L’intelligence artificielle s’impose progressivement comme un outil structurant pour la fonction achats, mais les investissements restent en décalage avec les enjeux stratégiques.Â
Alors que la digitalisation s’accélère dans l’ensemble des organisations, la fonction achats se retrouve à la croisée de plusieurs enjeux majeurs : maîtrise des risques, performance opérationnelle, pilotage de la data et sécurisation des flux financiers. Selon une étude publiée par SAP Taulia, spécialiste des solutions de gestion du fonds de roulement, une large majorité des dirigeants français reconnaissent désormais le rôle stratégique de l’intelligence artificielle, couramment désignée par le sigle IA, dans les achats. Pourtant, cette prise de conscience ne se traduit pas encore par des investissements à la hauteur des ambitions affichées.
Une reconnaissance stratégique qui ne se traduit pas dans les budgets
En France, plus de huit dirigeants sur dix considèrent l’IA comme un enjeu stratégique pour la fonction achats. Cette reconnaissance contraste avec le niveau réel d’investissement, puisque seuls un peu plus d’un tiers en font aujourd’hui une priorité budgétaire. À l’échelle internationale, la fonction achats reste distancée par rapport à d’autres domaines jugés plus critiques, comme la finance ou la cybersécurité, en matière de financement de l’intelligence artificielle.
Pour les acteurs de l’entreprise, de l’assurance et de la distribution, cette situation traduit un décalage persistant entre les discours sur l’innovation et la réalité des arbitrages économiques. Elle interroge également la capacité des organisations à inscrire la fonction achats dans une vision réellement stratégique, au service de la résilience globale.
Des freins culturels et opérationnels encore très présents
Plusieurs obstacles continuent de ralentir l’adoption massive de l’IA dans les processus achats. Le manque de sensibilisation des dirigeants aux bénéfices concrets de ces technologies demeure un facteur déterminant. À cela s’ajoutent les préoccupations liées à la sécurité des données, à la conformité réglementaire, ainsi qu’à l’insuffisance de compétences internes pour piloter des projets d’Intelligence artificielle à grande échelle.
Les difficultés liées à la qualité de la data et à l’intégration de ces outils dans des systèmes d’information parfois hétérogènes constituent également un frein majeur. Ces enjeux résonnent directement avec les problématiques rencontrées dans le secteur de l’Assurance, où la fiabilité des données et la maîtrise des risques technologiques conditionnent fortement la performance globale. Voir aussi notre dossier sur la data dans l’assurance.
L’IA au service de la maîtrise des risques et de la décision
Malgré ces résistances, les bénéfices attendus de l’intelligence artificielle sont désormais bien identifiés. Les usages les plus prometteurs concernent la détection et la gestion des risques, l’aide à la décision stratégique fondée sur l’analyse des données, ainsi que le pilotage fin des dépenses. L’automatisation des tâches répétitives, telles que le sourcing, les appels d’offres ou encore la facturation, ouvre la voie à une revalorisation du rôle des équipes achats, désormais davantage orientées vers la création de valeur.
Dans un environnement économique instable, cette capacité à renforcer la vision stratégique des organisations constitue un atout également déterminant pour les assureurs, confrontés à des chaînes d’approvisionnement complexes et à des exigences accrues en matière de conformité et de performance.
Une adoption des outils plus rapide que les investissements
Un paradoxe se dessine toutefois : malgré des budgets encore limités, plus d’un professionnel des achats sur deux utilise déjà des plateformes intégrant des fonctionnalités d’IA, à l’image de SAP Joule. Par ailleurs, les outils d’IA générative, comme ChatGPT, connaissent une diffusion particulièrement rapide dans les pratiques quotidiennes. La majorité des utilisateurs estime que ces technologies leur permettent de se recentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée.
Ces évolutions illustrent l’émergence d’un nouveau rapport au travail, basé sur l’automatisation intelligente, la fluidification des processus et une meilleure exploitation des données, des dynamiques déjà à l’œuvre dans les secteurs de l’assurance, des produits et services financiers et de la relation clients.
Des écarts régionaux révélateurs d’un changement de perception encore inachevé
L’étude met enfin en évidence de fortes disparités géographiques dans la manière dont l’IA est perçue au sein de la fonction achats. En France comme au Royaume-Uni, elle reste encore trop souvent considérée comme un simple outil opérationnel, là où d’autres régions l’intègrent déjà comme un véritable levier stratégique. Cette situation souligne un enjeu de transformation culturelle, indispensable pour faire de l’innovation un moteur durable de performance.

