CSRD : enjeux et stratégie des entreprises

Alors que Bruxelles s’apprête à revoir les obligations de reporting, les entreprises se structurent pour anticiper la transition climatique. Un exercice contraignant mais stratégique.

Loin d’être une simple formalité administrative, l’adoption des standards de reporting extra-financier européens, notamment la CSRD et la CS3D, marque une transformation en profondeur du monde économique. Ce cadre, bien que complexe, façonne déjà les stratégies des entreprises, et son éventuel allègement par Bruxelles interroge sur l’avenir de la transparence environnementale et sociale.

Lors des Rencontres de l’AMRAE, une table ronde a réuni Sébastien Mandron, directeur RSE de Worldline et administrateur du C3D, et Alexis Garatti, Climate Change Manager chez Allianz Trade. Ils ont souligné que pour les entreprises et les directions financières, l’ambition de décarbonation définie par l’Accord de Paris apparaît aussi comme un levier de performance.

Un virage inévitable pour les entreprises

Depuis près de deux ans, les directions financières et RSE se sont attelées à intégrer les exigences de la nouvelle réglementation CSRD. La cartographie des risques climatiques est désormais plus fine, et les premières publications des entreprises sont attendues dans les semaines à venir. Derrière ces obligations se cache un enjeu stratégique : adapter les modèles économiques à la transition écologique. Ne pas suivre cette dynamique, c’est risquer de perdre en compétitivité et en attractivité auprès des investisseurs et des consommateurs, quand bien même la Commission Européenne a mis en avant qu’il fallait préserver cette même compétitivité, au niveau international.

Pour les intervenants, la transition ne se résume pas à une contrainte. Elle représente un levier d’innovation et de restructuration industrielle, une véritable révolution verte où seuls les plus agiles tireront leur épingle du jeu. L’intégration de la double matérialité, qui évalue l’impact des entreprises sur l’environnement et inversement, modifie les grilles d’analyse et pousse à une optimisation des ressources.

Vers un assouplissement des obligations ?

Alors que les débats s’ouvrent à Bruxelles le 13 février prochain pour deux jours, la question de la pérennité du cadre réglementaire se pose. L’accumulation des dispositifs – CSRD, taxonomie verte, devoir de vigilance – alimente les discussions. Certains y voient un excès de contraintes bureaucratiques, tandis que d’autres rappellent que les investisseurs ont besoin de standards pour comparer et piloter la transition.

Si la CSRD venait à être allégée, les entreprises ne seraient pas pour autant dispensées de rendre des comptes. Les demandes d’informations persisteraient sous d’autres formes, mais avec le risque d’un éclatement des référentiels. Une uniformisation, bien qu’exigeante, permet d’éviter une multiplication d’exigences, variant d’un acteur à l’autre, et facilite la lisibilité pour toutes les parties prenantes.

2025 : l’année du test grandeur nature

Cette année sera décisive : les premiers rapports conformes à la CSRD seront publiés par les grands groupes européens. Cela servira de base, de référence pour les entreprises de toutes tailles, le marché, mais aussi pour les discussions à venir.

En effet, les acteurs qui ne sont pas directement concernés par la CSRD seront malgré tout scrutés. Les parties prenantes sur un marché chercheront à évaluer leur engagement face aux défis environnementaux, ainsi la transparence ne sera plus une option, mais un gage de crédibilité et d’anticipation des risques.

Cependant, l’enjeu, désormais, va au-delà des intérêts des entreprises : il s’agit de répondre aux défis climatiques, garantir la pérennité de nos ressources et répondre aux attentes collectives de durabilité.

Que dit le droit européen ?

Sur le plan juridique, on peut citer, avant l’Accord de Paris, le Traité de Maastricht, au fondement de l’Union européenne, et modifié par le Traité de Lisbonne en 2007, introduisant l’article 191 qui stipule : “La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants : la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement”. Pour notre sujet, comme souvent en droit européen, l’application du texte est sous-tendue par une interprétation des faits : « Dans l’élaboration de sa politique dans le domaine de l’environnement, l’Union tient compte : (…) des avantages et des charges qui peuvent résulter de l’action ou de l’absence d’action, du développement économique et social de l’Union dans son ensemble et du développement équilibré de ses régions ». À suivre.

Vous souhaitez être contacté par notre rédaction ?

    Vous souhaitez être contacté par notre service commercial ?