Un amendement au budget 2026 veut rendre obligatoire une garantie émeutes, financée par une surprime sur tous les contrats d’assurance. Les assureurs en contestent le principe et les modalités d’indemnisation.
Depuis le milieu des années 1970, les violences urbaines constituent un phénomène récurrent en France, illustré notamment par les Minguettes en 1981, Vaulx-en-Velin en 1990, puis par des mobilisations plus larges après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005. À chaque épisode, les dégradations matérielles sont importantes. Selon France Assureurs, les récentes émeutes de 2023 liées à la mort du jeune Nahel auraient coûté 793 millions d’euros, tandis qu’un rapport sénatorial chiffre à 923 millions d’euros les dégâts de 2024 en Nouvelle-Calédonie. La question de l’assurance des violences urbaines s’est ainsi récemment invitée au centre des discussions sur le budget. Pour le gouvernement, le danger serait de voir les assureurs se retirer, et, par ricochet, les banques réduire ou suspendre les prêts faute de couverture d’assurance sur les biens financés.
Un amendement, déposé par le gouvernement et voté au Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2026, entend dès lors instaurer une garantie émeutes obligatoire sur les contrats d’assurance dommages aux biens des particuliers, des entreprises et des collectivités. Financée par une surprime, la mesure créerait un fonds d’indemnisation comparable à ceux déjà adossés à l’assurance habitation pour le terrorisme ou les catastrophes naturelles.
Pour justifier le dispositif, l’exécutif explique que les réassureurs et les assureurs « ont durci les conditions de couverture de ce risque partout sur le territoire et ont retiré leurs garanties dans les zones qu’ils jugent les plus exposées ». La surprime, d’abord évoquée à 5 %, serait revue à la baisse : Bercy aurait finalement opté pour 2 %. Un contrat à 100 euros passerait donc à 102 euros.
Les représentants du secteur alertent sur le surcoût pour les clients et sur le principe, parfois résumé par l’expression « taxe casseurs ». Agea juge le prélèvement « difficilement compréhensible et acceptable ». L’Amrae estime pour sa part que « cette mesure envoie un signal économique préoccupant. Elle suggère que le risque social deviendrait durable et structurel, dans un contexte déjà marqué par une accumulation d’incertitudes économiques, climatiques et géopolitiques ». Et sur LinkedIn, Adrien Couret, directeur général d’Aéma Groupe, écrit : « Cette garantie est choquante sur le principe. Elle est choquante parce qu’elle revient à faire payer aux Français, par leur assurance, les lacunes de l’État dans sa mission régalienne d’ordre public. » Hasard du calendrier, cette taxe surgit sur le devant de la scène alors qu’à la mi-décembre, le tribunal administratif a reconnu la responsabilité de l’État et l’a condamné à verser près de 28 millions d’euros à la compagnie d’assurances Allianz.
Autre point de discussion : l’indemnisation serait conditionnée au passage d’un dossier devant une commission, comme pour les catastrophes naturelles. Reste à préciser sur quelle définition cette instance s’appuierait pour caractériser une « émeute ». Dans son amendement, le gouvernement la définit comme « une action collective occasionnant des violences, dirigée contre l’autorité publique, exprimant une protestation ou visant à obtenir la satisfaction de revendications d’ordre politique ou social ». Les sinistres tels que les faits de guerre, les actes terroristes et les cyberattaques resteraient en dehors du dispositif, et demeureraient couverts par des régimes d’assurance spécifiques, pour ne pas brouiller le périmètre de la garantie émeutes.
La réforme dépend de toute façon de l’issue de la procédure budgétaire. Après l’échec de la commission mixte paritaire sur le budget 2026, la création de la contribution est annoncée comme repoussée.

