Face à la hausse du coût des sinistres, aux tensions climatiques et aux attentes sociétales, la réparation et le recyclage s’imposent comme une nouvelle norme dans l’assurance. Ce mouvement transforme l’organisation des assureurs, renforce la relation clients et ouvre la voie à une économie circulaire structurée. Une évolution stratégique où innovation, efficacité et impact environnemental avancent de concert.
Un changement de paradigme pour l’assurance
Pendant longtemps, la promesse de l’assurance tenait en deux mots : remplacer rapidement. Mais cette logique, héritée d’une époque d’abondance, atteint ses limites :
- explosion du coût des matériaux,
- tensions sur les chaînes d’approvisionnement,
- sinistres climatiques plus fréquents,
- attentes croissantes autour de la responsabilité environnementale.
Le modèle bascule. Aujourd’hui, réparer et prolonger la durée de vie d’un bien devient plus efficace — économiquement, écologiquement et opérationnellement.
D’ailleurs, lors du Congrès des Experts IRD et Construction de Covéa, organisé le 16 au 18 octobre dernier à Lausanne et en partenariat avec l’amicale des experts du Groupe, il a été évoqué un objectif commun (voir article) : accélérer la transition vers une réparation plus responsable et économe en ressources. Lors de leurs interventions, Philippe Rondeau, directeur Expertise et Solutions d’Indemnisation, et Emmanuel Villette, président de l’amicale des experts IRD, ont rappelé que la réparation durable ne constitue plus une option, mais un impératif pour tout le secteur.
Réparer avant de remplacer : un levier de performance
La réparation coûte souvent 30 à 60 % moins cher qu’un remplacement. Qu’il s’agisse d’une menuiserie après un dégât des eaux, d’un équipement électrique, ou d’un smartphone, les filières de réparation permettent de :
- réduire les coûts d’indemnisation,
- accélérer les délais,
- limiter les externalités négatives.
Sur le marché automobile par exemple, l’intégration des pièces de réemploi est devenue un levier majeur de performance. GPA 26, acteur important du secteur, fournit des pièces issues du recyclage automobile répondant à des standards de qualité stricts.
Une réponse aux sinistres climatiques
En cas d’événements climatiques (inondations, tempêtes, incendies), la multiplication des chantiers fait grimper les délais et les coûts. Développer des réseaux de réparateurs et des filières de réemploi locales permet également de fluidifier les interventions, d’éviter la saturation des filières et de renforcer la solidarité territoriale.
Le reconditionnement : un pilier de la circularité
Le reconditionnement dépasse largement les produits électroniques. Il s’étend désormais à :
- l’électroménager,
- les objets connectés,
- le mobilier,
- certains matériaux de construction.
Dans le domaine des smartphones et objets technologiques, des acteurs comme Smartgrade jouent un rôle important. Smartgrade permet de réinjecter dans l’économie circulaire des pièces fonctionnelles issues de téléphones endommagés, tablettes, ordinateurs portables et consoles. Ce processus garantit une qualité professionnelle tout en réduisant les déchets électroniques, l’un des flux les plus polluants au monde.
Pionnière dans le domaine, la Macif propose des pièces de réemploi pour la rénovation de l’habitat, en partenariat avec Cyneo, un réseau national dédié à l’économie circulaire dans le BTP. Si la Macif sensibilise également ses sociétaires à l’usage des pièces de réemploi dans la réparation automobile, elle étend aujourd’hui cette démarche à l’habitation, un secteur où les besoins en reconstruction et en rénovation sont en forte augmentation. Chaque année, l’assureur intervient sur plus de 500 000 sinistres habitation (incendies, dégâts des eaux, intempéries…). Or, la montée en puissance des événements climatiques accroît la pression sur la disponibilité des matériaux et leur coût. D’ailleurs, Bertrand Delignon, Directeur IARD Macif déclarait récemment « Face aux défis climatiques et économiques, nous avons une responsabilité en tant qu’assureur mutualiste, et devons ouvrir la voie aux transitions. Il est urgent de transformer notre modèle de consommation dans l’habitat pour le rendre plus durable et responsable. Ce partenariat avec Cyneo nous permet de bâtir et proposer une solution innovante et vertueuse dans la rénovation de l’habitat alliant 3 bénéfices pour nos sociétaires : impact environnemental, pouvoir d’achat et engagement sociétal »,
Une demande croissante des assurés
Selon un récent sondage OpinionWay pour la Macif, 61 % des Français se déclarent prêts à utiliser des matériaux de seconde main pour adapter leur logement aux nouveaux enjeux climatiques. D’autres études le montrent : les Français sont favorables au reconditionné si la qualité et le délai sont au rendez-vous. Pour les assurés, c’est moins de gaspillage, une démarche plus responsable, et un service perçu comme concret et utile. Les assureurs y gagnent de leurs côtés, en satisfaction clients, en image et en fidélisation.
Une opportunité d’innovation et de technologie
L’assurance devient un acteur de la transition écologique. L’intégration de la réparation et du réemploi ouvre un espace d’innovation considérable, par exemples :
- l’IA pour analyser la réparabilité,
- les objets connectés pour anticiper les pannes,
- les plateformes digitales pour coordonner les artisans,
- la data pour piloter les filières et vérifier les engagements RSE.
De nouveaux indicateurs de performance
Les assureurs commencent à suivre, le taux de réparabilité, le taux de réemploi de pièces, les tonnes de CO₂ évitées, la durée de vie prolongée des produits et la satisfaction post-réparation. Autant de KPI qui redéfinissent les modèles opérationnels.
Réparer : un nouvel outil de relation clients
La réparation change l’expérience de l’assurance. Au lieu d’un remboursement perçu comme distant ou abstrait, l’assuré peut voir son objet être restauré, prolongé. Cela crée une relation plus humaine et plus tangible. L’assureur devient :
- un facilitateur,
- un acteur du quotidien,
- un partenaire utile dans les moments de tension.
Cette dimension émotionnelle constitue également un levier de fidélisation.
Une évolution bientôt incontournable
Entre la pression réglementaire (droit à la réparation), les attentes sociétales et les contraintes économiques, la réparation et le réemploi s’imposent comme la voie la plus durable pour le secteur. Les acteurs qui investissent dans ces filières gagnent :
- en performance économique,
- en attractivité,
- en crédibilité environnementale,
- en résilience face aux risques climatiques.
Ce n’est plus seulement une bonne pratique : c’est une nécessité stratégique. La transition vers la réparation, le reconditionnement et le réemploi redéfinit profondément les modèles du secteur de l’assurance. En collaborant avec des partenaires comme GPA 26 et Smartgrade, par exemples, l’assurance se positionne au cœur d’une économie circulaire plus efficace, plus durable et plus proche des usages réels. Réparer plutôt que remplacer, réutiliser n’est pas seulement un geste écologique : c’est une transformation stratégique qui renforce le sens même de la protection.
En privilégiant la réparation et le recyclage, l’assurance passe d’une logique de remplacement à une logique de responsabilité, une évolution où efficacité économique et impact environnemental avancent enfin main dans la main.

