A qui appartiennent nos données personnelles ?

Les données personnelles, avec le développement du numérique et du big data, deviennent de plus en plus importantes.  Mais à  qui appartiennent-elles ? A celui qui les produit ? Ou aux GAFA et à toutes les autres plates-formes qui les absorbent et les commercialisent ? Gaspard Koenig philosophe et président du think tank Génération Libre s’exprime sur le sujet.
Il est primordial de légiférer sur ce point en développant le concept de patrimonialité, c’est-à-dire l’instauration d’une propriété privée sur les données, qui n’existe aujourd’hui dans aucun pays au monde. Le jour où nos données nous appartiendront, nous pourrons décider de manière autonome d’en faire l’usage qu’il nous plaît, en les cédant ou non, contre rémunération ou non, de manière temporaire ou définitive, intégrale ou partielle,… . Chacun attachera à ses données les termes contractuels qui lui conviendront. Le juriste britannique Christopher Rees a élaboré cette hypothèse, en considérant que le droit de propriété devrait s’étendre aux datas à l’ère numérique, comme il s’était étendu à la propriété intellectuelle lors de la révolution industrielle.
C’est tout le modèle économique de l’Internet qui serait chamboulé par la patrimonialité des données, en introduisant une relation directe, marchande, entre les plates-formes et leurs utilisateurs. Le producteur de données serait directement rétribué en fonction de sa valeur propre. Prenons l’exemple d’une application de trafic en temps réel. Aujourd’hui, elle est gratuite pour tous et fonctionne grâce à l’agrégation des données de géolocalisation de tous. Chacun se vaut, et tout le monde vaut zéro. Demain, le chauffeur routier serait rémunéré très cher pour s’y inscrire, tandis que le chauffeur « x » devra payer son accès. Un tel marché des données se prêterait à la variété des situations individuelles et ouvrirait des possibilités de négociation, y compris collective (on pourrait par exemple imaginer des sociétés de gestion des données, comme il en existe pour les droits d’auteur).
Cette idée de patrimonialité a été reconnue et rejetée par le gouvernement, qui a suivi mot pour mot l’analyse du Conseil d’Etat dans son rapport sur le numérique de 2014. La raison principale est que l’Etat devrait renoncer à sa « logique de protection » de l’individu. Ultimement, les données personnelles sont considérées par les juristes comme une extension de notre organisme. Pour admettre la patrimonialité des données, il faudrait commencer par appliquer le droit de propriété… à notre propre corps. Mon corps m’appartient, mes données aussi !
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