Les captives d’assurance gagnent du terrain en France

Le développement progressif des captives d’assurance et de réassurance en France témoigne d’un intérêt croissant des grandes entreprises pour une meilleure maîtrise de leurs risques. Si leur croissance reste mesurée, le dispositif amorce une nouvelle dynamique depuis la réforme de 2023.

Les captives d’assurance, filiales créées par des entreprises pour s’assurer ou se réassurer elles-mêmes, constituent aujourd’hui un outil clé de gestion stratégique des risques. Longtemps réservées aux multinationales, ces structures connaissent un essor progressif en France depuis la publication, en juin 2023, d’un décret fiscal favorable.
Ce cadre juridique et fiscal vise à encourager la création de captives sur le territoire national, face au durcissement du marché assurantiel, hausse des primes, restrictions de couverture et franchises plus élevées.

Selon la Fédération française des captives d’entreprises (FFCE), 23 structures sont aujourd’hui immatriculées en France, contre une dizaine avant la réforme. Une croissance encore modeste mais significative, comme l’a rappelé Brigitte Bouquot, présidente de la FFCE, lors de la deuxième édition du France Captive Forum organisée à Paris le 16 octobre 2025.

Une gouvernance exigeante sous le contrôle de l’ACPR

Régies par le Code des assurances, les captives françaises sont soumises à un contrôle strict de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), chargée de superviser la solidité financière et la gouvernance des acteurs bancaires et assurantiels.
L’exemple du groupe Bel, dont la captive a été agréée en 2025 après vingt-quatre mois de procédure, illustre la rigueur du processus. L’instruction du dossier par l’ACPR a duré neuf mois, bien au-delà des six espérés, en raison d’exigences accrues sur les fonds propres et la gouvernance interne.

Pour Jean-Paul Faugère, vice-président de l’ACPR, cette vigilance est indispensable : « On ne peut pas confier la gestion d’une captive à un prestataire externe sans contrôle. »
Ce niveau d’exigence, s’il garantit la solidité du dispositif, pourrait toutefois freiner certaines entreprises, qui se tournent vers des juridictions plus flexibles comme le Luxembourg, historiquement favorable aux captives.

France ou Luxembourg : une question d’attractivité

Le débat sur la compétitivité du modèle français reste ouvert. Pour Julie De Saint Léger, directrice générale de Risk and Reinsurance Solutions SA, de nombreuses entreprises comparent aujourd’hui les régimes d’immatriculation en France et au Luxembourg avant de trancher.

Les différences portent principalement sur la rapidité des agréments, la souplesse réglementaire et le coût global du dispositif.

Pour le groupe Bel, le choix de la France s’est néanmoins imposé naturellement. Selon Alain Le Bihan, responsable des assurances du groupe, « en tant qu’entreprise familiale française, il était cohérent de centraliser notre captive dans le pays où se trouvent nos centres de décision ». Ce choix, fondé sur la cohérence stratégique et la sécurité réglementaire, démontre que la stabilité juridique française reste un facteur d’attractivité, notamment pour les grands groupes attachés à leur ancrage national.

Un outil d’optimisation des risques en pleine reconnaissance

Pour des entreprises comme L’Oréal, pionnière en la matière depuis 1997, la captive constitue un outil de pilotage global de la gestion des risques et un levier d’optimisation financière.

« Aujourd’hui, on ne peut plus se passer d’une captive. C’est un instrument essentiel pour garder la maîtrise de son destin dans un monde devenu imprévisible », affirme Alexandre Menais, directeur juridique du groupe et président du conseil d’administration de sa captive.

Au-delà de la protection assurantielle, les captives permettent une meilleure visibilité des risques, une souplesse de couverture et une capacité de réassurance interne, tout en intégrant les exigences de gouvernance ESG (environnement, social, gouvernance) de plus en plus présentes dans les politiques de Risk Management.

Une structuration encore en phase d’apprentissage

Si la France affiche des progrès tangibles, le déploiement reste lent. Une dizaine de dossiers sont actuellement en cours d’instruction à l’ACPR. La publication d’un rapport national d’évaluation du dispositif était prévue à l’automne 2025, mais son calendrier a été retardé en raison du contexte politique.

Cette phase de consolidation s’inscrit dans une logique de long terme : les captives représentent un levier de souveraineté financière et assurantielle, particulièrement pertinent dans un contexte de volatilité économique, climatique et géopolitique.
Pour les assureurs, les gestionnaires de risques et les dirigeants d’entreprise, la montée en puissance des captives ouvre la voie à de nouvelles synergies entre assurance, innovation et stratégie de résilience.

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