Autorégulation : En confirmant la conformité à la constitution du dispositif, le conseil constitutionnel légitime mais encadre les missions des associations

Par un arrêt rendu ce jour, 21 octobre 2022, le conseil constitutionnel déclare conforme à la constitution, les dispositions du code des assurances et du code monétaire et financier qui ont créé un dispositif d’autorégulation dans le courtage d’assurance et bancaire, consistant en l’agrément par l’ACPR d’associations professionnelles auxquelles doivent adhérer de façon obligatoire les courtiers d’assurances et leurs mandataires, ainsi que les courtiers en opérations de banque et leurs mandataires.

Ces associations sont dotées de missions de professionnalisation et sont en mesure de pouvoir prononcer des sanctions à l’encontre de leurs membres dans le cadre strict des autorisations délivrées par l’ACPR et des statuts qui les gouvernent.

Par une décision du 25 juillet 2022, la 6ème section contentieuse du Conseil d’État avait renvoyé au Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, la vérification  de conformité à la constitution de certaines dispositions législatives issues de la loi du 8 avril 2021.

Il n’y a pas d’atteinte à la liberté d’entreprendre

Le conseil constitutionnel confirme une position constante au terme de laquelle le législateur est en mesure de pouvoir considérer que certaines professions réglementées se doivent d’être régulées et notamment que l’État s’arroge le droit d’exercer un contrôle renforcé à l’accès et à l’exercice de ces activités, particulièrement lorsque celles-ci s’inscrivent dans la poursuite de l’objectif d’intérêt général qu’est la protection des plus faibles, en l’espèce la protection des consommateurs.

Le conseil rappelle que les missions qui sont confiées aux associations professionnelles sont des missions essentiellement pédagogiques et des missions de professionnalisation.

Les travaux de vérification qui sont effectués par les associations leur permettent de refuser une demande d’adhésion ou de retirer à un membre cette qualité, donc de l’exclure de l’association. Ces décisions sont très strictement encadrées par des statuts validés par l’ACPR et peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge compétent.

Ces précisions légitiment pleinement les missions des associations à but essentiellement professionnalisant et pédagogique.

Il n’y a pas d’atteinte à l’égalité devant la loi

Il était reproché au législateur d’avoir instauré des dispositifs différenciés entre les acteurs, et donc selon les requérants, contraires au principe d’égalité devant la loi en obligeant les courtiers d’assurances et les courtiers bancaires, ainsi que leurs mandataires, à adhérer de façon obligatoire aux associations professionnelles, quand d’autres professions exerçant en France, mais également les mêmes professions exerçant en libre prestation de services, n’étaient pas assujetties aux mêmes obligations.

Le conseil rappelle que « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».

Le conseil en déduit, comme nous le pensions, que toutes les catégories professionnelles exerçant dans le secteur de la distribution ne doivent pas nécessairement être logées à la même enseigne, en raison précisément de leur différence statutaire.

C’est précisément ce qui est jugé au paragraphe 20 de la décision pour ce qui concerne tout d’abord les prestataires de services existant en LPS « qui sont déjà immatriculés dans leur état d’origine ».

Le conseil statue également sur les différences statutaires concernant « les établissements de crédit, les sociétés de financement, les sociétés de gestion de portefeuille, les entreprises d’investissement, les agents généraux d’assurances et les mandataires en opérations de banque et services de paiement qui sont soumis à des conditions et des contrôles propres à leur activité ».

Il n’y a donc aucune atteinte à l’égalité de traitement devant la loi dès lors que la différence de traitement résulte principalement d’une différence de situation, et en l’occurrence de statut.

Le conseil clarifie le périmètre des sanctions

On notera avec intérêt que le conseil constitutionnel déclare conforme à la constitution les dispositifs de sanction prévus par l’autorégulation en rappelant néanmoins que « les dispositions contestées qui se bornent à permettre aux associations professionnelles agréées d’exercer à l’égard de leurs membres les pouvoirs inhérents à l’organisation de toute association en vue d’assurer le respect de leurs conditions d’adhésion et de fonctionnement, n’ont ainsi en tout état de cause, ni pour objet, ni pour effet de conférer à ces associations le pouvoir de prononcer des sanctions ayant le caractère d’une punition ».

Le secteur s’est souvent fait l’écho d’inquiétudes légitimes des acteurs sur la réalité des sanctions susceptibles de pouvoir être prononcées par les associations.

En l’absence d’expérience et en amont de la mise en œuvre opérationnelle de l’activité de ces associations, cette précision nous paraît tout à fait essentielle d’une part, pour rappeler aux associations la nécessité de respecter ces principes, et d’autre part, pour créer le lien de confiance nécessaire avec leurs adhérents, les courtiers d’assurances et les courtiers en opérations de banque, auxquels ces dispositifs s’adressent et qui doivent les considérer comme des dispositifs d’entraide et non pas des dispositifs punitifs.

Isabelle Monin Lafin – Avocate fondatrice d’ASTREE

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