Défaillances d’entreprises : analyse et perspectives pour 2024

L’année 2023 a marqué un tournant significatif dans le paysage économique français avec l’enregistrement de près de 57 000 procédures collectives, selon une étude dévoilée par AU Group (courtier-conseil en garantie et financement du poste client, cautions et risques politiques) et EY (Spécialiste du traitement des données et des nouvelles technologies).

Cette analyse, portant sur les entreprises et secteurs les plus impactés, souligne une « normalisation » des défaillances à un niveau légèrement supérieur à la période pré-covid. 

Augmentation des défaillances en 2023 : Une normalisation post-covid

Après des mois de perturbations sans précédent dues à la crise sanitaire mondiale, le constat d’une augmentation substantielle des procédures collectives vient confirmer une tendance de « normalisation » post-covid. 

Cette évolution, loin d’être un simple retour à la normale, révèle les profondes transformations et les défis persistants auxquels sont confrontées les entreprises françaises dans un contexte de reprise économique fragile. Les Très Petites Entreprises (TPE) et les Petites et Moyennes Entreprises/Entreprises de Taille Intermédiaire (PME-ETI), qui constituent le cœur battant de l’économie, se trouvent particulièrement exposées, illustrant la vulnérabilité d’un secteur crucial pour la croissance et l’emploi en France. 

Un retour à la normale avec des conséquences notables

L’année 2023 a été caractérisée par une augmentation de plus de 35% des défaillances d’entreprises par rapport à l’année précédente, marquant un retour à un état légèrement supérieur à celui observé avant la pandémie de covid. 

Les TPE, représentant plus de 90% de ces défaillances, ainsi que les PME-ETI ont été particulièrement vulnérables, face à des défis financiers accrus et une difficulté d’accès au crédit.

Les secteurs les plus affectés

Les secteurs de la construction, notamment la promotion immobilière, la distribution et les services, ont enregistré le plus grand nombre d’insolvabilités. Le commerce de détail a également été durement touché, avec plusieurs enseignes placées en redressement judiciaire.

Les défaillances majeures en région Auvergne-Rhône-Alpes

Des entreprises notables telles que GO SPORT FRANCE, DOLPHIN FRANCE, et TRAX DISTRIBUTION figurent parmi le TOP 5 des procédures collectives en région Auvergne-Rhône-Alpes, illustrant l’impact régional spécifique de cette tendance nationale.

Perspectives pour 2024 : Vers une augmentation continue des défaillances

Alors que le monde émerge progressivement de l’ombre portée par la pandémie de covid-19, l’économie française se trouve à un carrefour crucial, confrontée à un ensemble de défis qui pourraient façonner son paysage entrepreneurial pour les années à venir. L’année 2024 s’annonce déjà comme une période de turbulences renouvelées pour les entreprises françaises, avec des perspectives économiques et politiques qui signalent une augmentation continue des défaillances. 

Selon Ana Boata, Head of Economic Research chez Allianz Trade « deux pays sur trois devraient voir en 2024, les faillites d’entreprises dépasser leur niveau pré-pandemie. Nous attendons une nouvelle poussée des faillites en 2024 (+8% mondialement), en particulier en Amérique du Nord (+21%) et Europe de l’Ouest (+8%)».

Facteurs économiques et politiques défavorables

Ces prévisions sombres sont le résultat d’une conjonction de facteurs économiques défavorables, notamment l’augmentation des coûts des matières premières et une inflation salariale tenace, qui mettent à l’épreuve la capacité des entreprises à se financer dans un environnement de taux d’intérêt croissants, comme l’explique Olivier de La Pontais, Directeur chez AU Group :

 « La conjonction économique et politique continue de peser sur l’avenir. La nouvelle hausse des matières premières, notamment celles du plastique, des produits chimiques et des métaux, sans compter l’inflation salariale qui a connu une augmentation de 4.5% selon l’INSEE en 2023 risquent de se poursuivre sur 2024. À cela s’ajoute le remboursement des PGE et des autres dettes historiques. Il sera alors nécessaire d’anticiper un refinancement à un coût plus élevé du fait de la montée des taux d’intérêt. » 

Et, selon François Delteil, Directeur Grand Comptes chez AU Group, expert en risques politiques « Des décisions politiques peuvent aussi être directement à l’origine de défaillances d’entreprises, notamment dans des pays soumis au « Fait du Prince »

Implications internationales

Les implications de ces défis sont amplifiées par un contexte international incertain, marqué par des élections présidentielles dans des pays clés et des conflits géopolitiques persistants, tels que la situation en Ukraine, qui ajoutent une couche supplémentaire d’incertitude pour les entreprises françaises.

D’après Guillaume Cornu, associé EY, responsable de l’activité Restructuring : « Les élections présidentielles prévues cette année dans de nombreux pays (USA, Taiwan, Inde, Russie…) qui viennent s’ajouter au conflit qui se poursuit entre l’Ukraine et la Russie risquent également d’entraîner des répercussions sur la stabilité des entreprises. Pour toutes ces raisons, les dirigeants doivent anticiper leurs besoins de financement et engager les discussions avec leurs partenaires financiers le plus tôt possible sur la base d’un business plan robuste intégrant notamment tous les leviers opérationnels pour optimiser leur rentabilité et leur trésorerie »

La promotion immobilière particulièrement vulnérable

Le secteur de la promotion immobilière fait face à une crise profonde, exacerbée par la hausse des coûts de production et des taux d’intérêt, ainsi que par la raréfaction du crédit immobilier comme le précise Florence Lafargue-Pautrat, associée EY « L’immobilier a beau avoir toujours été cyclique, la crise actuelle n’en est pas moins particulièrement brutale. La hausse de l’inflation comme celle des taux d’intérêt marquent actuellement une pause, ce qui peut laisser espérer un retournement de tendance » 

Selon Jacques Ehrmann, Directeur Général du Groupe Altarea « Les défaillances seront nombreuses vers 2024 – 2025 et les repreneurs ne se bousculeront pas au portillon » La résilience de ce secteur est donc mise à rude épreuve. 

Résilience des entrepreneurs face aux crises

Malgré les défis, la nécessité de soutenir la compétitivité des entreprises par des politiques économiques axées sur la production est soulignée par Audrey Louail, Dirigeante d’Ecritel, Présidente chez CroissancePlus « Il est désormais essentiel de soutenir la compétitivité de nos entreprises non pas à coup de subventions, mais par le maintien de la politique de l’offre telle qu’elle a été menée depuis plusieurs années »

Les entrepreneurs, pilier de l’innovation et de la croissance économique, sont appelés à faire preuve d’une adaptabilité exceptionnelle, en anticipant leurs besoins de financement et en s’ajustant à une réalité économique fluctuante. Ce passage critique vers 2024 exige donc une réflexion approfondie sur les stratégies de résilience et d’adaptation, essentielles pour naviguer dans les eaux tumultueuses de l’économie mondiale. 

« L’année 2024 dépendra beaucoup de cette capacité à mener une politique économique centrée sur la production plutôt que de céder aux sirènes du court-terme, qui alourdissent les charges des entreprises et pénalisent le pays » poursuit Audrey Louail.

Un avenir économique très incertain pour les entreprises

Les défaillances d’entreprises en France en 2023 signalent donc une normalisation post-covid, mais aussi l’entrée dans une période potentiellement difficile pour l’économie française. Les secteurs de la construction, du commerce de détail et des services ont été particulièrement touchés, avec des impacts significatifs notamment observés en région Auvergne-Rhône-Alpes. 

Les perspectives pour 2024 indiquent une continuation de cette tendance, avec des défis majeurs à relever pour les entreprises françaises. La résilience et l’anticipation seront clés pour naviguer dans ce contexte économique et politique incertain.

Pour aller plus loin 

Guillaume Cornu, Partner EY et Olivier de la Pontais, présentent leurs conclusions de l’Etude défaillances d’entreprises 2024. Les témoignages exclusifs des experts interrogés apportent un éclairage sur les dynamiques en cours et les risques à venir.

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