Entre incertitudes géopolitiques, régulation mouvante et modernisation technologique, les professionnels de l’assurance sud-africains cherchent à renforcer leur résilience stratégique. Le baromètre Milliman 2025 met en lumière les leviers d’action prioritaires.
La deuxième édition du « South African Insurance Industry Update » organisée par Milliman a rassemblé à Johannesburg et au Cap les décideurs du secteur autour d’un objectif commun : identifier les nouveaux risques systémiques qui bouleversent l’assurance. Dans un contexte mondial tendu, les assureurs sud-africains doivent faire évoluer leurs méthodes pour mieux anticiper les risques liés au climat, à la cybersécurité, à l’intelligence artificielle et aux déséquilibres sociaux.
Ces thématiques, largement partagées dans les rapports internationaux (IRMSA, AXA, WEF, Swiss Re…), appellent à sortir d’une approche en silos pour adopter une vision systémique des menaces. Les intervenants ont souligné l’importance de scénarios de stress crédibles pour éviter les biais de confirmation dans la gouvernance des risques. Ce repositionnement stratégique constitue un impératif pour les assureurs souhaitant transformer l’incertitude en levier de différenciation compétitive.
Capital et dividendes : vers une gouvernance plus fine
Sur le plan de la gestion du capital, la mise à jour des recommandations de l’EIOPA (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) autour des dividendes prévisibles interpelle le marché sud-africain. Trois méthodes sont proposées pour refléter les engagements en dividendes dans les ratios de solvabilité, avec une préférence pour l’approche par accumulation trimestrielle, plus alignée sur les bénéfices réels.
Cette évolution réglementaire questionne aussi le traitement différencié des rachats d’actions, rarement intégrés dans les modèles de risque malgré leur impact similaire. Pour les acteurs émergents, où les versements futurs sont plus incertains, l’ajustement des règles de calcul constitue un défi. La gestion dynamique du capital apparaît dès lors comme un enjeu de gouvernance structurant, en écho aux préoccupations liées à la rentabilité des fonds propres (ROE).
Repenser la couverture du risque de rachat massif
La reconfiguration des modèles de réassurance face au risque de résiliation massive de contrats (« mass lapse ») constitue un autre chantier stratégique. Si la couverture sur 12 mois reste la norme, elle se révèle souvent inadaptée en cas de chocs prolongés. L’EIOPA appelle à une meilleure articulation entre exposition réelle et protection effective, en intégrant des éléments comme la définition des seuils de déclenchement ou le risque de non-renouvellement des traités.
Certains professionnels interrogent le traitement du risque de rachat comme un risque de capital alors qu’il pourrait relever de la liquidité. D’autres explorent des alternatives à la réassurance, incitant à revoir les arbitrages stratégiques pour maintenir une solvabilité robuste. En toile de fond, la gestion proactive de la volatilité devient un facteur clé d’agilité.
Un secteur confronté à des chocs externes majeurs
Au-delà des aspects techniques, le baromètre 2025 met en exergue les influences externes qui reconfigurent le secteur : fragilité macroéconomique, pressions inflationnistes, désengagement de certains bailleurs de fonds en santé, montée des fraudes, fragmentation des chaînes d’approvisionnement, défiance vaccinale, ou encore incertitude politique.
Dans ce contexte, les assureurs doivent arbitrer entre consolidation, recherche de nouveaux modèles d’organisation, et optimisation des structures capitalistiques. La modernisation des systèmes, la transformation numérique et l’intégration de l’intelligence artificielle suscitent un fort intérêt, avec l’espoir d’un gain d’efficacité opérationnelle. Mais les difficultés de mise en œuvre restent nombreuses, tant sur le plan technique que culturel.
Une transformation qui exige vision stratégique et rigueur opérationnelle
Face à la complexité croissante des environnements de risque, le rapport de Milliman souligne la nécessité pour les assureurs d’Afrique du Sud d’allier anticipation stratégique et adaptation réglementaire. La capacité à conjuguer innovation technologique, gouvernance robuste et gestion rigoureuse du capital s’impose comme le socle d’une croissance durable.
Dans un paysage mondial où les lignes bougent rapidement, l’agilité organisationnelle et la capacité à collaborer avec les réassureurs ou les régulateurs feront la différence. L’assurance sud-africaine se trouve à la croisée des chemins : celle d’un renforcement structurel pour accompagner les évolutions sociales et économiques profondes.