », nous présente à travers un communiqué de presse Sonia Barrière, Directrice de la Transformation Stratégique de CNP Assurances.

Afin de se démarquer des autres études sur le même sujet, CNP Assurances met en avant une démarche basée sur 3 spécificités :
– l’intérêt est porté uniquement « aux risques pour les personnes, et non pour les entreprises ou organisations. »

– la combinaison d’un « travail de recension des points de vue avec un travail d’analyse prospective rigoureux » permettant de qualifier les évolutions examinées, sélectionner les risques et les étudier.

– l’identification de « risques émergents » précis. Ainsi par exemple, « le changement climatique n’est pas un risque, mais une certitude. En revanche, ses impacts constituent des risques émergents, pour les personnes et pour leurs biens. Comme tout risque, ils se caractérisent par une incertitude quant à leur degré d’impact et leur horizon d’advenue. »

35 risques émergents répartis en 9 tendances lourdes

Comme le souligne CNP, ces travaux « mettent en lumière, sans prétention d’exhaustivité, la diversité des risques auxquels pourront être confrontés les personnes et leurs biens dans les quinze prochaines années. » Chacune des 9 tendances du cahier est décrite à l’aune de constats, avant d’évoquer les risques associés et de proposer des pistes d’actions possibles pour les assureurs

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Tendance 1 : « Augmentation des événements climatiques extrêmes »

Comme l’indique le climatologue Hervé Le Treut, « quelles que soient les décisions prises par les gouvernements, les 30 prochaines années sont plus ou moins écrites en termes de scénarios climatiques. L’augmentation des températures est inéluctable d’ici à 2050. » Le dernier rapport du GIEC dénonce « l’inaction criminelle des dirigeants » à ce sujet. « Si on s’en tient aux engagements actuels, les émissions devraient augmenter de près de 14 % au cours de cette décennie », prévenait d’ailleurs le Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres.

Ainsi les 4 risques suivants ont été identifiés :
« Surmortalité des populations européennes âgées en raison des vagues de chaleur plus régulières »
« Exposition croissante de populations peu préparées et peu assurées à des événements climatiques extrêmes inédits »
« Vulnérabilité forte des populations vivant dans les territoires d’Outre-mer particulièrement exposés aux événements climatiques extrêmes »
« Difficulté croissante d’accès aux assurances risques naturels pour les personnes les plus précaires »

Tendance 2 : « Multiplication des crises sanitaires »

Le cahier reconnait que « la pandémie de la Covid-19 a favorisé la prise de conscience par les autorités et les populations de la nouvelle réalité de la menace sanitaire. » Pour autant « c’est plutôt à la multiplication, donc à la succession, voire à la conjonction de ces crises qu’il faut se préparer. » Le réchauffement climatique, la hausse des échanges mondiaux et de la production agricole, ou encore le vieillissement démographique constituent autant de facteurs venant « amplifier le risque de crise sanitaire. »

Ainsi les 4 risques suivants ont été identifiés :
« Forte surmortalité des populations urbaines liée aux maladies infectieuses »
« Exposition à des virus tropicaux des personnes vivant en régions méditerranéennes »
« Exposition croissante des Européens au risque de pandémie par coronavirus »
« Hausse de la mortalité dans la population générale liée aux bactéries antibiorésistantes »

Tendance 3 : « Chronicisation des maladies, accroissement des pluripathologies et des dépendances associées »

Arthrite, diabète, hépatite C, sida : telles sont les maladies chroniques les plus
courantes, notamment prévalentes en France et en Europe. Les personnes âgées sont particulièrement frappées, sachant que la démographie européenne est vieillissante. Si les progrès de la médecine permettent pour partie de traiter certaines affections, le paradoxe est qu’ils chronicisent aussi en retour certaines maladies.
Or selon une étude du Leem – organisation des entreprises du médicament – conduite en 2019, « 15 millions de personnes pourraient être éligibles à l’allocation d’Affection Longue Durée (ALD) en 2030, soit une augmentation de 50 % par rapport à la situation actuelle » : cela représenterait 80 % des remboursements de la Sécurité sociale, « perspective imposant un changement de modèle. »

Ainsi les 4 risques suivants ont été identifiés :
« Croissance de la prévalence des maladies chroniques dans la population générale »
« Occurrence croissante de la polypathologie chez les personnes âgées »
« Précarisation des personnes souffrant de maladies chroniques. »
« Difficultés matérielles et psychologiques croissantes pour les proches aidants »

Tendance 4 : « Augmentation des pathologies mentales »

Schizophrénie, troubles bipolaires, dépressions, addictions, troubles obsessionnels compulsifs (TOC), états de stress post-traumatiques (ESPT) : autant de réjouissances appelées à se multiplier ces prochaines décennies, faute de prévention suffisante. L’étude souligne que la santé mentale est « déjà un enjeu majeur de santé publique à l’échelle mondiale et plus particulièrement en France. » Avec « les impacts délétères des crises environnementales, sanitaires et géopolitiques sur la psychologie des personnes, la hausse de situations d’isolement et de précarité, l’usage abusif du numérique et des réseaux sociaux chez les adolescents », autant dire que le coût des pathologies mentales sur le système de santé semble appelé à continuer de croître.

Ainsi les 4 risques suivants ont été identifiés :
« Augmentation de la prévalence de l’anxiété et de la dépression au sein de la population française »
« Croissance du nombre de personnes isolées exposées aux pathologies mentales »
« Augmentation des pathologies mentales chez les jeunes »
« Hausse des addictions au sein de la population générale »

Tendance 5 : « Hausse de la précarité »

Déplorant une « montée lente mais continue de la précarité en France » (9,2 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en 2019), et « des inégalités profondément ancrées au sein de la société », le rapport considère toutefois que l’augmentation des situations de précarité « n’est pas inexorable et dépend de la conjoncture et de l’action sociale. » Cependant « la dégradation de la situation économique et environnementale globale pourrait provoquer une hausse de la proportion de personnes pauvres et précaires en France d’ici 10-15 ans. »

Ainsi les 4 risques suivants ont été identifiés :
« Précarisation croissante et durable des Français »
« Multiplication des situations de précarité transitoire dans la population »
« Cumul croissant des populations fragiles sur certains territoires »
« Aggravation des situations de précarité chez les individus en situation d’illectronisme »

Tendance 6 : « Décrochage croissant d’une partie de la jeunesse en France »

Ciblant la catégorie d’âge des16-29 ans, le rapport évoque une possible « diminution
progressive ou totale de tout effort ou possibilité d’une partie des individus de moins de 30 ans de participer à la vie sociale, politique et économique du pays. ». Perte de sens, désengagement politique ou au contraire radicalisation, exclusion sociale : le rapport fait craindre « une précarisation des personnes », pointant « leur exclusion voulue ou subie, et leur fragilité psychologique » soulignant une vraie fracture entre la jeunesse et les institutions politiques traditionnelles.

Ainsi les 4 risques suivants ont été identifiés :
« Augmentation du nombre de jeunes exclus et désengagés socialement, économiquement et politiquement »
« Augmentation du nombre de jeunes concernés par une précarité durable »
« Aggravation des problématiques d’isolement et de troubles mentaux chez les jeunes »
« Radicalisation croissante d’une partie de la jeunesse »

Tendance 7 : « Précarisation des travailleurs français et nouvelles insécurités au travail »

Avec la hausse du nombre de travailleurs indépendants, notamment via le phénomène de l’uberisation, le modèle du salariat s’est trouvé remis en cause. Pourtant les indépendants sont soumis « à une plus grande instabilité économique et à de plus grandes insécurités par la nature de leur statut. » Leur couverture sociale est également moins bonne que celle des salariés.
En parallèle, le rapport pointe « la tendance lourde du développement de l’emploi salarié précaire, en particulier dans les secteurs du BTP, de l’agriculture et des services à la personne. » Pour couronner le tout, le développement du numérique a entraîné « des mutations dans l’organisation du travail », toutes n’allant pas dans le sens d’une amélioration des conditions de travail.

Ainsi les 4 risques suivants ont été identifiés :
« Augmentation de la proportion des travailleurs français aux parcours professionnels précaires, sans assurance pertinente associée »
« Exclusion croissante des travailleurs précaires du marché du travail par manque de formation continue en matière de sécurité »
« Augmentation du nombre de personnes concernées par des risques psycho-sociaux et des troubles musculo- squelettiques liés à une implémentation déficiente des technologies dans l’organisation du travail et le processus de production »
« Vulnérabilité de certains travailleurs dans le cadre du développement de nouvelles modalités de production industrielle »

Tendance 8 : « Cryptoactifs et fragilisation du système financier traditionnel »

Tout en reconnaissant les services financiers novateurs apportés par les actifs numériques ou cryptomonnaies, le Cahier de la Prospective craint « une fragilisation du système monétaire traditionnel » : leurs prix étant basés sur la seule confiance des investisseurs, les jetons se révèlent extrêmement volatiles. Absence de règlementation, volatilité, utilisation démesurée dans certains pays, ou au contraire interdite ou très limitée dans d’autres : « l’émergence des actifs numériques pourrait donc générer des risques importants pour les personnes et leurs biens. »

Ainsi les 4 risques suivants ont été identifiés :
« Précarisation des personnes ayant utilisé les cryptoactifs comme valeur refuge »
« Fonte de l’épargne des personnes ayant placé de l’argent dans les cryptoactifs »
« Vol et/ou perte de portefeuilles numériques de personnes non assurées »
« Exclusion financière d’une partie de la population n’ayant pas accès aux outils numériques adéquats »

Tendance 9 : « Augmentation des violations de données personnelles »

En cas de violation de données, les conséquences peuvent être multiples : « dommages physiques ou matériels, fraudes, pertes financières, cyberharcèlement, atteintes à la réputation, discriminations, » etc. Or bien que déjà connu, d’après le rapport « ce risque pourrait s’intensifier dans les années à venir. L’ampleur et la fréquence croissantes des cyberattaques exigent de s’en préoccuper. » Si les cyberattaques ne cessent d’augmenter et de coûter de plus en plus cher, ce sont en outre les personnes les plus précaires qui sont les plus vulnérables. Pendant ce temps, le nombre de données numériques, qui a déjà explosé ces dernières années, « pourra être multiplié par 3 tous les 5 ans entre 2020 et 2035. »

Ainsi les 3 risques suivants ont été identifiés :
« Exposition croissante des individus à la violation de leurs données personnelles »
« Nouveaux coûts financiers pour les personnes victimes de vol de données »
« Divulgation de données de plus en plus sensibles pour les personnes »

7 Messages clés pour le secteur de l’assurance

Pour répondre à l’ensemble de ces défis, le cahier délivre 7 messages clés visant à permettre aux assureurs de mieux anticiper ces risques.
-Repenser la mutualisation : « plusieurs risques prendront demain une ampleur nouvelle. Ainsi, la mutualisation d’un certain nombre de ces risques restera nécessaire. Les dispositifs de type assurance et réassurance d’actes terroristes pourraient même être étendus à de nouvelles catégories de risques. Il faudra néanmoins retracer les frontières de l’assurabilité. »
-Se préparer aux polycrises : « dans un monde dégradé, les crises sont appelées à se succéder, voire à se cumuler. La notion de polycrises deviendra essentielle pour définir les offres assurantielles de demain. »
-Développer une approche systémique, en investissant dans la recherche : « la notion d’effet cocktail devient centrale : elle impose de suivre les différentes expositions des individus à plusieurs facteurs de risques potentiels (pollution, mode de vie, pénibilité au travail, etc.). »
-Repousser les limites de la personnalisation : « un certain nombre de critères propres à chaque individu (parcours de vie, âge, genre, territoire de vie, etc.) ont et auront encore demain des impacts très forts sur leur exposition aux risques. »
-Des offres plus intuitives et plus flexibles : « de plus en plus de personnes pourraient connaître des situations de précarité temporaire. Cette évolution appelle à proposer des offres adaptables, modulables et évolutives au fil de l’existence. »
-De nouveaux services assurantiels à concevoir : « pour certains risques (domaine du travail, cryptoactifs, etc.), les personnes apparaissent aujourd’hui peu ou mal couvertes. Les assureurs peuvent travailler à de nouvelles offres assurantielles pour protéger les individus contre ces risques. »
-Focus sur la prévention : « la prévention est un axe de recomposition majeure d’une partie des dispositifs assurantiels, qui pourra s’appuyer sur de nouveaux partenariats avec des instances publiques et associatives. »

Prévention, anticipation, mutualisation : les clés de la confiance en l’avenir

Au fond comme le souligne Stéphane Dedeyan, Directeur général de CNP Assurances, l’urgence est dans l’anticipation : « investir dans la recherche est une urgence pour tous les acteurs afin de garantir l’avenir des personnes et de leurs biens. Quoi de plus urgent que d’anticiper, de se préparer aux polycrises, en développant la prévention, en innovant dans nos solutions avec nos partenaires partout dans le monde ? »

De son côté, Jean-Christophe Merer, Directeur des risques Groupe de CNP Assurances, livre un regard contrasté, mélangé de confiance et d’inquiétude : « le secteur de l’assurance paraît globalement bien préparé à faire face aux risques qu’il connaît, grâce essentiellement à l’efficacité de ses modes de fonctionnement et à l’expertise de ceux qui en ont la responsabilité. En revanche, si le pire n’est pas certain, il n’est pas non plus complètement exclu :
– en tête des menaces sur le secteur, une cyberattaque majeure paralyserait les assureurs français, ainsi que l’ensemble des acteurs de notre pays et au-delà ;
-des catastrophes, naturelles ou non, d’ampleur exceptionnelle, qui nous semblent aujourd’hui inconcevables, peuvent se produire et avoir des conséquences systémiques ;
-viennent enfin les tendances connues aux conséquences difficilement prévisibles, mais probablement irréversibles, dont le réchauffement climatique fait partie ; parler de « risque » à cet égard est déjà une forme de climato-scepticisme. Aucun pays ne sera épargné et aucun ne réussira seul. »

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