Menée au printemps 2025 auprès de nombreux jeunes français, une enquête de la Mutualité Française, de l’Institut Montaigne et de l’Institut Terram dresse une cartographie des inégalités de santé mentale et des freins à l’accès aux soins en métropole et Outre-mer.
Cinq ans après la crise du COVID, la santé mentale s’impose en 2025 comme grande cause nationale. Pour éclairer la situation des 15-29 ans, la Mutualité Française, l’Institut Montaigne et l’Institut Terram publient une enquête inédite menée auprès de 5 633 jeunes représentatifs de la population, y compris dans les Outre-mer. L’approche croise conditions de vie, d’étude et de travail, précarité, rapport au numérique, environnement familial et ancrage territorial. Elle examine aussi l’accès aux soins, la prévention et les ressources mobilisées. Margaux Tellier-Poulain de l’Institut Montaigne le rappelle : l’« instabilité dans l’enfance, [la] précarité économique, [le] stress, [le] harcèlement, [le] lieu de vie sont autant de déterminants qu’il faut considérer pleinement ».
Les signaux sont préoccupants : 25 % des jeunes souffrent de dépression. Près d’1 sur 3 (31 %) déclare avoir déjà eu des pensées suicidaires ou envisagé de se faire du mal. Le stress est massif : 87 % se disent stressés par les études, 75 % par le travail, avec un impact accru pour les indépendants, chômeurs et salariés à temps partiel. Le harcèlement aggrave le mal-être : 26 % rapportent un cyberharcèlement et 31 % un harcèlement scolaire.
Les inégalités territoriales sont marquées. Les jeunes ultramarins sont les plus touchés : 39 % en dépression (52 % en Guyane, 44 % en Martinique, 43 % à Mayotte), contre 25 % en moyenne en France hexagonale (de 19 % en Bourgogne-Franche-Comté à 28 % en PACA). En métropole, 27 % des jeunes urbains sont en dépression, contre 20 % en zone rurale ; le sentiment de tristesse ou de désespoir concerne 64 % en ville, 54 % à la campagne. Un écart de genre apparaît également : 27 % des femmes sont en dépression contre 22 % des hommes, particulièrement avant 22 ans (29 % contre 19 %).
« Les chiffres, s’ils sont alarmants, doivent être replacés dans les environnements concrets qui façonnent les expériences de la souffrance psychologique ou psychique : des zones rurales à la la densité des métropoles, des foyers sécurisants aux situations de rupture familiale, des espaces de solitude aux injonctions de l’hyperconnexion, les conditions d’apparition et d’expression de la détresse varient considérablement. » analyse Victor Delage de l’Institut Terram.
L’accès aux soins reste insuffisant et peu lisible : 38 % des jeunes ont déjà consulté un professionnel, 21 % à plusieurs reprises, mais seulement 19 % chez les 15-17 ans. Dans les DROM, le recours est plus faible : 27 % seulement à Mayotte. Peur de la stigmatisation, méconnaissance des ressources, obstacles matériels et organisationnels freinent la démarche. Si 76 % des jeunes Français disent avoir été sensibilisés, les réseaux sociaux constituent désormais le principal canal d’information ; la qualité de cette communication est jugée cruciale pour prévenir.
Interrogés sur les priorités, les jeunes demandent des mesures concrètes : faciliter l’accès aux soins psychologiques (36 %) et à la prévention (36 %), améliorer l’accessibilité (34 %), promouvoir des leviers de bien-être (sport, culture, sociabilité : 16 %) et renforcer les compétences psychosociales (13 %).
« En cette année où la santé mentale est la grande cause nationale, il est encore temps de franchir un cap et bâtir une politique ambitieuse, cohérente et durable, en s’appuyant sur les recommandations formulées par les jeunes. C’est une urgence sociale. Et c’est une responsabilité collective. » conclue Séverine Salgado de la Mutualité Française.

