L’Ondam face aux défis structurels du système de santé

La Cour des comptes alerte sur la trajectoire insoutenable de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie et propose des pistes pour renforcer efficacité, équité et prévention.

À 265,4 milliards d’euros en 2025, hors dépenses exceptionnelles liées au covid, l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) franchit un nouveau cap. Ce dispositif budgétaire, voté chaque année dans la loi de financement de la sécurité sociale, encadre les dépenses des trois branches principales de la Sécurité sociale : maladie, autonomie, et accidents du travail-maladies professionnelles. Depuis 2019, sa progression moyenne annuelle s’élève à +4,8 %, contre +2,4 % sur la période 2015-2019. Il représente désormais 8,9 % du produit intérieur brut (PIB), contre 8,2 % en 2019.

Ce rythme soutenu s’explique par des facteurs structurels de long terme. Le vieillissement de la population, la prévalence croissante des maladies chroniques, et la pression sur l’offre de soins liée à la pénurie de personnels soignants pèsent lourdement sur les équilibres économiques du système. Selon la Cour des comptes, le coût de ces tendances pourrait augmenter les dépenses de soins de ville et hospitaliers de 3 milliards d’euros supplémentaires par an d’ici 2030.

Une efficacité à renforcer pour contenir la dette sociale

La perspective d’un Ondam progressant à +2,9 % par an jusqu’en 2028 suppose de réaliser des économies, actuellement non documentées. En l’état, cette trajectoire pourrait presque doubler le déficit cumulé des trois branches concernées, passant de 11,8 milliards d’euros en 2024 à 20,1 milliards d’euros en 2028. La dette sociale atteindrait alors 73,4 milliards d’euros.

Pour redresser la situation tout en préservant la qualité des soins, la Cour des comptes propose trois axes : dépenser à bon escient, dépenser efficacement, et dépenser équitablement. Ces recommandations visent à documenter les mesures nécessaires à la maîtrise de la dépense publique de santé, tout en conservant les principes fondamentaux de solidarité et de qualité.

Prévention, lutte contre la fraude et optimisation des soins : leviers prioritaires

La Cour identifie plusieurs leviers d’optimisation. La prévention en santé, encore sous-exploitée, pourrait freiner la montée en charge des affections de longue durée, qui concentrent plus des deux tiers des remboursements de l’Assurance maladie. À titre d’exemple, un an d’espérance de vie sans incapacité permettrait d’économiser 1,5 milliard d’euros.

En parallèle, la lutte contre la fraude enregistre des progrès significatifs (+35 % en 2024), mais reste très inférieure au montant estimé des fraudes (4,5 milliards d’euros). Des efforts ciblés sont attendus, notamment sur la branche autonomie, aujourd’hui peu contrôlée.

La régulation des produits de santé constitue également un enjeu stratégique, alors que le coût des médicaments innovants, en particulier les anti-cancéreux, pourrait tripler d’ici 2028. Pour maîtriser ces dépenses, la Cour recommande une évaluation médico-économique renforcée et une renégociation des prix basée sur les résultats cliniques observés.

Qualité des soins et organisation territoriale en ligne de mire

L’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins reste un objectif central. En 2024, 4 574 évènements indésirables graves ont été déclarés, en hausse de 13 % par rapport à 2023. Ces incidents génèrent des surcoûts évitables et soulignent la nécessité d’une meilleure organisation territoriale. En particulier, les petits hôpitaux publics souffrent d’une faible activité en chirurgie et d’un recours coûteux à des renforts temporaires. La Cour encourage les regroupements au sein des groupements hospitaliers de territoire pour mutualiser les ressources et améliorer les soins.

Rééquilibrer le partage entre assurance publique et complémentaires santé

Depuis 2015, la progression rapide de l’Ondam s’est accompagnée d’un transfert de charges de 5,5 milliards d’euros depuis les organismes complémentaires vers l’Assurance maladie obligatoire. Ce déséquilibre croissant appelle une approche concertée et pluriannuelle pour rééquilibrer la contribution respective des différents financeurs. Par ailleurs, les professionnels de santé et les assurés doivent être davantage responsabilisés pour contenir les dépenses.

Dans le contexte des réformes à venir, notamment avec la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, la Cour des comptes invite les pouvoirs publics à définir une trajectoire soutenable et réaliste, reposant sur des actions documentées, mesurables et coordonnées.

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