L’IA, levier d’inclusion et de croissance en Afrique

L’Afrique entre dans une nouvelle ère technologique : après avoir manqué la révolution du mobile, les investisseurs occidentaux risquent de passer à côté de celle de l’intelligence artificielle (IA).

Au tournant des années 2000, les grandes entreprises occidentales misaient sur les infrastructures physiques pour le développement des télécommunications et des services bancaires. Ce modèle, coûteux et lent, s’est rapidement heurté aux réalités du terrain africain. Là où il fallait construire des agences ou poser des kilomètres de câbles, les entrepreneurs locaux ont misé sur la mobilité, la simplicité et la connectivité.

Le succès de M-Pesa, solution pionnière de banque mobile au Kenya, a démontré que la dématérialisation et l’adaptation aux usages locaux pouvaient transformer un marché. De la même manière, le passage des lignes fixes à la téléphonie mobile a propulsé le continent dans une dynamique d’innovation rapide, en contournant les contraintes d’infrastructure traditionnelles.

Aujourd’hui, un changement similaire s’annonce : la montée en puissance de l’IA appliquée aux marchés africains pourrait produire des effets économiques et sociaux comparables, voire supérieurs, à ceux de la révolution mobile.

Le précédent de la révolution mobile : une opportunité manquée

Au début des années 2000, alors que les gouvernements africains invitaient les géants des télécoms à investir, les acteurs occidentaux ont préféré concentrer leurs efforts sur l’Europe et l’Amérique du Nord. Le Nigeria en est un exemple emblématique : à l’époque, les investisseurs étrangers avaient jugé le marché trop risqué. Résultat, le fonds African Capital Alliance a investi 400 millions de dollars dans MTN, générant un retour de 44 fois la mise initiale, soit plus de 17 milliards de dollars.

Cette erreur de jugement souligne un angle mort persistant : l’incapacité à percevoir l’Afrique non comme un marché en retard, mais comme un laboratoire d’innovation à grande échelle, capable de créer ses propres modèles économiques. L’IA, comme autrefois la téléphonie mobile, s’inscrit dans cette logique d’adaptation ingénieuse aux contraintes locales.

L’intelligence artificielle : moteur d’une nouvelle inclusion économique

La révolution actuelle, celle de l’intelligence artificielle, s’annonce encore plus profonde. Près de 99 % des investissements mondiaux dans l’IA se concentrent aujourd’hui hors du continent africain, alors que les besoins – et les opportunités – y sont considérables.

Des entreprises locales, comme UduTech, visent à réduire les barrières d’accès à la puissance de calcul en rendant disponibles des GPU (Graphics Processing Units), composants essentiels pour le développement de modèles d’IA. Ces ressources permettent de soutenir des écosystèmes entiers d’innovateurs, développeurs et chercheurs africains.

Selon les experts, l’IA ne se limite pas à un outil technologique : elle devient un levier d’inclusion économique, capable de donner naissance à de nouvelles filières de métiers et d’emplois, notamment dans les domaines de l’assurance, de la santé, de l’agriculture et de la finance.

De la banque mobile à la finance augmentée par l’IA

L’Afrique a connu un bond spectaculaire grâce à la banque mobile. L’IA vient désormais amplifier cet impact en rendant les services financiers plus intelligents et personnalisés.

Des start-ups comme Periculum (Nigeria) exploitent les données de téléphonie mobile pour analyser le comportement financier des utilisateurs et leur attribuer un score de crédit. Dans le domaine de l’assurance, la société Curacel utilise des algorithmes d’IA pour automatiser la gestion des sinistres et détecter les fraudes, facilitant l’accès à la microassurance pour des populations jusque-là exclues.

Au Ghana, Nokwary mise sur la commande vocale pour rendre la banque accessible aux personnes peu alphabétisées, illustrant le potentiel inclusif de l’intelligence artificielle appliquée à la finance.

Santé, agriculture, éducation : l’IA comme catalyseur d’impact

Dans la santé, des entreprises telles que Ubenwa (Nigeria) ou HearX (Afrique du Sud) transforment les téléphones mobiles en outils de diagnostic grâce à l’IA, détectant des troubles néonataux ou auditifs avec une grande précision. Zipline, déjà connue pour ses livraisons par drones, exploite des modèles d’IA pour optimiser la logistique médicale au Rwanda et au Ghana.

Dans l’agriculture, des acteurs comme Aerobotics (Afrique du Sud) et Agrix Tech (Cameroun) aident les agriculteurs à surveiller la santé des cultures grâce à la vision par ordinateur, tandis que Amini (Kenya) exploite les données satellitaires pour combler le déficit d’informations environnementales.

Ces initiatives montrent comment la data et l’automatisation peuvent renforcer la résilience économique face aux risques climatiques, un sujet central pour le secteur de l’assurance et de la gestion du patrimoine agricole.

Nos derniers articles