Décennale : les obligations des particuliers constructeurs

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Construire soi-même sa maison, c’est souvent une histoire de passion, d’économies… ou d’urgence face à la flambée des prix. Mais attention : au regard de la loi, un particulier qui construit ou fait construire son propre bien est juridiquement un « constructeur ». Et à ce titre, il est soumis aux mêmes obligations qu’un professionnel du bâtiment, notamment en matière de responsabilité.


Dans cette interview, Philippe Réhél, Directeur national construction du Groupe Saretec,  nous alerte sur les zones grises de l’auto-construction, les risques juridiques en cas de sinistre, et les éventuelles conséquences financières en cas de revente dans les dix ans.

Un particulier est-il tenu, comme les professionnels, de souscrire une assurance décennale ?

La réponse est oui. Toute personne qui vend après achèvement un bien qu’elle a construit ou fait construire est réputée constructeur au sens de l’article 1792-1 de la loi du 04 janvier 1978 dite loi Spinetta. À ce titre, la loi du 04/01/1978 prévoit dans son article L241-1 l’obligation pour un particulier qui construit lui-même tout ou partie de son pavillon d’être couvert par une assurance de responsabilité décennale. Le particulier a même l’obligation de souscrire une assurance dommage ouvrage au sens de l’article L242-1 de cette même loi mais il n’y a pas de sanction particulière si elle l’occupe par elle-même ou pour sa famille. En pratique, il est très difficile, voire impossible, pour un particulier qui ne peut justifier d’une compétence technique propre d’obtenir une assurance de responsabilité décennale, ce qui expose les particuliers à une grande vulnérabilité au moment de la vente de leur bien dans les dix ans après la réception des travaux.

Pour quels types de travaux cette garantie est-elle nécessaire ?

La loi ne distingue pas les types de travaux mais plutôt les conséquences de ces travaux. Les travaux qui entrainent une atteinte à la solidité ou rendent l’ouvrage impropre à sa destination sont susceptibles d’engager la responsabilité décennale du vendeur particulier. Si le particulier a fait traiter les travaux par un constructeur, cela ne pose pas de difficulté particulière puisque le constructeur sera débiteur de la responsabilité décennale pour ce type de dommage. Si le particulier a fait lui-même ces travaux sans faire appel à un professionnel, il sera débiteur à l’égard du futur acquéreur dans un délai de 10 ans après réception des obligations pesant sur les constructeurs. Cela est logique car la loi protège historiquement l’acquéreur de l’ouvrage. Si le particulier construit lui-même l’ouvrage, il doit pleinement, assumer le risque et la protection assurantielle qu’il fait perdre à l’acquéreur.

À quels risques s’expose un particulier en l’absence de couverture ? Est-il soumis aux mêmes responsabilités techniques et juridiques qu’un professionnel ?

En l’absence d’appel à une entreprise ou un artisan professionnel dans l’acte de construire, le vendeur particulier est soumis aux mêmes obligations qu’un constructeur et le vendeur pourra rechercher sa responsabilité décennale pour les dommages graves relevant de cette responsabilité. Le législateur a ainsi voulu protéger le futur acquéreur des conséquences liées aux vices graves de construction.

Que se passe-t-il en cas de sinistre lorsque l’on construit soi-même sa maison sans assurance décennale ? En cas de revente, que se passe-t-il si l’assurance décennale fait défaut ?

Si on conserve la maison pendant 10 ans à compter de son occupation en l’absence de réception expresse, il n’y a pas de risque intrinsèquement. Le risque est lié à la revente dans les 10 ans après réception ou occupation des lieux. L’acquéreur pourra rechercher votre responsabilité décennale et demander au vendeur une indemnité couvrant l’intégralité de la réparation du dommage (mesures conservatoires, causes, conséquences) et des divers préjudices (exemple : perte locative, préjudice de jouissance, relogement etc…).

Là où cela peut se compliquer, ce sont les reventes pour les couples en instance de divorce car les vendeurs propriétaires sont solidairement débiteurs de la responsabilité décennale auprès des acquéreurs.

J’ai eu de nombreux dossiers où les vendeurs ont été en difficulté car, outre leur litige personnel, ils ont dû gérer aussi le litige lié à la vente. Parfois, le coût des réparations dépassait largement le prix de la vente de la maison, ce qui les a mis en situation de précarité. Ce sont des situations dures à gérer émotionnellement.

En pratique, lorsque les travaux se limitent à des embellissements type peinture, ou revêtement de sol souple, les risques sont minimes car la mise en jeu de la responsabilité décennale sur ces corps d’état est statistiquement faible. Dès qu’on touche aux VRD, à la structure (exemple : aménagement de combles), au clos et couvert (couverture, étanchéité, bardage, menuiserie…), à la plomberie, aux équipements sanitaires (douche etc…), aux revêtements type carrelage ou parquet, les risques de mises en cause en cas de revente sont importants pour des problèmes d’infiltration, de dégâts des eaux, d’affaissement de planchers porteurs, de fissurations de carrelage par exemple…. L’augmentation du prix des matériaux liée à la guerre en Ukraine associée à une hausse du cout du travail liée à l’inflation ont encouragé beaucoup de propriétaires à construire par eux-mêmes des maisons en kit prêt à poser ou à se réserver certains lots intérieurs. C’est pour cela que je conseille vivement de faire appel à un constructeur professionnel qui sera assuré pour son activité et de souscrire une assurance dommage-ouvrage qui permet d’accélérer le règlement des sinistres construction.

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