Alors qu’on parle de plus en plus d’égalité, nos corps, eux, ne sont toujours pas traités de la même façon. Sur la route, à l’hôpital, au travail… les femmes continuent de payer le prix d’un monde construit sur un modèle masculin.
En France, selon l’Insee, les femmes continuent de gagner en moyenne 22 % de moins que les hommes (14,2% à temps de travail égal), passent plus de temps aux tâches domestiques et sont encore sous-représentées dans les postes à responsabilité. Ces écarts se retrouvent aussi dans la santé : nos corps sont rarement considérés comme le modèle normatif.
Sécurité routière : quand la norme met les femmes en danger
Depuis les années 1970, les crash-tests automobiles européens reposent sur des mannequins conçus pour représenter un corps “moyen”. En réalité, ce corps moyen est masculin : 1 m 75 pour 78 kg. Résultat, les véhicules sont principalement conçus pour protéger ce corps-là, pas forcément celui d’une femme.
Deux études américaines ont bien montré les conséquences de ce biais. La première, menée par la NHTSA, révèle que les femmes ont 17 % de plus de risque de mourir par rapport à un homme. La seconde, menée par l’Université de Virginie, estime elle que les femmes sont 73 % plus susceptibles d’être grièvement blessées lors d’un choc frontal.
La chercheuse suédoise Astrid Linder a développé le mannequin “SET 50F”, parfois appelé Eva, conçu pour représenter une femme de taille et morphologie moyennes (1,62 m, 62 kg). Une révolution visant à améliorer la sécurité routière pour les femmes, mais il demeure un prototype. Car malgré cela, le cadre réglementaire européen et mondial n’impose pas l’usage de mannequins féminins « pleinement représentatifs ».
En clair : tant que les normes d’homologation n’obligeront pas la présence de mannequins féminins « réalistes », conçus pour représenter la diversité des corps (genre, taille, âge, morphologie), les femmes continueront d’être moins bien protégées dans un système pourtant présenté comme universel.
Santé des femmes : quand la douleur devient invisible
Un autre grand terrain d’inégalité, c’est la santé, et plus précisément deux réalités trop souvent mal prises en compte : les maladies cardiovasculaires et l’endométriose.
En France, environ 200 femmes meurent chaque jour d’une maladie cardiovasculaire, soit plus que de tous les cancers réunis, alors que dans 8 cas sur 10 ces maladies pourraient être évitées selon le Pr Claire Mounier-Véhier (Agir pour le Cœur des Femmes, entretien publié sur le site du ministère de la Santé).
Un chiffre alarmant, qui s’explique par le fait que les signaux d’alerte féminins sont encore trop souvent méconnus. Là où l’on imagine une douleur en étau irradiant dans le bras et la mâchoire, les femmes présentent souvent des symptômes plus discrets : gêne dans la poitrine, essoufflement à l’effort, fatigue inhabituelle, brûlures dans la gorge ou troubles digestifs. Ces signes, perçus comme « atypiques », retardent la prise en charge et réduisent les chances de survie.
Dans le même entretien, Thierry Drilhon le rappelle : « Près de 50 % des symptômes liés aux maladies cardiovasculaires sont spécifiquement féminins. Le problème c’est qu’une femme qui se plaint de fatigabilité à l’effort, de douleurs aux omoplates et de troubles œsophagiens s’entendra répondre : « Reposez-vous et prenez du paracétamol ». Un homme oppressé avec des douleurs dans le bras et la poitrine sera envoyé chez le cardiologue. N’oublions pas enfin, que les femmes sont beaucoup plus dures à la douleur que les hommes »
Par ailleurs, une étude canadienne a montré que les femmes avaient moins de chances de recevoir un massage cardiaque de la part de témoins en cas d’arrêt cardiaque, ce qui accroît leur risque de décès.
L’endométriose, elle, touche une femme menstruée sur dix, avec un diagnostic réalisé en moyenne 7 ans après les premiers symptômes. Cette maladie provoque des douleurs chroniques, de la fatigue, des troubles digestifs ou urinaires… et a un impact énorme sur la vie professionnelle. 65 % des personnes concernées disent que leur emploi est directement impacté, selon une étude d’EndoFrance.
Au-delà des chiffres, c’est la solitude qui pèse. Beaucoup de femmes taisent leur maladie par peur d’être jugées ou incomprises. Les arrêts répétés, la douleur, la fatigue : tout cela épuise, moralement et professionnellement. Et pour celles qui sont déjà en situation de précarité ou confrontées à d’autres discriminations (racisme, handicap, isolement géographique), les obstacles s’accumulent.
Santé mentale et violences : le poids d’un fardeau genré
La santé mentale des femmes est également un marqueur fort d’inégalités. D’après le Baromètre 2024 de la Fondation AÉSIO, 26 % des femmes jugent leur santé mentale “moyenne ou mauvaise”, contre 14 % des hommes. Cette différence s’explique en partie par la charge mentale : d’après l’Observatoire des Inégalités, 8 femmes sur 10 consacrent plus d’une heure par jour aux tâches domestiques, contre 4 hommes sur 10. Et en plus de cela, 57 % des proches aidants sont des femmes.
Cette fatigue quotidienne se cumule parfois avec des violences. En 2024, les services de police et de gendarmerie ont recensé 122 600 victimes de violences sexuelles et, en 2023, 271 000 victimes de violences conjugales, selon le Service statistique du ministère de l’Intérieur. Les conséquences sont physiques, psychiques et sociales : dépression, burn-out, perte d’emploi, isolement.
Protéger la santé mentale des femmes, c’est donc aussi prévenir et réparer les violences : ce sont des réponses médicales et sociales qu’il faut combiner.
Vers des modèles réellement inclusifs
Ces constats ne relèvent pas d’une “question de femmes” et ne sont, évidemment pas, exhaustifs. Ils interrogent la conception même de nos politiques publiques et nos priorités collectives. Des routes aux hôpitaux, des entreprises aux foyers, il est temps de repenser nos normes pour qu’elles protègent et soignent toutes et tous, quels que soient le genre, l’âge, le corps ou la situation.
Les acteurs de la santé, de l’assurance et de la prévoyance ont un rôle clé : documenter les inégalités, financer la recherche ciblée, faire évoluer les pratiques et soutenir les parcours professionnels des femmes malades ou aidantes. Mais surtout, il faut entendre une évidence simple : un modèle réellement inclusif n’est pas seulement « plus féminin ». Il est plus humain.
De ces enjeux là, nous en parlerons dans le cadre de nos Trophées de l’Engagement, un dispositif inédit porté par Vovoxx Média, avec la volonté de mettre en lumière les actions concrètes, les initiatives à impacts (sociétal, environnemental et solidaire) déployées dans nos territoires.

