Sébastien Acédo, Directeur général de Roam a contribué au nouvel ouvrage* collectif : « Les Transformers de la relation clients » dans l’assurance, proposé récemment par Vovoxx Média.
Evoquons les grands enjeux de la relation clients, dans l’assurance. Quels sont les changements et les impacts de la relation clients liés aux nouveaux risques ?
L’assurance vit ces dernières années une transformation profonde de la relation clients, portée par la montée des risques émergents et la sensibilité croissante de la société aux enjeux environnementaux, technologiques et économiques. Alors que les attentes des assurés évoluent vers plus de personnalisation, de réactivité et de transparence, les assureurs doivent adapter leur modèle relationnel à un environnement de risques qui se complexifie.
La multiplication des événements climatiques extrêmes (inondations, sécheresses, incendies), le risque accru de cyberattaques, la couverture des collectivités territoriales… mettent en tension le modèle assurantiel traditionnel, basé sur la mutualisation, et par la même occasion la relation client.
L’assureur devient davantage un acteur de la gestion du risque, et non plus seulement un payeur a posteriori. Grâce aux données, les assureurs peuvent mieux comprendre les comportements et proposer des contrats adaptés mais cela implique, en contrepartie, une relation de confiance et une gouvernance éthique de la donnée.
Il-y-a-t-il des impacts de l’influence des réseaux sociaux dans la relation clients ?
Les réseaux sociaux (X, Linkedin, Facebook, Tik-Tok) et les messageries instantanées (Whatsapp, Messenger, Snap Chat…) ont davantage contribué à enrichir la relation entre les assureurs et leurs clients/adhérents/sociétaires qu’à la redéfinir à proprement parler. Ni canaux centraux, ni canaux secondaires non plus, ils font partie intégrante d’une logique « omnicanale » voie « opticanal » (sélectionner le bon canal au moment en fonction de l’expérience client).
Les réseaux sociaux sont aussi à double tranchant. Les assurés utilisent les réseaux sociaux pour exprimer leurs attentes, partager leurs insatisfactions ou relayer des expériences de sinistre. Un mécontentement posté sur X, LinkedIn ou Facebook (un « clash ») peut rapidement devenir viral et ternir la notoriété de l’assureur (le « bad buzz »). Cela impose une réactivité accrue des équipes, souvent en temps réel.
Bien utilisés, les réseaux permettent de créer du lien et de participer à l’accessibilité de l’assurance, souvent attaquée pour le peu de lisibilité de ses garanties et des contrats. Les assureurs mutualistes ont ainsi une occasion d’incarner leurs valeurs de proximité, de solidarité à condition de ne pas se substituer à la logique du point d’accueil physique.
Les réseaux sociaux ne sont pas un simple canal d’information : ils sont devenus un baromètre de la satisfaction client et un levier puissant pour renforcer — ou dégrader — la confiance. Pour les assureurs, cela exige un dialogue authentique, structuré et incarné, à la hauteur des nouveaux usages.
À l’horizon 2030, les réseaux sociaux — enrichis par l’intelligence artificielle, la réalité augmentée et les agents conversationnels — deviendront des espaces de relation continue entre l’assureur et l’assuré. Les interactions ne seront plus seulement réactives, mais pourront être prédictives et contextualisées, intégrant des alertes de prévention personnalisées, des réponses automatisées, ou encore des conseils en temps réel, intégrés dans la vie quotidienne. Mais les réseaux sociaux, aussi puissant soient-ils, ne sauront rivaliser avec la puissance de l’échange téléphonique ou en agence.
Evoquons les enjeux et impacts sur l’organisation & les compétences de la relation clients. Faut-il rechallenger, revoir, l’excellence relationnelle ?
Les assurés ne comparent plus leur expérience uniquement à celle d’un autre assureur. Ils appliquent les mêmes standards et les mêmes exigences que pour Amazon, Netflix ou leur banque en ligne. L’excellence relationnelle ne se mesure plus à la qualité d’un contact téléphonique, mais à la rapidité de traitement, la fluidité du parcours (notamment digital), la transparence des informations, et à la capacité à répondre aux besoins. Alors, « Rechallenger » : oui, mais comment ?
- En renouvelant les indicateurs de mesure de la satisfaction : ne plus se limiter au fameux NPS mais l’enrichir d’indicateurs de confiance, de mesure de l’émotion (grâce à l’IA)…
- En formant les équipes à une relation hybride : humaine et digitale, empathique mais rapide.
- En inscrivant la relation clients dans une logique de « care » (aller au-delà de la couverture du risque) et de « self-care » (rendre l’assuré acteur de son parcours client).
La relation de proximité semble importante pour une partie de la population. Les réseaux physiques se transforment-ils ?
Les réseaux physiques renforcent leur dimension relationnelle et conseil. À l’heure du digital, leur valeur réside dans l’expertise humaine, la proximité et la capacité à gérer les situations complexes (sinistres, accompagnement, prévention).
Ils doivent devenir des lieux d’engagement local, ancrés dans les territoires, en lien avec les acteurs économiques et sociaux. L’hybridation avec les outils numériques est indispensable pour offrir une expérience fluide et cohérente entre tous les canaux.
Les agences doivent proposer aussi bien des rendez-vous physiques que distants, et accéder à l’ensemble du parcours client. Cela implique une montée en compétences des équipes, vers plus de conseil et de gestion personnalisée et un système d’information centralisé pour piloter la relation clients de bout en bout.
Bien utilisés, ces réseaux sont un levier de confiance et de fidélisation. Loin d’être obsolètes, ils peuvent redevenir des atouts stratégiques et conforter l’ancrage territorial des assureurs de proximité et à taille humaine.
Parlons du conseiller humain à horizon 2030, allons-nous vers une disparition ou une revalorisation de son rôle ?
Le conseiller humain ne va pas disparaitre avec la montée en puissance de l’IA ou de l’IA générative. Au contraire. Il est amené à glisser vers un rôle « d’expert augmenté ».
L’IA transforme le métier de conseiller, mais ne le remplacera pas. Elle automatise déjà certaines tâches simples et enrichit la connaissance clients, ce qui libère du temps pour des missions à plus forte valeur ajoutée. Dans les moments clés de la vie du contrat tels que les sinistres, l’humain reste un élément d’attente forte. Les clients attendent une relation hybride : rapide et efficace grâce à l’IA, mais incarnée et rassurante grâce à l’humain. Loin de disparaître, le conseiller évolue vers un rôle plus stratégique, centré sur la confiance, l’écoute et l’accompagnement.
L’avenir appartient à ceux qui sauront conjuguer technologie et relation humaine.
Un sujet important pour certains, doit-on internaliser / externaliser la relation clients ?
Externaliser ou ne pas externaliser la relation clients, telle est la question ! Le débat n’est pas nouveau dans la profession mais il est constamment réinterrogé au regard de la profusion des outils, APIs, plateformes et logiciels qui promettent le « sans couture ». Selon une étude EY, l’assurance ne représente que 7% du chiffre d’affaires des délégataires de la relation clients, moins que d’autres secteurs (12% pour le retail et 25% pour les télécoms). Au-delà de la logique des coûts, la recherche de flexibilité dans les flux à absorber pourrait à terme accélérer cette tendance à la délégation.
Entre cadre et liberté : peut-on concilier réglementation et relation clients ?
Concilier conformité et relation clients n’est plus un terme de débat. La gouvernance produits (POG), la DDA, LCB-FT, les recommandations récentes de l’ACPR viennent le confirmer. En revanche, la question du comment reste, quant à elle, entière. La conformité est un enjeu commercial et non une série d’obligations qui consisterait à obérer toute possibilité de développement commercial.
Bien appliquée et bien intégrée dans les parcours clients, la conformité renforce la confiance. Les exigences réglementaires visent à protéger l’assuré, pas à complexifier le parcours. Là encore, la technologie permet de fluidifier les démarches tout en respectant les contraintes réglementaires. Les parcours doivent intégrer la conformité dès la conception (« legal by design ») pour éviter les frictions. Les conseillers doivent être formés pour traduire la réglementation en avantages clients. En automatisant certains contrôles et en clarifiant les messages, la relation reste simple et rassurante. Une conformité bien pensée devient un levier de différenciation pour l’assureur et le distributeur.
Les technologies & outils au service de l’excellence de la relation clients. Quels sont les technos/outils qui feront vraiment la différence à horizon 2030 ?
Le futur de la relation clients en assurance repose sur un triptyque : technologie utile, conseil humain et parcours sans couture. Les outils, couplés entre eux, ne sont que les moyens appliqués à une réflexion stratégique, certainement pas une finalité suffisante.
- Les CRM intelligents : aucun back-office dans l’assurance ne peut faire abstraction d’un outil de gestion de la relation clients. C’est un standard minimum, un prérequis. Les plus avancés intègrent désormais de la data en temps réel, des recommandations automatisées, et des profils enrichis.
- L’automatisation et l’IA : des outils comme les Robotic Process Automation (RPA) automatisent des tâches répétitives (saisie, relances, vérifications) qui libèrent du temps, améliorent la productivité et maitrisent les coûts.
Voicebot et chatbot : ils sont bien implantés depuis cinq ans dans les usages, avec des fortunes diverses. Ces outils, vitaminés à l’IA génératives, retrouveront dans les prochaines une véritable valeur d’usage sur des espaces bien délimités de la relation clients : mise à jour de garanties, déclaration de sinistre, dépôts de pièces…
Pour le reste, le bonheur n’est et ne doit pas être dans le « bot » mais dans l’humain et la proximité !
*L’ouvrage de 102 pages s’appuie sur :
- Des entretiens vidéos et écrits, une analyse émotionnelle inédite à partir de plus de 300 000 verbatims clients, et une enquête sectorielle BtoB.
Une initiative collective initiée et portée par Vovoxx Média et Nelly Brossard
Conçu comme un miroir brut et sans filtre, Les Transformers de la relation clients donne la parole à celles et ceux qui, dans les coulisses des entreprises, façonnent chaque jour une nouvelle manière d’être en lien avec les assurés. Les contributeurs de l’ouvrage sont :
Sébastien Acédo – Directeur général – Roam, Caroline Adam – Déléguée Générale – SP2C, Amélie Anastassiades – Directrice de l’Excellence Clients – AESIO mutuelle , Pascal Chapelon – Président – agéa, Nathalie Ciornei – Directrice de la relation sociétaire – MATMUT, Eric Dadian – Président – AFRC, Julie Devoret – Regional Sales Director pour les services financiers – Salesforce, François Féquant – Directeur Marketing Communication et Innovation – MMA (Groupe Covéa), Valérie Isaac – Directrice Commerciale sur le marché assurance – Majorel, Loïc Kueny – Directeur Marketing – Direct Assurance, Christophe Hautbourg – Directeur Général – Planète CSCA, Sébastien Limousin – Directeur général délégué du groupe en charge de la distribution & du digital – Groupe APRIL, Gilles Moyse – Président et cofondateur – reciTAL, Victoria Naïbo – Head of Customer Advocacy – BNP Paribas Cardif France, Rodolphe Pachot – Directeur Marketing et Digital – Generali France, Marie-Eve Saint-Cierge Lovy – Directrice de l’Expérience Clients – Apicil.


