En intégrant l’assurance aux achats alimentaires, une start-up sud-africaine redéfinit les contours de la micro-assurance inclusive dans les quartier de zone urbaine. Une innovation à suivre de près pour les acteurs de l’assurance en quête d’impact social durable.
En Afrique du Sud, la jeune entreprise SAG Ventures, en partenariat avec l’assureur Sanlam, propose une approche inédite de l’assurance funéraire. Grâce à son produit Purchase Pal, une couverture est automatiquement incluse lors de l’achat de produits de grande consommation dans certaines enseignes locales comme Big Save. Sans formulaire, sans intermédiaire ni prélèvement mensuel, cette assurance est déclenchée simplement par les habitudes d’achat du consommateur. Une initiative emblématique de l’assurance intégrée (ou embedded insurance), qui s’impose comme un levier d’innovation pour couvrir les populations historiquement sous-assurées.
En s’appuyant sur les infrastructures commerciales existantes et en supprimant les barrières administratives, Purchase Pal permet une expérience utilisateur sans friction, tout en assurant un niveau de protection patrimoniale élémentaire. Cette démarche ouvre des pistes concrètes pour repenser la distribution de l’assurance dans des zones à faible bancarisation, un enjeu particulièrement pertinent dans le contexte de nombreux pays émergents, mais aussi dans certains territoires d’Outre-mer ou zones rurales en France.
Une innovation née d’une recherche ethnographique
À l’origine du projet, une douleur humaine : l’impossibilité d’une jeune femme de financer les obsèques de sa mère, vécue comme une honte publique. Ce témoignage a marqué Prince Nwadeyi, fondateur de SAG Ventures, lorsqu’il rédigeait son mémoire sur l’innovation inclusive à l’université du Cap. De cette écoute sincère est née une interrogation : et si l’assurance pouvait être rendue totalement invisible, tout en restant efficace ?
Plutôt que d’imaginer une solution depuis un bureau d’étude ou un siège social, Nwadeyi a misé sur une démarche bottom-up, en dialoguant avec les communautés, les distributeurs, les acteurs financiers. Résultat : une chaîne de valeur assurantielle co-construite, intégrée à l’écosystème de la grande distribution, et surtout légitime auprès des utilisateurs finaux.
Ce modèle inspiré de l’Ubuntu, philosophie de l’interdépendance, montre que l’innovation sociale peut aussi être un terrain d’excellence pour les acteurs de l’assurance, à condition de quitter les logiques descendantes pour adopter une posture d’écoute et de coopération.
L’assurance comme infrastructure sociale
Le succès de Purchase Pal s’inscrit dans une tendance plus large : celle de la transformation de l’assurance en infrastructure sociale décentralisée. Dans cette optique, la micro-assurance n’est pas un produit dérivé, mais un élément constitutif de l’écosystème économique local. Le produit funéraire intégré à des achats du quotidien rejoint d’autres innovations portées par SAG Ventures, comme l’accès au micro-crédit pour les épiciers de quartier (spaza shops), grâce à une exploitation intelligente des données de transaction.
En réduisant drastiquement les coûts d’acquisition client et en s’inscrivant dans les marges commerciales existantes, ce modèle d’assurance démontre qu’il est possible de concilier viabilité économique, simplicité opérationnelle et impact social. Une logique qui pourrait inspirer des acteurs français de l’assurance affinitaire, notamment pour les jeunes publics ou les clients fragiles.
Penser l’assurance avec, et non pour, les populations
Le cas sud-africain illustre un changement de paradigme : le succès d’un produit ne repose plus uniquement sur la technologie, mais sur sa capacité à épouser des comportements culturels existants. À l’image du développement de YouTube comme canal principal de diffusion audiovisuelle au Nigeria, ou de la prédominance des outils communautaires dans certaines zones rurales, l’assurance a tout à gagner à s’aligner sur les usages locaux.
Plutôt que d’exporter des modèles occidentaux parfois déconnectés des réalités de terrain, les porteurs de projets doivent apprendre à construire avec les utilisateurs, en favorisant l’émergence de solutions enracinées dans les pratiques sociales. Une démarche particulièrement féconde en matière de prévention, d’accompagnement ou de gestion du risque santé dans des environnements complexes.
Une inspiration pour les assureurs en quête de transformation
En définitive, l’exemple de Purchase Pal est bien plus qu’un cas d’usage africain. Il constitue une source d’inspiration stratégique pour l’ensemble des acteurs du secteur, notamment ceux qui s’interrogent sur les nouvelles formes de solidarité assurantielle, le rôle de la donnée comportementale ou la capacité à renouer la confiance avec des publics éloignés.
Dans un contexte où la recherche de valeur ne peut plus ignorer les dimensions sociales et territoriales, cette initiative rappelle une évidence : l’assurance ne protège vraiment que si elle est accessible, compréhensible et pertinente. Et pour cela, il faut parfois savoir faire un pas de côté, écouter, observer, et innover autrement.

