Assurance : l’entreprise à mission s’enracine lentement

Six ans après la loi PACTE, le modèle des entreprises à mission s’installe durablement dans le paysage économique français.


En 2025, près de 2 000 sociétés à mission sont recensées en France — un chiffre qui traduit un changement culturel profond, mais aussi des disparités sectorielles notables.

Une dynamique qui s’amplifie

Selon l’Observatoire des sociétés à mission, 1 961 entreprises avaient adopté le statut fin 2024, contre environ 600 trois ans plus tôt.
Le rythme est soutenu : une nouvelle société à mission toutes les 18 heures.
Derrière ces chiffres, plus d’un million de salariés évoluent désormais dans des organisations ou groupes dont la raison d’être est inscrite dans les statuts.

Longtemps dominé par les start-ups à impact, le mouvement s’élargit : ETI et grands groupes adoptent la mission pour structurer leur gouvernance, renforcer leur attractivité et rendre leurs engagements mesurables.

Un cadre exigeant, mais porteur de valeur

La qualité de société à mission repose sur quatre piliers :

  • une raison d’être statutaire,
  • des objectifs sociaux et environnementaux mesurables,
  • un comité de mission chargé du suivi,
  • et, dans certains cas, une vérification indépendante par un organisme tiers (OTI).

Mais au-delà du cadre juridique, l’enjeu est culturel : faire de la mission un levier concret de décision, d’innovation et de cohérence. En 2025, les experts soulignent une exigence accrue sur la transparence des indicateurs et la qualité des rapports de mission, considérés comme de véritables outils de pilotage.

L’assurance : un secteur engagé, mais stable en volume

Historiquement aligné avec des valeurs de solidarité et de mutualisation, le secteur de l’assurance a été parmi les premiers à s’emparer du modèle. Mais contrairement à d’autres secteurs, le nombre d’acteurs à mission n’a pas significativement progressé ces deux dernières années.

D’après les données croisées de l’Observatoire et du livre blanc Les sociétés à mission du secteur assurance (2023), le secteur comptait environ 20 entreprises à mission, sur une centaine d’acteurs financiers engagés au total. Une proportion qui reste stable en 2025, sans nouvelle vague d’adoption « massive ».

Cette relative stagnation traduit moins un désintérêt qu’un temps d’appropriation : les grands groupes, déjà engagés dans des démarches RSE avancées, privilégient souvent la consolidation de leurs dispositifs internes avant de franchir l’étape juridique.

Les pionniers toujours en tête

  • MAIF, première grande société d’assurance à mission (depuis 2020), reste la référence. Ses cinq objectifs statutaires couvrent la sobriété, le bien-être au travail et l’intérêt collectif.
  • Klesia, Harmonie Mutuelle (Entreprise Mutualiste à Mission (EMM), Wakam, UMR ou MGP et Tutélaire (Mutuelles à Mission), par exemples, poursuivent la démarche, intégrant la mission dans leurs politiques RH, d’investissement et de prévention.
  • Certaines insurtechs et mutuelles locales explorent la voie, souvent dans une logique d’expérimentation ou de communication de sens.

Leur retour d’expérience met en avant un bénéfice commun : une gouvernance plus participative et un alignement renforcé entre stratégie et valeurs.

Les défis d’une mission crédible

Si la mission renforce la légitimité d’un assureur, elle impose aussi une discipline nouvelle :

  • Aligner l’engagement et la rentabilité, sans affaiblir la solidité du modèle économique.
  • Mesurer l’impact réel sur des enjeux complexes (climat, inclusion, prévention).
  • Garantir la cohérence entre politique d’investissement et promesse sociétale.
  • Et surtout, éviter le “mission washing”, perçu comme un risque réputationnel majeur dans un secteur fondé sur la confiance.

À ce titre, l’assurance demeure un laboratoire d’équilibre : la mission y est pertinente par essence, mais exigeante dans son exécution.

Un mouvement plus qualitatif que quantitatif

L’année 2025 marque une évolution dans la nature du mouvement : moins de nouveaux entrants, mais une montée en qualité des pratiques.
Les comités de mission gagnent en expertise, les indicateurs d’impact se précisent, et les auditeurs tiers deviennent de véritables partenaires d’amélioration continue.

Les entreprises à mission du secteur assurance se distinguent désormais par la maturité de leur gouvernance, plus que par leur nombre.
Une logique d’approfondissement, qui traduit la volonté de consolider avant d’étendre.

Le bilan 2025 est contrasté : si le modèle des entreprises à mission s’impose dans l’économie française, sa diffusion reste mesurée dans l’assurance.
Les pionniers y maintiennent le cap, mais le mouvement ne s’élargit pas encore de manière significative. Ce secteur, fondé sur la confiance et la prévoyance, avance prudemment : il cherche moins à multiplier les statuts qu’à prouver la valeur réelle de la mission.
Et c’est peut-être là sa plus grande force : privilégier la solidité à la vitesse, la preuve à l’effet d’annonce.

Et demain : valoriser les entreprises à mission dans l’assurance

Le mouvement des sociétés à mission incarne une évolution profonde de la relation entre entreprise, société et confiance. Il trouve naturellement sa place dans les Trophées de l’Engagement en Assurance, organisés par Vovoxx Média.
Ces trophées devraient aussi mettre en lumière les entreprises à mission : elles traduisent concrètement l’engagement sociétal et environnemental de l’assurance d’aujourd’hui. Leur présence renforcerait la visibilité d’une assurance qui ne se contente plus de couvrir les risques, mais contribue activement à prévenir, accompagner et transformer.

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