Selon la dernière étude Kearney, 47 % des Européens redoutent une dégradation de leur niveau de vie après la fin de leur carrière. Un sentiment partagé par les Français et accentué par un déficit de culture financière et de conseil, alors que les fintechs redéfinissent les pratiques d’épargne et de gestion patrimoniale.
Menée auprès de 6 200 épargnants dans 12 pays européens, la nouvelle étude du cabinet de conseil Kearney révèle une préoccupation croissante liée à la retraite. Près d’un Européen sur deux (47 %) estime qu’il ne pourra pas maintenir un niveau de vie satisfaisant une fois sorti du monde du travail.
Les inquiétudes sont particulièrement fortes au Royaume-Uni (62 %), aux Pays-Bas (57 %) et en Espagne (54 %). En France, 48 % des répondants partagent ce sentiment, un chiffre conforme à la moyenne européenne mais révélateur d’un climat d’incertitude généralisé. Près d’un tiers (32 %) des sondés évoquent même une angoisse durable face à leur incapacité à anticiper leurs revenus futurs.
Des profils d’épargnants contrastés mais une anxiété commune
L’étude dresse le portrait d’un épargnant européen plutôt masculin (52 %), diplômé et modérément doté financièrement : 62 % disposent d’un patrimoine financier inférieur à 60 000 euros, dont la moitié placée sur des comptes d’épargne ou en liquidités.
Les comportements d’investissement varient selon les générations : un tiers des actifs ont commencé à investir entre 21 et 30 ans, tandis qu’un quart ont attendu la quarantaine. Si les jeunes générations (Y et Z) se montrent plus confiantes, elles ne sont pas épargnées par le sentiment d’incertitude. La retraite, autrefois symbole de stabilité, devient aujourd’hui synonyme d’insécurité économique et psychologique, notamment chez les 60–75 ans, dont 63 % se disent inquiets.
Un déficit d’accompagnement financier préoccupant
Selon Kearney, cette anxiété découle en grande partie d’un manque d’accès à un accompagnement financier continu. Plus de 40 % des épargnants déclarent ne bénéficier d’aucun conseil structuré dans la gestion de leurs placements, bien qu’un quart d’entre eux regrettent cette absence.
Ce déficit se manifeste surtout entre 46 et 60 ans, une période charnière où la planification patrimoniale devrait pourtant être la plus active. Le manque de conseil fragilise cette génération, exposée au risque d’arriver à la retraite sans préparation suffisante. En France, 45 % des répondants indiquent faire appel à leur banque de détail pour préparer leur retraite, contre 6 % qui se tournent vers des structures spécialisées.
Les fintechs et plateformes digitales gagnent du terrain
L’étude met en évidence la montée en puissance des fintechs dans la gestion de l’épargne et de la retraite. Près de 64 % des épargnants européens utilisent désormais des applications mobiles ou des plateformes en ligne pour acheter des produits financiers.
Ce phénomène s’explique par la recherche d’autonomie et la simplicité d’accès qu’offrent ces outils, notamment pour les investissements en ETF (Exchange Traded Funds) ou en cryptomonnaies. Cependant, la transition numérique n’est pas homogène : les générations plus âgées privilégient encore le conseil en personne, tandis que les jeunes actifs misent sur des solutions hybrides mêlant technologie et accompagnement humain.
La transformation du rôle des banques de détail
Face à cette évolution, les banques traditionnelles sont invitées à repenser leur positionnement. Pour Eric Delgutte, associé chez Kearney, la situation illustre une crise de confiance structurelle : « Près de la moitié des épargnants européens anticipent une perte de niveau de vie à la retraite. Les banques de détail doivent jouer un rôle clé en simplifiant l’accès à l’investissement et en proposant un accompagnement personnalisé et proactif. »
Cette mutation suppose une intégration renforcée des technologies financières, mais aussi une refonte de la relation client. Les établissements doivent développer des outils pédagogiques et de suivi patrimonial, tout en veillant à élever la culture financière de leurs clients pour prévenir le désengagement et l’anxiété face à la retraite.
Une opportunité stratégique pour le secteur financier
Pour Nicolas Lioliakis, également associé chez Kearney, les acteurs historiques disposent d’un avantage compétitif : la confiance. En l’associant à l’innovation technologique, ils peuvent accompagner les ménages vers une meilleure sécurité financière tout en renforçant leur position sur le marché de la prévoyance.
Les enjeux dépassent la simple rentabilité : ils concernent la stabilité économique et sociale à long terme. En favorisant la planification financière responsable, les banques et assureurs contribuent à préserver le patrimoine des ménages européens et à atténuer la crise de confiance qui fragilise l’épargne retraite.

