Les projections concordent : la multirisques habitation (MRH) enregistrera en janvier 2026 une hausse moyenne comprise entre +7 % et +11 %, selon les analyses disponibles.
Cette inflation n’est plus conjoncturelle mais structurelle, portée par un triptyque désormais bien identifié : climat, coûts techniques, hausse réglementaire de la surprime Cat Nat. Cependant, pour les acteurs de l’assurance, l’enjeu ne se limite plus à l’équilibre technique : il s’étend à la relation clients, fortement marquée par l’émotion lors d’événements climatiques, un champ que l’Observatoire OSIRIS commence précisément à cartographier.
2026 : une hausse généralisée du MRH
Plusieurs analyses convergent sur un ordre de grandeur :
- Addactis projette une hausse de +7 à +8 % sur la MRH 2026, en raison du renforcement de la sinistralité climatique et de l’inflation technique liée à la construction.
- UFC–Que Choisir, s’appuyant sur les montées de coût récentes, envisage +8 % à +11 % selon les zones.
- LesFurets, prévoit +4 à +6 %, avec des pointes à 7–8 % selon les assureurs.
- Le Monde rappelle qu’après +10 % en 2025 (effet Cat Nat), une hausse « proche des 8 % » est anticipée pour 2026.
Ces variations s’expliquent largement par l’évolution du coût moyen du risque, qui s’est profondément modifié sur les cinq dernières années.
Un coût climatique qui change d’échelle
Selon France Assureurs, le coût moyen des sinistres climatiques en France est passé d’environ 1,5 milliard d’euros par an dans les années 1980 à 6 milliards d’euros par an entre 2020 et 2023. L’année 2023 est même la 3ᵉ plus coûteuse pour la profession avec 6,5 milliards d’euros d’indemnisations. Les projections sont tout aussi préoccupantes : les sinistres climatiques pourraient d’ici 2050, passant de 73,4 à 143 milliards d’euros.
La Caisse Centrale de Réassurance (CCR) estime que la sinistralité couverte par le régime Cat Nat pourrait augmenter de 60 % d’ici 2050, ce qui suppose de renforcer les provisions et la capacité de réassurance pour éviter qu’un “méga-événement” ne mette en péril le système.
En parallèle, les études académiques soulignent que l’été 2025, marqué par des vagues de chaleur, sécheresses et inondations, a déjà coûté plus de 10 milliards d’euros à la France en pertes économiques, tous secteurs confondus.
La surprime Cat Nat : un impact mécanique, et durable
La réforme entrée en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2025 a relevé la surprime Cat Nat :
- de 12 % à 20 % sur les contrats dommages (dont MRH),
- et de 6 % à 9 % sur les garanties vol/incendie auto.
L’objectif officiel est de recapitaliser un régime déficitaire depuis 2015 et de renforcer le Fonds Barnier. Cette mesure a généré une hausse moyenne de +10 % sur la MRH 2025, et son effet de base continue d’être intégré dans les barèmes 2026. Pour les acteurs du marché, la structure même des primes se trouve durablement modifiée, indépendamment des décisions individuelles des assureurs.
Pressions techniques : construction, réparations, réassurance
Plusieurs facteurs additionnels créent une pression supplémentaire :
Coût de la construction
- Matériaux et main-d’œuvre : +3 % par an en moyenne ces dix dernières années.
- Renforcement des normes (énergétiques, parasismiques, performance logement).
Source : Addactis et données bâtiment.
Coût des réparations
- Un sinistre MRH « standard » (dégât des eaux, incendie domestique, effraction) coûte désormais 10 à 25 % de plus qu’en 2019 selon les segments.
Réassurance
- Les tarifs de réassurance Cat Nat se sont envolés au niveau international (+20 à +30 % depuis 2023).
- Les exigences Solvabilité II renforcent le capital requis en face des risques climatiques.
Pour les directions techniques, l’équation est claire : sans revalorisation tarifaire, les ratios combinés MRH continueraient de se dégrader.
Ce changement de régime rend les hausses de primes structurelles : il ne s’agit plus de compenser une « année noire », mais d’intégrer une trajectoire durable de fréquence et de sévérité.
L’enjeu relationnel : comprendre l’émotion derrière le sinistre
Au-delà des équilibres prudentiels et techniques, la MRH est un contrat de vie quotidienne. Or, la multiplication des sinistres climatiques modifie profondément la relation client. Lors d’un sinistre climatique, les émotions dominantes sont :
- choc,
- peur de revivre l’événement,
- colère face à la perte matérielle,
- fatigue administrative,
- incompréhension face aux franchises / exclusions.
C’est précisément ce que met en lumière OSIRIS, l’observatoire récemment lancé : une approche émotionnelle et qualitative qui cartographie ce que vivent réellement les assurés lors d’un événement extrême. Cette dimension émotionnelle devient un enjeu stratégique pour les professionnels, à un moment où :
- la fréquence des sinistres augmente,
- les attentes d’empathie et de transparence s’élèvent,
- le risque de défiance envers la chaîne assurantielle progresse.
Dans un contexte où les primes augmentent, la qualité perçue du service doit progresser au même rythme.
Un défi stratégique pour les assureurs
La hausse 2026 ne peut être abordée uniquement sous l’angle tarifaire. Plusieurs leviers deviennent prioritaires :
- Pédagogie : rendre lisibles les raisons de la hausse (coûts techniques, Cat Nat, climat).
- Segmentations plus fines : intégrer l’exposition réelle et la prévention locale.
- Accompagnement émotionnel : intégrer les enseignements d’OSIRIS dans la relation client.
- Prévention : co-financement de travaux, dispositifs anti-inondation, diagnostic sécheresse.
- Innovation : automatismes IA, simplification indemnisation, réactivité opérationnelle.
La MRH n’est plus seulement un produit d’assurance : c’est un vecteur central de résilience individuelle et collective face au changement climatique. Les assurés doivent également s’informer localement sur leurs risques (sécheresse, inondation, recul du trait de côte,…) via des outils comme Géorisques, pour mieux anticiper l’évolution des primes.
La hausse des tarifs en 2026 s’inscrit dans une tendance structurelle, nourrie par le climat, l’évolution du coût des sinistres et les ajustements réglementaires. Pour les acteurs de l’assurance, l’équation n’est plus seulement économique : elle devient relationnelle.
La crédibilité du modèle assurantiel repose désormais autant sur l’équilibre technique que sur la capacité à entendre, comprendre et accompagner les émotions des assurés.

