Dans leur 17e baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi, le Défenseur des droits et l’OIT font le point sur les discriminations visant les 50 ans et plus dans l’emploi.
La France compte aujourd’hui environ 30 millions de personnes en âge de travailler. Selon l’Insee, le taux d’activité des 55 ans et plus a presque doublé entre 1998 et 2021 et se stabilise désormais autour de 25 %. La hausse de la part des seniors en emploi s’explique à la fois par les évolutions démographiques, par les politiques publiques adoptées face au vieillissement de la population et par le recul progressif de l’âge d’entrée dans la vie active. Pour comprendre ce que vivent les personnes de 50 ans et plus quand elles sont en emploi, et notamment les discriminations auxquelles elles font face, le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) y a consacré l’édition 2024 de son baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi.
Si le taux d’emploi des seniors progresse depuis plusieurs années, l’accès au travail et le maintien en poste restent difficiles. La probabilité d’embauche des 50 ans et plus est deux fois moindre que celle des 30-49 ans, et seuls un tiers des demandeurs d’emploi de 50 ans et plus retrouvent un poste. En 2021, près d’un senior sur six n’était ni en emploi ni à la retraite. Par ailleurs, l’usure professionnelle les touche davantage : selon la Dares, en 2019, 37 % des salariés jugeaient leur travail non tenable jusqu’à l’âge de la retraite.
Par ailleurs, près d’un quart des seniors déclarent avoir été victimes de discrimination dans l’emploi ; un sur deux rapporte des relations de travail dévalorisantes au cours des cinq dernières années. L’exposition est inégale. Les seniors perçus comme non-blancs déclarent davantage de discriminations (43 % contre 22 %). Elle est aussi plus fréquente chez ceux en mauvaise santé (32 % contre 17 %) ou en situation économique précaire (30 % contre 15 %). Un tiers des 50+ s’inquiètent de leur avenir professionnel et un sur cinq travaille avec la crainte de perdre son emploi, surtout dans le privé. Au total, 66 % pensent pouvoir être discriminés à l’avenir en raison de l’âge.
Au niveau de la société, 68 % des actifs estiment que des personnes sont souvent discriminées au regard d’au moins un critère prohibé par la loi. Les stéréotypes restent en effet tenaces : près d’un actif sur deux juge les seniors dépassés par la technologie, quatre sur dix les disent à la santé fragile et difficiles à intégrer à des équipes plus jeunes ; un tiers évoque leur coût ou un manque de dynamisme. Dans l’emploi, la notion d’âgisme, définie comme « un processus de stéréotypage systématique et de discrimination contre les personnes, en raison de leur âge », semble donc particulièrement opérante.
Les impacts de cette discrimination sont lourds sur le travail et la santé : 22 % ont démissionné ou négocié un départ après une situation discriminante, 16 % ont été licenciés ou non renouvelés. 71 % des victimes rapportent une dégradation de la santé mentale (tristesse, fatigue, dépression). Pourtant, un tiers n’entreprend aucune démarche. Les freins sont nombreux : penser que cela ne changerait rien (43 %), méconnaissance des recours (36 %), peur des représailles (26 %), absence de preuve (20 %). Les seniors parlent davantage à un proche (31 %) ou aux représentants du personnel/syndicats (22 %).
Côté organisations, le décalage persiste entre difficultés et prévention. Six actifs sur dix se disent informés des risques de santé au travail, la moitié des aménagements possibles. Quand un employeur est à l’écoute, 29 % des seniors obtiennent un aménagement des conditions ou du poste, 24 % du temps de travail ; 29 % n’ont aucune proposition. La retraite progressive et l’aménagement du temps figurent parmi les mesures prioritaires pour maintenir l’emploi. Le rapport rappelle que « “l’usure professionnelle” se prévient avant 50 ans ».
L’OIT et le Défenseur des droits appelle à prévenir et sanctionner les discriminations, à former recruteurs et managers (réglementation sur la non-discrimination à l’embauche), à installer des dispositifs de signalement, des indicateurs et des audits. Il recommande d’intégrer le vieillissement dans les politiques de santé au travail, de prévenir l’obsolescence des compétences (technologie, data), d’anticiper les fins de carrière et d’adapter l’organisation du travail. Objectif : restaurer la confiance des seniors et améliorer durablement leur maintien dans l’emploi.

