Risque cyber : une menace croissante pour les banques

La résilience opérationnelle devient un enjeu critique pour la stabilité financière et les assurances liées au secteur bancaire.

La multiplication des cyberattaques place désormais le risque informatique au premier plan des préoccupations des dirigeants bancaires, des superviseurs et des acteurs de la stabilité financière. Dans un contexte de numérisation accélérée des services, de dépendance accrue aux prestataires tiers et d’instabilité géopolitique, les établissements bancaires européens apparaissent de plus en plus vulnérables. Pour le secteur de l’assurance, ces évolutions constituent un signal fort : la couverture des risques cyber et la gestion de la continuité d’activité deviennent des composantes essentielles de l’analyse du risque client.

Selon les données de la Banque centrale européenne (BCE), le nombre d’incidents cyber significatifs signalés par les grandes banques a plus que doublé en deux ans. Ces incidents, bien que parfois minimisés dans les déclarations officielles pour des raisons de réputation ou d’impact économique, incluent des interruptions de services, des vols de données sensibles ou encore des rançongiciels. Pour les professionnels de l’assurance, cela pose la question de la gouvernance du risque opérationnel et du calibrage des contrats cyber dans l’univers bancaire.

Des systèmes toujours plus exposés, des menaces toujours plus variées

L’environnement numérique des banques fonctionne aujourd’hui en continu. Cette connectivité permanente crée une exposition inédite à un large éventail de menaces, allant du phishing au DDoS (attaque par déni de service), en passant par les malwares, les détournements de comptes à l’aide de l’intelligence artificielle, ou encore les intrusions motivées par des enjeux géopolitiques. La guerre en Ukraine a, par exemple, donné lieu à une recrudescence de cyberattaques ciblant des institutions financières européennes.

Les banques réagissent en renforçant leur arsenal technologique : plateformes d’intelligence, systèmes SIEM (Security Information and Event Management), SOAR (Security Orchestration, Automation and Response), pare-feux et tests de résilience. En parallèle, les contrats d’assurance cyber se développent, mais restent encore peu homogènes d’un acteur à l’autre. Le rôle de l’assureur est ici central pour accompagner les banques dans l’évaluation de leur exposition et dans la conception de produits adaptés aux menaces évolutives.

Une dépendance critique aux prestataires externes

La concentration des services externalisés, notamment en matière d’hébergement cloud et de traitement de données, constitue une faiblesse structurelle. Plus de 30 % des contrats d’externalisation des banques européennes sont aujourd’hui concentrés sur dix prestataires, la plupart basés hors de l’Union européenne. Cette dépendance crée des risques de conformité, de perte de données, mais aussi des failles dans la maîtrise de la chaîne opérationnelle, comme en témoigne l’incident mondial lié à la mise à jour d’un logiciel de sécurité en juillet 2024.

Pour les assureurs, cela interroge sur l’intégration du risque fournisseur dans les grilles de souscription et la capacité à anticiper des sinistres systémiques, potentiellement déclenchés par une faille unique dans un prestataire majeur. La question de la mutualisation du risque et des réassurances spécialisées pourrait se poser avec plus d’acuité dans les prochaines années.

Réglementation : vers une exigence de transparence et de robustesse accrue

L’entrée en vigueur en janvier 2025 du règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) marque un tournant. Ce nouveau cadre européen impose aux banques des obligations renforcées en matière de résilience numérique, de tests de crise, de gestion des incidents et de contrôle des prestataires externes. Pour les assureurs, DORA pourrait devenir une référence structurante, facilitant l’évaluation du risque cyber à travers des critères normalisés.

Les stress-tests réalisés par la BCE en 2024 ont par ailleurs révélé que de nombreuses institutions doivent encore progresser dans leur capacité à détecter et à contenir les incidents critiques. Dans ce contexte, les produits d’assurance traditionnels atteignent leurs limites. L’innovation assurantielle s’impose comme une nécessité pour concevoir des offres sur-mesure combinant prévention, accompagnement technique et indemnisation rapide.

Vers une intégration plus fine du risque cyber dans la notation des institutions

Jusqu’à présent, les cyberattaques n’ont pas provoqué d’actions de notation négatives isolées, selon Morningstar DBRS. Toutefois, leur fréquence, leur sophistication croissante et leur potentiel de contagion financière pourraient remettre en cause cette approche. L’agence indique désormais considérer les risques informatiques comme des facteurs sociaux dans ses critères ESG, avec un impact potentiel sur la notation en cas de défaut de gouvernance ou d’incident majeur non maîtrisé.

Pour les acteurs de l’assurance, cette évolution souligne l’importance d’une approche multidimensionnelle du risque cyber : au croisement de la gestion du patrimoine informationnel, de la conformité réglementaire et de la réputation d’entreprise.

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