Près de six salariés sur dix disent avoir été exposés à des risques psychosociaux en 2024, tandis que les entreprises jugent leurs actions de prévention suffisantes.
Selon l’édition 2025 du Baromètre de la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles, 59 % des salariés déclarent avoir été confrontés à des risques psychosociaux en 2024. Parmi eux, 32 % se disent victimes, 34 % témoins et 7 % à la fois victimes et témoins. Pour 91 % des répondants, ces difficultés trouvent principalement leur origine dans le travail, avec en cause une charge de travail jugée excessive, un manque de reconnaissance ou des relations dégradées. Enfin, 41 % y voient un mélange de facteurs professionnels et personnels.
Malgré l’ampleur du phénomène, seuls 26 % des salariés ayant subi ou constaté un RPS effectuent un signalement. La confidentialité, le manque d’information et la peur des conséquences freinent les démarches. Les employeurs estiment pourtant que six salariés sur dix remontent ces situations. Ce décalage intervient alors même que la santé mentale au travail a été érigée en Grande cause nationale en 2025, sans que les salariés en perçoivent clairement les effets.
Pour Xavier Bontoux, avocat associé et directeur général de BDO RH, « le constat est alarmant : en dépit d’une prise de conscience réelle, les risques psychosociaux s’installent comme un mal endémique du travail ». Selon lui, la chaîne de traitement des alertes reste insuffisamment structurée. Si 61 % des entreprises déclarent disposer d’un plan de prévention et 83 % jugent leurs actions suffisantes, seuls 36 % des salariés en ont connaissance et 55 % les estiment adaptées.
L’écart se retrouve dans la formation : 24 % des salariés estiment que leur manager est correctement formé à ces sujets, contre 43 % des managers qui se déclarent formés. D’après Xavier Bontoux, la visibilité et la communication sont déterminantes : « 18 % des entreprises dotées d’un plan de prévention constatent une diminution des cas de RPS. Mais sans relais managérial ni communication, ces dispositifs risquent de rester sans impact. »
Au-delà de l’enjeu humain, le risque juridique s’intensifie. 2 % des entreprises ont déjà fait l’objet d’une action en reconnaissance de faute inexcusable liée aux RPS, les recours étant possibles jusqu’à deux ans après les faits. Les conséquences financières peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros, entre majoration de rente et dommages-intérêts. L’affaire France Télécom, conclue en janvier 2025 par une condamnation pour harcèlement moral institutionnel, illustre l’exposition des dirigeants à un risque pénal.
La sinistralité globale demeure élevée : près de huit entreprises sur dix ont enregistré en 2024 au moins un accident du travail, de trajet ou une maladie professionnelle. Les hommes restent deux fois plus exposés que les femmes, représentant 68 % des accidents contre 32 % pour ces dernières. Les risques psychosociaux progressent et comptent désormais pour 18 % des arrêts maladie ; 14 % de ces arrêts ont donné lieu à une demande de reconnaissance en maladie professionnelle, dont 10 % ont été acceptées. Parallèlement, 56 % des salariés déclarent ne pas avoir accès à des ressources d’appui, qu’il s’agisse d’un psychologue, d’une cellule d’écoute ou de formation, ce qui interroge l’organisation de la prévention et de la santé au travail.

